L’institut
de recherche américain Pew a demandé à 742 spécialistes de nouvelles
technologies de prédire l’avenir du réseau et son influence globale sur
le monde
Connecté en permanence.
56% des personnes interrogées par l’institut Pew pensent qu’Internet
deviendra d’ici 2020 aussi courant (et indispensable) que l’air que
nous respirons. La connexion permanente pour tous, avec un
ultra-haut-débit quasi-gratuit. En avance sur son temps, la Corée du
Sud semble un bon exemple de ce phénomène. Les technologies mobiles
seront le premier facteur de cette « globalisation ». 51% des
spécialistes estiment pourtant que la réduction de la « fracture
numérique » doit être la première priorité dans les années à venir.
Drogué des mondes virtuels.
Pour 56% des participants à l’étude, la dépendance à la réalité
virtuelle ne fera qu’augmenter. Il existe déjà des cliniques de
désintoxications à internet, et quelques cas d’overdoses mortelles de
jeu en ligne. Le développement de gigantesques écrans en
haute-définition, de la reconnaissance vocale, et de l’ultra-haut-débit
devrait renforcer la tendance. Certains prévoient de véritables
épidémies, un manque chronique de sommeil, des enfants « prisonniers »
de mondes créés spécialement pour provoquer l’addiction. L’utilisation
d’avatars multiples dans autant de mondes différents devrait faire
exploser les cas de troubles du comportement.
Traqué, pisté, identifié, espionné.
Le futur de la « vie privée » est le sujet sur lequel les spécialistes
semblent le plus partagés. Tous s’accordent à penser que nos petits
secrets seront découverts : « La collecte de données personnelles n’en
est qu’à ses débuts, la reconnaissance faciale automatique n’en est
qu’à ses débuts. Les caméras de surveillance ne sont pas toutes reliées
entre elles. Pas encore », souligne l’un d’eux. « D’ici 2020, on
implantera une puce RFID à la naissance de tous les nouveau-nés »,
estime un autre. Pour 46% des participants, cette « transparence »
engendrera un monde meilleur, tandis que 49% y voient plutôt
l’avènement d’un Big Brother tiré du roman d’Orwell. Et de prévoir le
pire : les fameuses puces RFID, destinées au départ à stocker notre
carnet de santé ou autre information utile, finiront par devenir un
module de surveillance de tous nos faits et gestes, couplé à un système
GPS.
Libre de parler sa langue.
Pour 57% des sondés, la langue de Shakespeare ne supplantera pas les
autres langages. « Beaucoup de gens n’auront aucun besoin de
communiquer globalement dans d’autres langues que la leur, ne
choisissant de se connecter qu’avec leur communauté locale », estime
l’un d’eux. Plusieurs prédisent qu’une nouvelle « lingua franca » fera
son apparition, composée d’anglais mal prononcé, de mandarin,
d’espagnol, et de mots spécifiques au web : blog, wiki, pod. Autre
hypothèse : un module de traduction automatique et universel permettra
à chacun de parler dans son propre langage et d’être compris de tous.
Citoyen d’une cité-état.
52% prédisent l’effacement progressif des frontières traditionnelles,
et en particulier celui du sentiment national. Les êtres humains se
regrouperont par affinités, convictions, plutôt que par lieu de
naissance. Dans le commerce, ce phénomène sera marqué par l’avènement
des « micro-multinationales », des PME regroupant par exemple un
Chinois, un Français et un Péruvien. L’espace politique sera lui aussi
sujet à une véritable « tectonique des plaques » : les enjeux locaux
s’affirmeront, conduisant à un fractionnement en cités-états. « Le
vieil ordre mondial ne se laissera pas faire et ripostera », prévient
un des sondés.
Cyberdissident ou techno-sceptique.
D’ici 2020, un nouveau groupe humain naîtra : les
« techno-sceptiques », refusant les nouvelles technologies, selon 58%
des sondés. Un petit nombre vouera même sa vie à la destruction de
l’âge informatique, en menant des attentats contre les infrastructures
physiques du web, dans la lignée de Theodore Kaczynski, terroriste
anti-technologie américain plus connu sous le nom d’Unabomber. Mais la
violence sur le net ne sera pas l’apanage de quelques « refuzniks ».
Des gangs de cyber-criminels opèrent déjà depuis la Russie, la Chine ou
les Etats-Unis, et rien ne permet de dire que la cybercriminalité
diminuera dans l’avenir. Enfin, de nombreux intervenants rappellent
qu’Internet n’est pas exempt de violence politique : en 2020, certains
états censureront et emprisonneront toujours à tour de bras ceux qu’ils
appellent les « cyberdissidents ».
Toujours maître de ses machines.Si
la plupart des sondés s’accordent sur des « dangers » dus à l’autonomie
grandissante des machines, la plupart restent optimistes. Pour 54%,
l’être humain, gardera la main sur ses prérogatives les plus
importantes, ne déléguant aux êtres de silicium que des tâches
secondaires. Mais d’autres prennent au sérieux les scénarios
catastrophes illustrés par Matrix ou Terminator. Ils estiment qu’à
l’horizon 2050, la Terre verra naître des robots pleinement conscients,
ou une « smartdust », véritable poussière intelligente, invisible et
omniprésente.
Source : Figaro