Plutôt que d'y réfléchir tout seul, j'ai eu l'idée d'interroger les plus grands experts du Web 2.0, des RH 2.0, du e-Recrutement et du Recrutement 2.0, des Réseaux sociaux, de l'Identité Numérique, du Community Management, ... pour connaître leur point de vue.
J'ai alors lancé le projet "Interview Express sur le Recrutement 3.0" en sollicitant une cinquantaine d'experts via des messages privés sur Facebook ou des DM (Direct Message) sur Twitter.
Je leur ai posé une seule question : "Après le e-Recrutement et le Recrutement 2.0, comment imaginez-vous le Recrutement 3.0 ?
Les contributions de Vincent ROSTAING , Pierre DENIER, Carole BLANCOT, Laurent BROUAT, Flavien CHANTREL, Manon SCHMIDLIN, John TOUTAIN, Sandrine AVENIER, Vincent GIOLITO, Christophe PATTE, Lilian MAHOUKOU, Marie-Pierre FLEURY, Hervé WEYTENS, Stephen DEMANGE, Vincent BERTHELOT, Fadhila BRAHIMI, Sylvaine PASCUAL, Franck LA PINTA, Gaït LE GOASTER , M.Sébastien et Aurélie GIRARD sont déjà en ligne sur ce blog et vous pourrez découvrir prochainement celles d'Emilie OGEZ, Sophie GIRARDEAU, Florence SINOIR, Stéphane LANGONNET, Dan SERFATY, Romain NAVARRE, Fabrice LANDOIS, Christophe RAMEL, Jacques FROISSANT …
Aujourd’hui : Jean-Marie BLANC !
Mini-bio :
Diplômé de Sciences-Po Paris, Jean-Marie a travaillé dans le marketing et le conseil en recrutement avant de rejoindre l’Apec. Il est aussi intervenu en tant que formateur dans les domaines de la mobilité, la carrière et l’emploi.
Consultant, puis directeur de région à l’Apec, il a lui-même conseillé plusieurs milliers de jeunes diplômés. Il a pris en 2008 la direction de la « prospective métier », pour mettre en place un Institut Apec du Conseil, outil de formation et de recherche sur les métiers de l’Apec et leur évolution.
Itw Xpress :
Jean-Marie, après le e-Recrutement et le Recrutement 2.0, comment imagines-tu le Recrutement 3.0 ?
D’abord flatté, je suis aujourd’hui impressionné d’être invité, au milieu de tant d’éminents spécialistes, à donner mon idée de ce que sera le recrutement 3.0, d’autant plus que… Je n’en sais rien !
On ne prévoit pas l’avenir en « prolongeant les courbes ». De telles projections, en démographie par exemple, sont régulièrement démenties.
La prospective consiste donc à tenter d’identifier les paramètres les plus stables, les ruptures possibles et leurs conséquences. C’est pourquoi je fais mon modeste : pas facile de démêler les vraies ruptures, des changements de surface, les innovations qui vont se répandre de celles qui feront flop. L’avion le plus rapide (Concorde) ou le plus gros porteur (B 747) ? Les véhicules à sustentation magnétique ou à coussin d’air ou le TGV, bien moins innovant ?
Faute d’une vision d’ensemble affirmée, je voudrais faire 3 constats et poser 4 questions.
Premier constat :
Le recrutement 3.0, sera, c’est clair, interactif et ATAWAD (AnyTime, AnyWhere, Any Device) ; mais pas forcement AOATAWAD (AnyOne, en plus) : 9 % des 18-65 ans scolarisés en France sont illettrés ; avec ceux qui n’ont pas été scolarisés en France, c’est sans doute au moins 15 à 20 % de la population active qui a « oublié ses lunettes ». Or pour beaucoup de PME, l’embauche de ces collaborateurs de ce niveau est la pratique dominante, elle influence (influencera ?) fortement le recrutement d’employés beaucoup plus qualifiés, beaucoup plus rare.
Deuxième constat :
En partie en raison de leur manque de compétence à recruter, les entreprises font de plus en plus appel à un intermédiaire, cabinet conseil, ETT, etc. avec une double attente : le sourcing (trouver des candidats) et l’évaluation, pour limiter les risques. Les intermédiaires sont plus à l’aise dans l’utilisation des technos, mais ils s’astreignent à répondre exactement à la demande.
Troisième constat :
Pas la place de le démontrer ici, mais la demande de compétences « supérieures » est en développement et l’offre en contraction. De plus, nos études (Apec, génération Y, 2010) montrent que la « génération Y » a intégré la mobilité professionnelle comme une composante clef de la construction de carrière. La concurrence entre les entreprises risque donc d’être de plus en plus forte pour comprendre, approcher, séduire et mobiliser les talents dont elles ont besoin.
J’en viens à mes 4 questions.
L’univers technologique du recrutement 3.0 a été décrit dans de précédents billets, celui de Stephen DEMANGE par exemple. Je me pose à ce sujet deux questions un peu entremêlées :
1. Comment et quand les candidats (eux d’abord sans doute) et les entreprises (sans doute avec plus de réticences) vont-ils adopter le requêtage sémantique (des mots ou des expressions liés par des opérateurs booléens) et cesser de travailler avec les moteurs de recherche par nomenclature (code fonction, code naf, région, code diplôme, etc.) et dans une logique d’entonnoir (chaque critère ajouté réduit le nombre de résultats) alors qu’on peut travailler dans une logique de « champs » déterminés par des concepts ? Par exemple, « électronique », ne se limite pas à une rubrique fonction (ingénieurs électroniciens), encore moins à un secteur (NAF) qui réduisent sottement les possibles (et les télécoms ? et l’automatisme ?).
2. Internet permet l’accès direct et immédiat à plus de 80 % des offres d’emploi. Comment et quand cela remettra-t-il en cause la notion de marché caché, vieux fond de commerce du conseil en recherche d’emploi ? Mais surtout, la construction laborieuse d’un projet professionnel « idéal » dont le réalisme est ensuite testé sur le marché ? L’application directe, sous forme de requêtes, de mes environnements d’excellence (là où je réussis, les conditions dans lesquelles je suis utile) permet de découvrir des possibilités imprévues. Le réel a plus d’imagination que moi et me propose donc des futurs inattendus mais enthousiasmant
3. Les tensions sur le marché, un turn-over renforcé, le caractère raisonné et conditionnel de la motivation et donc de l’engagement (et de la fidélité) des cadres, devraient créer aux employeurs une obligation de créativité dans leurs pratiques. Jusqu’à présent, ils ont pour l’essentiel, refusé d’en faire preuve avec la dernière énergie (sauf dans des aspects de forme, parfois un peu kitch). Le clônage (refus des changements de fonction) et la fixation sur des formations pour leur réputation (on ne connaît pas le contenu) s’expliquent en partie par la position de fournisseur des recruteurs (externalisation de la fonction), en partie par une forte appréhension du risque. Quelles sont les conditions d’une rupture avec ces pratiques s’il s’avère qu’en moyenne on garde un collaborateur cadre moins de cinq ans ?
4. Le recrutement va-t-il, comme cela semble se dessiner, s’intégrer à la gestion des compétences dans le temps, dont il deviendrait un moyens parmi d’autres ? Alors, on pourra porter une plus grande attention à l’intégration et à la mobilisation des collaborateurs. Peut-être cela rendra-t-il moins dramatique la crainte de s’être « trompé » dans l’évaluation préalable à l’embauche au profit de la construction d’une compétence collective ?
Mes préoccupations, vous le voyez, s’éloignent un peu de l’évolution technologique, qui doit rester un outil, permettant une modernisation, une amélioration des pratiques de l’orientation professionnelle et de la gestion des compétences, qui sont les deux aspects d’une même réalité : l’employabilité des salariés est garante de la compétitivité de l’entreprise
Merci Jean-Marie !
Pour ne rater aucune de ces Itw Xpress, suivez l’actualité Job 2.0 sur Facebook : http://fr-fr.facebook.com/pages/JOB-20/107538335940167?ref=t s