Travailler avec la génération Y chinoise

Travailler avec la génération Y chinoise

crédit photo : 小猫王

Si vous êtes allé en Chine récemment et avez parcouru le quartier de Huangpu à Shangai ou de Chaoyang à Beijing, entre autres exemples,  vous avez sans doute croisé une jeunesse chinoise urbaine en train de faire la queue pour un latté au Starbuck, jonglant avec leur téléphones. Mais ne restez pas sur les apparences. Ces Y urbains et connectés- “Netizen” ou “balinghou” (八零后) – font certes partie de leur temps mais gardent pourtant certaines valeurs bien chinoises. La génération Y est par sa culture, un peu Y (challenge de la hiérarchie), un peu X (pression des parents et recherche de la réussite professionnelle et un peu Emo (susceptibilité).

Travailler avec la génération Y chinoise

crédit photo : ernop

Ces valeurs chinoises se fondent sur la famille. Il se sentent responsables de leurs parents mais également des oncles, tantes et grands parents. Particularité partagée par d’autres peuples d’Asie comme les Vietnamiens, où les noms “oncle”, “tante”, “grand-mère” et grand-père” sont différents selon qu’il s’agit du coté paternel ou maternel de la famille. Selon une enquête récente de Accenture, 82% des jeunes interrogés veulent aider financièrement leurs parents. Ces valeurs familiales sont aussi importantes que la relation harmonieuse, le sacrifice personnel au bénéfice du groupe et la réussite professionnelle. La génération Y chinoise a donc de grandes attentes pour leur carrière et sont prêts à travailler dur pour atteindre leur but. Le cycle confucéen se perpétue : L’enfant doit réussir pour rendre son clan fier (culture de la face), et s’acquitter de la dette morale contractée envers ses parents qui se sont sacrifiés pour financer son éducation.

Concernant leur valeur de relation, ils sont maintenant aidés par la technologie : les réseaux sociaux (peut être connaissez vous Ren-ren ou kaixin) sont un moyen unique et rapide de se faire de nouveaux amis. Ce qui rentre parfaitement dans la logique du Guanxi (relation), selon laquelle “j’ai besoin de l’autre pour atteindre mon objectif “(réciprocité de l’échange de face et retour de service). Ils ressemblent alors beaucoup à leurs grands-parents dans leurs motivations, même si concrètement, le fossé technologique les séparant est bien plus important que dans nos pays occidentaux.

La culture Y chinoise comme nous l’entendons n’est pas née dans les années 80 comme dans les pays occidentaux, mais plutôt dans les années 90. Comprendre leurs attentes, identifier les outils qu’ils utilisent est important car comme au Maroc, en Afrique du sud et dans bien d’autres pays du sud, cette population tournée vers l’international représente l’avenir du pays. En terme de classe d’âge, les moins de 30 ans représentent 50 % de la population. 700 millions de personnes (dont 250 millions vivent en ville), soit 10 fois plus qu’aux USA et 45 fois plus qu’en France… ça commence à se voir.

Pour être intervenu à plusieurs reprises en Chine pour des missions de conseil ou des formations, je peux vous dire que les questions des chefs d’entreprise de l’empire du milieu sont étonnemment proches des nôtres : “Comment les fidéliser, comment leur parler quand un rien les braque et comment manager ? “

Cette nouvelle culture générationnelle qui rejoint le monde de l’entreprise marque donc sa propre différence tout en ayant des valeurs communes avec les “anciens”. Elle remet peu à peu en question la hiérarchie comme dans les entreprises occidentales : leur loyauté est difficile à acquérir, et les comportements d’obéissance inconditionnelle s’atténuent, la susceptibilité se déploie et l’esprit critique se développe.

Travailler avec la génération Y en Chine

Comme vous le savez, cette génération de chinois est issue d’une politique de l’enfant unique. Expliquant un surplus de 90 millions d’hommes et des craintes sur le traitement des femmes, selon un article du Monde. Selon une étude du Guttmacher Institute, ces enfants uniques réussiraient mieux dans leurs études que ceux ayant des frères et sœurs.

Ces enfants ont grandi dans des familles traditionnelles en subissant depuis leurs premiers pas à l’école le même type de pression que nous connaissons pour les Japonais. Imaginez-vous être un enfant unique dans une maison où vivent côte à côte vos parents, leurs frères et sœurs, s’ils en ont, et vos grands-parents qui tous veulent vous voir réussir ! Imaginez la pression si vos résultats sont excellents mais inférieurs à ceux du voisin ! De quoi faire perdre la face à toute une famille ça !

Par certain côtés, cette culture Y est finalement très proche de la culture X occidentale, car le résultat de cette protection est de transformer ces étudiants en victimes de la recherche de perfection de leurs parents. Les parents n’hésitent pas à critiquer tout résultat moins que parfait. “Parfait” signifiant étant mieux que le fils de leurs amis ! Culture de la face je vous rappelle ! Rien de mieux pour détruire une confiance en soi et développer le stress à des niveaux qui ne sont plus vus en France que dans des familles où l’on fait polytechnique de père en fils depuis 10 générations.

Le management évolue… aussi

Rien de neuf sous le soleil, demandez à des chefs d’entreprises chinois ce qu’ils attendent des étudiants chinois, ils vous répèteront ce que vous avez déjà entendu en France : on attend les mêmes comportements que nous à leur âge. En plus efficace, plus ambitieux, plus poli mais aussi respectueux de la hiérarchie. Dommage ! Ceux que l’on a pu rencontrer avec mon camarade Jocelyn sont des consommateurs cherchant le meilleur salaire, aussi susceptibles que nos Z vont sans doute l’être et surtout aussi allergiques à toute critique jugée déplacée hors contexte familial.

Alors certes, ils comprennent qu’il y a une hiérarchie, mais pourtant ils font partie de la première génération à en challenger l’utilité ! Montrant de nouveaux des comportements proches de ceux que nous connaissons : ils souhaitent être écoutés, participer aux décisions, ne pas être pris pour des numéros et utiliser leurs connaissances (en particulier informatique et linguistique) dès leur entrée dans l’entreprise.

Quelque chose que nous avons aussi vu au Japon est le rapport Maître / disciple ou stagiaire / formateur qui se trouve bouleversé. En tant que disciple on ne se tourne plus forcément vers son manager pour demander un renseignement et on se tourne plus volontiers vers un autre disciple que de se voir “expliquer la vie” par un plus expérimenté.

Les managers peuvent alors se sentir menacés dans leur rôle de leaders censés donner des ordres indiscutables ET dans leur rôle de formateurs (qui depuis que le monde est monde va toujours du plus ancien au plus jeune). Un salarié qui pose une question est un salarié qui se permet d’aller contre l’ordre établi, au mieux il manque de respect, au pire cela peut être compris comme une insulte !

Vous devez encadrer une équipe de jeunes diplômés chinois :

  1. Créez un climat de confiance basé sur un sens de la relation et un comportement adapté.
  2. Soyez un “Sherpa” pour être présent quand vos collaborateurs ont besoin de vous et de vos compétences en leur demandant si vous pouvez les assister.
  3. Montrez l’exemple plutôt que de mettre en avant votre diplôme ou expérience.
  4. Soyez ouvert aux émotions des autres tout en vous méfiant des vôtres.
  5. Et enfin, oui, ça marche aussi avec d’autres nationalités et à tous les âges.