Augmentation des exigences clients, augmentation des taux de satisfaction client, serions-nous les champions du monde de la relation client ?
Dans nos entreprises, il est totalement inconcevable d’enregistrer un taux de satisfaction inférieur à 80%. Mais avec un indicateur de satisfaction supérieur à 80%, pourquoi n’avons-nous pas 80% de clients fidèles ? Avec un indicateur de satisfaction supérieur à 80%, pourquoi existe-t-il encore des « non clients » ?
Et si nos indicateurs nous induisaient en erreurs ? Et si, sans le vouloir, nous ne percevions de nos indicateurs que ce que nous voulons bien qu’ils nous montrent ? Et si les études de satisfaction dont ils sont issus nous trompaient ?
Pour planter le décor, prenons l’exemple de deux critères recueillant tous deux 80% de taux de satisfaction à une étude de satisfaction clients et posons-nous des questions. Auquel de ces deux critères préfèrerions nous adhérer ?
FAUT-IL SE SATISFAIRE DE JUSTE DONNER DE LA SATISFACTION AU CLIENT ?Ce serait se contenter de placer la barre à un niveau somme toute médian pour ne pas dire médiocre. L’objectif est-il de rendre les clients « satisfaits » ou « très satisfaits » ?
La satisfaction client n’est pas une action, c’est une perception, c’est un état d’esprit et c’est là sa véritable valeur car, selon son intensité, elle inspire des actions : achat, fidélité, recommandation.
Le comportement client est influencé par la satisfaction et un niveau de satisfaction neutre, ou tout juste satisfaisant, n’inspire pas d’action notoire. Seule une satisfaction, ou une insatisfaction, intense peut créer une action et une action inspirée par des émotions est beaucoup plus puissante que celle motivée par la raison.
Jusqu’à présent on avait pour habitude de lire qu’un client très satisfait ou très insatisfait pouvait communiquer son ressenti à 10 autres personnes. Aujourd’hui avec le développement du web 2.0 et des réseaux sociaux (Twitter, les blogs, les forums d’échange et autres), la propagation de l’information est beaucoup plus puissante et amplifie le phénomène du « bouche à oreille ». Ce changement dans le rapport de forces entre fournisseurs et clients obligent plus que jamais les entreprises à être plus attentives au comportement des clients.
L’objectif d’une stratégie orientée client doit donc être de procurer une satisfaction intense, un ravissement client, un enchantement client pour que celui-ci devienne un client fidèle, un prescripteur, une force commerciale complémentaire pour l’entreprise.
Susciter le ravissement client, le plus grand plaisir client, ce que les anglo-saxons nomment le « customer delight » est donc une excellente manière de stimuler la croissance, de générer de nouvelles opportunités de croissance organique dans l’environnement économique de retournement que nous connaissons actuellement.
Dans cette optique, une entreprise devenue ambitieuse en matière de satisfaction client se devrait de n’afficher et de ne suivre dans ses tableaux de bord que les taux de clients « très satisfaits », ce que certains auteurs ont qualifié de la « top box ».
Certes les taux de satisfaction ainsi retenus seront beaucoup plus bas que ceux habituellement annoncés mais l’objectif d’une étude de satisfaction n’est pas de montrer aux autres que l’on travaille bien, c’est de faire ressortir en interne les axes de progrès pour combler au mieux les attentes du client et essayer de le fidéliser.
LES OBJECTIFS D’UNE ETUDE DE SATISFACTIONUne étude de satisfaction est un moment privilégié d’écoute du client. C’est une phase d’exploration des attentes client qui doit permettre de découvrir les gisements de valeurs à exploiter et qui doit permettre d’agir. Une telle investigation n’est donc pas un simple questionnaire.
Les objectifs poursuivis et l’utilisation future des données recueillies doivent être très clairement définis. A défaut, il est probable que les bonnes questions, celles qui permettront de faire ressortir les indicateurs intéressants et d’orienter des plans d’action, ne seront pas poser.
Identifier les bonnes questions c’est être capable de répondre au préalable aux points suivants :- Pourquoi et pour quelle utilisation voulons-nous suivre l’évolution du taux de satisfaction ?- Que voulons-nous mesurer ?- Qui souhaitons-nous mesurer ? L’ensemble des clients ou un segment précis ?- Pourquoi ne pas focaliser l’étude sur les clients qui se plaignent ou qui sont partis ?(orientation intéressante et efficace dans un objectif de rehaussement de la qualité et des causes de défection).
Les réponses recueillies permettent, après agrégation, de calculer un indicateur de satisfaction globale et des indicateurs par secteurs d’analyse. Là encore l’identification des secteurs d’analyse doit être préalablement clairement définie, nous y reviendrons.
QU’EST-CE QUE LA SATISFACTION CLIENT ?La satisfaction est généralement définie comme le sentiment éprouvé par le client à la suite de l'utilisation d'un produit ou de la consommation d'un service. La satisfaction est donc : - le résultat de la perception d’une offre (et non de la réalité de l’offre, celle-ci peut lui être supérieure), - et sur une base comparative, le résultat du sentiment qui résulte de la comparaison entre une perception et une attente (et non d’un désir, celui-ci peut être supérieur à l’attente).
EN QUOI NOS INDICATEURS DE SATISFACTION SONT-ILS ERRONES ?
LES PROCESSUS PSYCHOLOGIQUES DES REPONDANTSSi les processus psychologiques du client entrent en ligne de compte dans la perception de l’offre, ils entrent également en ligne de compte lorsqu’en réponse à une étude il doit se prononcer sur son niveau de satisfaction.
On observe ainsi que lorsque l’écart entre la perception de l’offre et l’attente n’est pas trop prononcé, le répondant a tendance à être moins sévère dans son évaluation et à minimiser son insatisfaction.
Il se crée ainsi une zone de tolérance qui améliore faussement le taux de satisfaction des clients « satisfaits ».
LA CREDIBILITE DES RESULTATS OBTENUS DES ETUDESDe nombreuses entreprises communiquent sur un indicateur de satisfaction globale de plus de 80% ou 85% quand ce n’est pas 95%. Quel est le sens d’un tel résultat ? Si la part de marché n’est pas à ce même niveau c’est bien que l’on ne doit pas mesurer ce qui devrait l’être ou que l’on se trompe dans les données que l’on agrège et assurément dans les appréciations des répondants que l’on agrège.
Une étude de satisfaction est censée permettre d’agir, quelle part est laissée à l’action avec de tels niveaux de satisfaction ?
Mais peut-être suffit-il de ne rien faire ! J’ai lu récemment un article qui, sur le ton de l’humour, prédisait une amélioration des indicateurs de satisfaction de nos entreprises. L’argumentation était simple mais pleine de bon sens : en période de crise le chiffre d’affaires baissant, les premiers clients à quitter une entreprise sont généralement les moins satisfaits.
VERS UNE NOUVELLE APPROCHE DE L’INDICATEUR DE SATISFACTION
SUR LE NIVEAU D’APPRECIATION A RETENIRToutes les raisons précitées, mais on pourrait en trouver d’autres, militent pour ne suivre dans les tableaux de bord que le niveau de clients « très satisfaits ». L’entreprise sera ainsi certaine de ne pas se reposer sur des lauriers inexistants.
Dans cette optique, l’étude de satisfaction ne doit pas être perçue comme une menace (par la production d’un taux plus faible), il ne s’agit pas d’établir un seuil à partir duquel les résultats seraient jugés bons ou mauvais. Au contraire, les aspects identifiés comme simplement « satisfaisants » ou préoccupants doivent être considérés comme autant d’opportunités d’amélioration et non comme des éléments problématiques.
SUR L’APPROCHE DE L’EXPLOITATION DES RESULTATSL’indicateur de satisfaction traduit un écart entre une attente et une perception, mais, dans une approche multidimensionnelle de cet écart (abordé au paragraphe suivant), il est possible de le subdiviser en d’autres écarts susceptibles d’engendrer des plans d’actions différents. Il convient alors de faire figurer dans l’étude des questions qui faciliteront la mise en évidence de ces autres écarts.
SUR L’OBJECTIF MEME DE L’ETUDE DE SATISFACTIONNous n’avons cessé de le répéter les données recueillies doivent permettre d’agir. Il faut donc pouvoir définir des indicateurs de satisfaction susceptibles d’orienter des plans d’actions et idéalement pouvant à leur tour être déclinés dans un balanced scorecard, dans la carte stratégique de l’entreprise. Ce but nécessite une modélisation préalable des objectifs poursuivis (abordé au dernier paragraphe).
L’ANALYSE DE LA SATISFACTION PAR UNE APPROCHE MULTIDIMENSIONNELLE Il convient de faire la distinction entre la qualité technique d’une offre fournisseur basée sur des critères objectifs et la satisfaction client qui, elle, relève du domaine du subjectif.
La correspondance entre la perception des clients et ce qui est considéré comme des faits justes n’est pas la règle. Néanmoins, l’évaluation du point de vue des clients, demeure essentielle. Elle permet effectivement de révéler la présence de différentes problématiques sollicitant des plans d’actions différenciés.
Ainsi, l’écart de satisfaction qui mesure l’écart entre une qualité attendue et une qualité perçue va révéler dans une analyse multidimensionnelle :- une problématique d’adéquation de l’offre (un écart d’attente), - une problématique de qualité de l’offre (un écart de qualité),- une problématique de perception de l’offre (un écart de perception).
L’ECART DE PERCEPTION Cet écart se révèle lorsque le client ne s’est pas rendu compte que l’offre a été rendue en conformité avec les bonnes pratiques ou encore que l’offre n’est pas sur son bon positionnement (rapport prix/qualité).
En termes d’amélioration, cet écart invite soit à mettre en place une meilleure communication avec les clients en vue de donner une meilleure visibilité à l’offre rendue soit à revoir le rapport qualité/prix.
Orienter des plans d’actions exige donc de traiter autrement l’information issue de l’étude de satisfaction de manière à identifier chacun de ces écarts possiblement problématiques.
Une approche complémentaire permet d’enrichir plus encore les résultats obtenus en déclinant les plans d’actions dans la stratégie de l’entreprise, cette étape passe par une modélisation du comportement client.
MODELISER LES COMPORTEMENTS CLIENTS ET UTILISER LES INDICATEURS DE SATISFACTION COMME BASE D’ORIENTATION A LA STRATEGIE DE L’ENTREPRISEPhilippe Plantier, chercheur en modélisation de comportement consommateur, présente une approche plus que pertinente de l’utilisation des études de satisfaction.
Il identifie le comportement client en quatre fondamentaux à partir desquels doivent être élaborées les questions de l’étude de satisfaction à mener. Les réponses obtenues permettent de dégager quatre indicateurs de satisfaction.
Cette approche permet ainsi de passer du comportement clients à des indicateurs de comportement et de décliner ces indicateurs en mesures opérationnelles pouvant être transposées ensuite dans la carte stratégique de l’entreprise.
Il m’est apparu intéressant de reprendre les grandes lignes de son analyse.