Valérie Fourrier : Le portrait d'une ancienne capitaine de corvette

Valérie Fourrier
De capitaine de corvette de la marine nationale sur la Jeanne d’Arc à bras droit de Maud Fontenoy, Valérie Fourrier nous raconte son parcours atypique en tant que  femme militaire….un modèle de dynamisme et d’humilité !

- Capitaine de Corvette de la Marine Nationale sur le porte-hélicoptère la Jeanne d’Arc

- Directrice de la fondation et des relations extérieures » de Maud Fontenoy

Ton parcours est très diversifié : du ministère de la défense à Maud Fontenoy en passant par la Jeanne d’Arc…..peux-tu nous préciser ce parcours très atypique ?

Oui en effet, j’ai un parcours un peu particulier qui ne correspond pas tellement à une carrière militaire classique. J’ai eu la chance de pouvoir faire beaucoup de choses très diverses et de passer d’un monde à l’autre sans toutefois qu’il y ait une apparente logique.

J’ai commencé une carrière dans la marine nationale il y a maintenant plus de 25 ans alors que mes aspirations initiales étaient plutôt artistiques. N’ayant que le bac en poche, je me suis engagée en tant que matelot, tout au bas de l’échelle, et j’ai gravi les échelons en interne en passant des concours pour passer rapidement officier.
J’ai commencé ma carrière comme secrétaire au cabinet militaire du premier ministre. J’ai ensuite été au service de plusieurs amiraux à l’état-major de la marine avant de réussir le concours d’officier. J’ai fait alors une parenthèse opérationnelle de 4 années au sein de l’aéronavale où j’exerçais des fonctions liées à la préparation des missions aériennes, leur suivi et leur restitution. Je briefais les pilotes avant leur départ en vol et faisais le point avec eux au retour. C’est ainsi que j’ai servi sur des bases aéronavales françaises et étrangères et sur porte-avions (notamment le Clémenceau en Adriatique pendant la guerre en ex-Yougoslavie).

J’ai ensuite réorienté ma carrière dans la communication et les relations internationales en commençant comme chef de cabinet du commandant de la Jeanne d’Arc pendant deux années dont une autour du monde. Après un passage au cabinet du chef d’état-major de la marine, j’ai été détachée au ministère des affaires étrangères comme adjointe au porte-parole pendant deux ans. J’ai alors découvert le monde diplomatique et politique en traitant des sujets qui n’avaient rien à voir ni avec la Défense en général ni avec la marine en particulier.

De retour dans la Marine, j’ai passé 4 ans au service de communication où j’ai entre autres organisé de grosses émissions de télévision en collaboration avec des sociétés de production. Pendant cette période, j’ai également été porte-parole des forces armées après le crash du boeing de Flash Airlines en mer Rouge.

Après mes années « communication », je suis partie à Brest pour diriger le cours des matelots, école qui accueillait des jeunes engagés pour leur formation initiale. J’ai fini ma carrière en m’occupant de communication interne sur les problématiques liées à la réforme générale des politiques publiques.
C’est alors que j’ai décidé de retrouver le monde civil pour accompagner Maud Fontenoy dans ses projets.

Comment expliques-tu tes choix et ces différentes orientations ? …des fonctions diverses avec une même passion pour l’océan ?

Je ne parlerais pas vraiment de choix. En effet, au départ, j’ai plutôt cédé à la voix de la raison en m’engageant dans la Marine. Mon père était militaire et il a eu les bons arguments pour me convaincre que c’était une bonne solution pour éviter de perdre trop de temps à la fac et entrer au plus tôt dans la vie active pour prendre sa vie en main. Ensuite, mes affectations qui se sont succédées ont été guidées par des orientations de la direction du personnel et non par des choix personnels. Néanmoins, je ne vais pas m’en plaindre, puisque cette voie m’a permis d’apprendre beaucoup et de côtoyer des mondes totalement inaccessibles pour quelqu’un comme moi, sans formation ni diplôme particuliers. Je suis de ceux qui croient que l’armée est un véritable ascenseur social et qu’elle permet, à ceux qui s’en donnent les moyens, de progresser et d’évoluer de manière assez originale.

Quant à l’océan, je suis née au bord de la mer, avec un père marin qui nous rapportait des récits, des films, des cadeaux de ses voyages autour du monde. Je l’ai toujours vue comme un espace de liberté incroyable, un merveilleux lieu d’évasion et de rêve même si elle peut être redoutable.

Etre une femme dans la marine :
Tu as travaillé dans la marine en tant qu’officier de presse au grade de lieutenant de vaisseau, : quel est ton ressenti sur cet univers qualifié plutôt de « masculin » ? Est-ce plus difficile pour une femme de s’affirmer ? Qu’est-ce qu’une femme apporte dans cet univers ?

Je n’ai jamais eu l’impression d’évoluer dans un milieu différent des autres.
La Marine est une grande entreprise, un peu particulière certes, avec ses règles, sa hiérarchie, ses différents domaines de compétence et je n’ai pas ressenti trop souvent de difficultés particulières. Peut-être aussi car je n’ai pas eu une spécialité plus spécifiquement masculine comme pilote de chasse ou fusilier marin. Mon expérience m’encourage à penser que pour faire sa place, une femme doit simplement être irréprochable professionnellement, sans doute plus qu’un homme, pour être crédible. Et dans ce cas, il n’y a pas de problème.

Le gros avantage dans l’armée, c’est qu’à grade égale et à compétences égales, le salaire est le même qu’on soit homme ou femme.

Pour une jeune femme qui souhaite faire carrière dans la marine, que lui conseillerais-tu ? quelles compétences, qualités, valeurs indispensables à avoir ?

Beaucoup d’abnégation et d’humilité, mais surtout de la conscience professionnelle et de la rigueur.

Tu as vécu sur le porte-hélicoptère la Jeanne d’Arc : pendant combien de temps ? tu étais la seule femme à bord ?
J’ai vécu à bord pendant deux ans. Nous étions alors deux femmes affectées en permanence et deux autres se rattachaient pour les missions (environ 6 mois par an). Sans compter les élèves officiers qui comptaient environ une douzaine d’éléments féminins.

Comment cela se passe-t-il pour vivre « renfermée » avec autant d’hommes ? as tu des privilèges ?

En tant que femme sur un bateau, aucun problème si on est officier. En effet, un officier, qu’il soit homme ou femme, a la chance d’avoir une chambre individuelle ou à deux. Nous n’avons pas de privilèges particuliers, tout le monde est logé à la même enseigne.

La vie à bord est une formidable école d’humilité, de respect et de rigueur. Vivre si nombreux dans un si petit espace deviendrait vite intenable si chacun ne respectait pas les règles élémentaires de savoir-vivre.

Les auteurs du livre dédié au porte-hélicoptère la Jeanne d’Arc (La Jeanne d’Arc, porte-hélicoptères R97 de Stéphane Dugast et Christophe Géral- 2009 (Les éditions du Chêne)) t’ont adressé un remerciement…une très belle attention. Peux-tu nous en dire plus sur ton rôle dans ce livre ? Que penses-tu du livre ?

C’est en effet moi qui ai eu l’idée de ce livre et le contact avec les éditions du Chêne à qui je l’ai soufflée. La directrice des éditions a été séduite par ce projet et je lui ai ensuite présenté les auteurs qui ont, eux aussi, été emballés par le challenge. Christophe Géral, que je connaissais depuis longtemps avait déjà fait beaucoup de photos sur la Jeanne, superbes et atypiques, qu’il n’avait jamais pu mettre en valeur, quant à Stéphane Dugast, reporter au magazine Cols Bleus, il était le plus à même de raconter la vie à bord de ce bâtiment qu’il connaissait bien. J’ai pensé que l’association de leurs talents pouvaient donner un beau résultat.

Aujourd’hui tu es « directrice de la fondation et des relations extérieures » de Maud Fontenoy et on te surnomme la « capitaine adjoint de Maud », qu’en penses-tu ?
Nous nous sommes rencontrées il y a un peu plus de 5 ans avec Maud et le courant est passé tout de suite. J’ai  apprécié son énergie et son envie d’aller au bout de ses projets coûte que coûte.
Depuis ce temps je l’ai toujours suivie, épaulée, aidée, orientée, de plus en plus d’année en année en fonction de mes disponibilités et elle me présente en effet toujours comme son « double », son « ombre », son « couteau suisse ».

Aujourd’hui départ vers les US et San Diego….une nouvelle aventure qui commence ?

Eh oui : mon mari, officier de marine également, vient d’être muté dans ce pays dont nous rêvons tous les deux depuis notre adolescence. C’est pour nous une ouverture vers de nouveaux horizons, la découverte de nouveaux espaces. Et qui sait ? peut-être de nouvelles perspectives ?
 

La Jeanne d'ArcLa Jeanne d’Arc : Porte-hélicoptères R97 ; Stéphane Dugast et Christophe Géral ; Les Editions du Chêne ; 2009

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