l'entretien de recrutement : la position communicationnelle du recruteur

Publié le 07 novembre 2007 par Patricia Goyenetche
L'entretien d'embauche :

Nous avons vu l'aspect théorique du contrat de communication qui influence les comportements des recruteurs et des candidats. A présent, nous allons voir à partir d'une expérience de Camus (1996), les effets de la position communicationnelle du recruteur sur celle adoptée par le candidat, et plus globalement, sur la manière dont ce dernier interprète le contrat, en particulier au cours de la séquence où le recruteur invite le candidat à parler de ses défauts. Voici les résultats.


La position communicationnelle est le choix du contrat de communication du recruteur avant de démarrer l'entretien. Dans cette étude, deux comportements ont été choisis. Le premier est la position provocatrice (entretien directif) du recruteur et le second la position consensuelle (entretien non-directif). Dans cette étude, Camus distingue deux groupes. Face à un premier groupe de candidat, le recruteur occupe tout au long de l'entretien une position consensuelle ; elle se manifeste par de nombreux signaux d'écoute, approbations et reformulations, une argumentation co-orientée, et un rôle communicationnel privilégié de validant. Face à un second groupe de candidats, le recruteur occupe une position provocatrice laquelle se manifeste par de nombreux signaux dubitatifs, désaccords et interruptions, une argumentation anti-orienté et des rôles communicationnels privilégiés d'évaluant et d'invalidant. Les variations spontanées des candidats au cours de la conduite de l'entretien ont permis d'expliquer les résultats suivants.

L'investissement du contenu auto-descriptif

Lorsque le recruteur est consensuel, les candidats, pour parler de leur défauts, produisent une autodescription saturée en traits de personnalité à forte valeur sociale dont les plus fréquemment cités sont "directs", "battant" et "râleur" (envers les subordonnés). La consensualité confirme l'évalué dans sa référence au modèle personnologique de l'employabilité. Il en résulte des autoportraits stéréoptypés et peu discriminants.

Lorsque le recruteur est provocateur, non seulement les autoportraits sont plus hétérogènes, mais de plus ils comportent des traits non conformes au modèle personnologique de l'employabilité (par exemple : "faible", "inconstant").

L'investissement de l'interaction

Le recuteur provocateur, en effet, met en péril la face du candidat, y compris lorsque celui-ci répond à la consigne en citant des pseudo-défauts ("Mais dites-moi, c'est un gros défaut çà"). Une telle invalidation suscite à l'occasion une négociation explicite du contrat (par exemple : "je vais pas tout vous dévoiler (de mes défauts)"). L'entretien est ici compris par le candidat comme mise à l'épreuve de sa capacité à gérer un contrat difficile.

L'apport d'information n'est plus à l'évidence l'unique finalité : l'interaction elle-même est investie. Défendre sa valeur face à un recruteur qui la remet en cause, c'est alors négocier activement sa propre position dans l'interaction.

Conclusion :

Cet investissement de l'interaction elle-même se traduit notamment par une fréquence élevée d'interventions régulatrices*, ces dernières représentant 40,7 % du nombre total d'intervention du candidat, contre 29,3 % lorsque le recruteur est consensuel. Globalement on observe d'ailleurs une plus grande proximité entre le deux partenaires de l'interaction lorsque le recruteur est provocateur, tant qu'en entretien consensuel, les rôles respectifs de l'un et de l'autre sont d'emblée clairement différenciés : le candidat, confiné dans une certaine ligne de conduite, fournit de l'information, et le recruteur prend en charge la gestion de la rencontre.

  • Approbations ou désapprobations passives, reformulations, demandes de point de vue ou d'approbation, etc.