Stratégie en état d’incertitude ? Ne serait-ce pas un pléonasme ?
Définir une stratégie à x années c’est se tourner vers l’avenir, imaginer et construire de nouvelles références, engager des investissements dont les conséquences ne se révéleront qu’avec le temps. C’est faire de la prospective et donc se plonger dans l’incertitude.J’ai eu l’occasion d’entendre récemment un dirigeant me dire : "comment voulez-vous que je définisse une stratégie et des prévisions à trois ans lorsque je ne sais même pas si mon plus gros client me renouvellera son contrat l’an prochain … ".
Outre l’absence manifeste de stratégie dans son entreprise, le propos m’interpelait, j’y voyais une confusion, dans sa façon d’appréhender le futur, entre les notions de prospective et de prévision.
La prévision repose sur le passé, l’analogie et l’extrapolation, elle s’adresse à un avenir à court terme en continuité, à des tendances en prolongeant des courbes et en utilisant comme outil des modèles.La prospective, elle, construit de nouvelles références sur un avenir plus éloigné, elle bâtit l’avenir en fonction de choix délibérés, elle permet l’innovation, la stratégie et utilise comme outil des scénarios affectés de probabilités de réalisation.
Ainsi ce dirigeant confondait, dans un contexte de crise de liquidités, la nécessité de revoir ses prévisions à court terme (en termes de résultats et surtout en termes de trésorerie) avec la nécessité d’envisager un horizon plus éloigné. Ces deux exercices n’ont pas la même finalité. Dans le premier cas il s’agit de prévoir un court terme, éventuellement de concevoir des réponses alternatives à une menace imprévue, autrement dit d’anticiper un signal de danger pour pouvoir y répondre avec agilité. Dans le second cas il s’agit d’envisager, dans un environnement en constant changement, une évolution du business model de l’entreprise, de définir une vision, une stratégie.
L’accès au futur comporte ainsi trois portes d’entrée : par le passé c’est la prévision, par le présent c’est l’anticipation et par le futur c’est la vision.
La stratégie a toujours été un perpétuel voyage dans l’incertitude, ce qui caractérise notre époque, et désormais notre avenir, c’est que les périodes de certitude deviennent de plus en plus courtes. Le nombre, la fréquence et parfois la brutalité des événements entrainent une remise en cause de plus en plus fréquentes des situations acquises :- Événements macroéconomiques : crise financière, fluctuations des cours, modifications géopolitiques, …
J’avais envie d’illustrer ce propos sur l’exemple de l’utilisation d’un scénario au sein d’une entreprise que tout le monde connait. Imaginons (et ce n’est qu’un cas d’école) que les dirigeants de Google évaluent l’idée (stratégie ou tactique découlant d’une stratégie), à échéance cinq ans, de rendre payant l’accès à leur moteur de recherche sur internet.
L’idée paraît à priori saugrenue et ne retiendrait pas notre attention un seul instant car en totale rupture avec les tendances actuelles de gratuité des services. Maintenant, situons nous dans un futur à cinq ans, je vous annonce : nous sommes en 2016, l’accès au moteur de recherche de Google est devenu payant, dites-moi pourquoi ? Je suis persuadé que vous me trouverez alors pléthore de raisons pour expliquer ce changement de business model : - moteur de recherche beaucoup plus pertinent ayant nécessité de lourds investissements, - moteur de traduction de l’information en langue étrangère plus performant, - indexation automatique et personnalisée de nos historiques des recherches, - contraintes réglementaires obligeant la conservation de toutes les données, - etc …
La démarche est intéressante, évaluer la réalisation ou la non réalisation d’un objectif en se plaçant à l’échéance fixée et en utilisant une interrogation formulée par un verbe au présent force à voir plus large, à imaginer toutes les réponses, à soumettre en quelque sorte l’objectif envisagé à un « crash-test ». Cette façon de procéder, qui n’est qu’une des démarches permettant l’élaboration d’une stratégie, n’est curieusement pas très répandue au sein des PME.
Réfléchir dans l’incertitude pousse à la curiosité, à voir plus loin, à la remise en cause des situations acquises. Au sujet des situations acquises, en tant que Directeur Financier, j’ai toujours été frappé de voir que beaucoup d’entreprises avaient attendu les lois Aubry sur les 35 heures pour réfléchir autrement leur productivité des heures travaillées, qu’il ait fallu attendre la crise financière de 2008 pour que l’optimisation du BFR et la culture cash soient un sujet d’actualité. L’absence de changement, la continuité, la certitude entraineraient t’elle à une certaine inaction ?
Qu’en pensez-vous ?
"Ce n’est pas en améliorant la bougie que l’on a découvert l’électricité." (Gilles de Robien lors de la présentation de la loi de programme pour la recherche en 2005)
Définir une stratégie à x années c’est se tourner vers l’avenir, imaginer et construire de nouvelles références, engager des investissements dont les conséquences ne se révéleront qu’avec le temps. C’est faire de la prospective et donc se plonger dans l’incertitude.J’ai eu l’occasion d’entendre récemment un dirigeant me dire : "comment voulez-vous que je définisse une stratégie et des prévisions à trois ans lorsque je ne sais même pas si mon plus gros client me renouvellera son contrat l’an prochain … ".
Outre l’absence manifeste de stratégie dans son entreprise, le propos m’interpelait, j’y voyais une confusion, dans sa façon d’appréhender le futur, entre les notions de prospective et de prévision.
La prévision repose sur le passé, l’analogie et l’extrapolation, elle s’adresse à un avenir à court terme en continuité, à des tendances en prolongeant des courbes et en utilisant comme outil des modèles.La prospective, elle, construit de nouvelles références sur un avenir plus éloigné, elle bâtit l’avenir en fonction de choix délibérés, elle permet l’innovation, la stratégie et utilise comme outil des scénarios affectés de probabilités de réalisation.
Ainsi ce dirigeant confondait, dans un contexte de crise de liquidités, la nécessité de revoir ses prévisions à court terme (en termes de résultats et surtout en termes de trésorerie) avec la nécessité d’envisager un horizon plus éloigné. Ces deux exercices n’ont pas la même finalité. Dans le premier cas il s’agit de prévoir un court terme, éventuellement de concevoir des réponses alternatives à une menace imprévue, autrement dit d’anticiper un signal de danger pour pouvoir y répondre avec agilité. Dans le second cas il s’agit d’envisager, dans un environnement en constant changement, une évolution du business model de l’entreprise, de définir une vision, une stratégie.
L’accès au futur comporte ainsi trois portes d’entrée : par le passé c’est la prévision, par le présent c’est l’anticipation et par le futur c’est la vision.
La stratégie a toujours été un perpétuel voyage dans l’incertitude, ce qui caractérise notre époque, et désormais notre avenir, c’est que les périodes de certitude deviennent de plus en plus courtes. Le nombre, la fréquence et parfois la brutalité des événements entrainent une remise en cause de plus en plus fréquentes des situations acquises :- Événements macroéconomiques : crise financière, fluctuations des cours, modifications géopolitiques, …
- Événements climatiques : catastrophes naturelles, hivers fortement enneigés, fortes chaleurs d’été, …
- Événements réglementaires : nouvelles dispositions fiscales, sociales ou économiques, …- Environnement en hyper connexion : mondialisation, effets systémiques, internet, génération zapping, … - Concurrence : arrivée de nouveaux acteurs « low cost », ….- Innovation : l’Iphone a profondément changé le marché de la téléphonie mobile et plus généralement nos comportements, Itunes, Deezer ou Spotify ont entrainé un bouleversement des business model liés à l’édition et la distribution musicale, ….Dans ce contexte, faut-il alors renoncer à toute anticipation et jeter la stratégie aux oubliettes du management moderne ? Non, bien sûr, mais comment faire ? Je ne voudrais pas paraphraser Robert Branche, conseil en stratégie auprès de grands groupes et auteur de l’ouvrage très original "les mers de l'incertitude" que j’ai eu l’occasion de découvrir récemment. Pour lui, l’incertitude est le moteur du développement de la créativité, de l’imagination et de l’innovation. Pour se diriger dans l’incertitude, il propose de penser à partir du futur pour transformer le hasard en opportunités.J’avais envie d’illustrer ce propos sur l’exemple de l’utilisation d’un scénario au sein d’une entreprise que tout le monde connait. Imaginons (et ce n’est qu’un cas d’école) que les dirigeants de Google évaluent l’idée (stratégie ou tactique découlant d’une stratégie), à échéance cinq ans, de rendre payant l’accès à leur moteur de recherche sur internet.
L’idée paraît à priori saugrenue et ne retiendrait pas notre attention un seul instant car en totale rupture avec les tendances actuelles de gratuité des services. Maintenant, situons nous dans un futur à cinq ans, je vous annonce : nous sommes en 2016, l’accès au moteur de recherche de Google est devenu payant, dites-moi pourquoi ? Je suis persuadé que vous me trouverez alors pléthore de raisons pour expliquer ce changement de business model : - moteur de recherche beaucoup plus pertinent ayant nécessité de lourds investissements, - moteur de traduction de l’information en langue étrangère plus performant, - indexation automatique et personnalisée de nos historiques des recherches, - contraintes réglementaires obligeant la conservation de toutes les données, - etc …
La démarche est intéressante, évaluer la réalisation ou la non réalisation d’un objectif en se plaçant à l’échéance fixée et en utilisant une interrogation formulée par un verbe au présent force à voir plus large, à imaginer toutes les réponses, à soumettre en quelque sorte l’objectif envisagé à un « crash-test ». Cette façon de procéder, qui n’est qu’une des démarches permettant l’élaboration d’une stratégie, n’est curieusement pas très répandue au sein des PME.
Réfléchir dans l’incertitude pousse à la curiosité, à voir plus loin, à la remise en cause des situations acquises. Au sujet des situations acquises, en tant que Directeur Financier, j’ai toujours été frappé de voir que beaucoup d’entreprises avaient attendu les lois Aubry sur les 35 heures pour réfléchir autrement leur productivité des heures travaillées, qu’il ait fallu attendre la crise financière de 2008 pour que l’optimisation du BFR et la culture cash soient un sujet d’actualité. L’absence de changement, la continuité, la certitude entraineraient t’elle à une certaine inaction ?
Qu’en pensez-vous ?
Je voudrais terminer ce post par trois citations :
"Les prévisions sont difficiles, surtout lorsqu'elles concernent l'avenir." (Pierre Dac)"Ce n’est pas en améliorant la bougie que l’on a découvert l’électricité." (Gilles de Robien lors de la présentation de la loi de programme pour la recherche en 2005)
"Il s’est peut-être déjà vu des victoires par chance, mais il ne s’est jamais vu de défaite qui ne soit due à un manque de calcul" ( Sun Tzu, L’art de la guerre)