Je tourne la tête vers mon grand-père qui, assis sur sa vieille chaise pliante, rallume pour la dixième fois le mégot jauni planté au coin de sa bouche.
Il me fait signe du menton de ne pas quitter mon bouchon des yeux.
Un vrai pêcheur ne regarde rien d’autre que son bouchon, c’est bien connu. (…)
Papi me regarde, et écarquille les sourcils en hochant la tête, l’air impressionné. (…)
Il me caresse la tête en décoiffant un peu mes cheveux, puis m’attire vers lui.
Je pose mon visage contre son ventre et l’enserre de mes petits bras.
Je ferme les yeux.
On ne se dit pas un mot.
Je suis le plus heureux des enfants.
[Cyril Massarotto]
100 pages blanches est le premier roman que je lis (et il a eu un effet plutôt bouleversant pour moi…) de Cyril Massarotto.
Il a été édité aux Points, en septembre 2007 et comporte 266 pages.
Son auteur:
Cyril Massarotto vit à Perpignan. Il a longtemps écrit des paroles de chansons pour son groupe, Saint-Louis, avant de se sentir à l’étroit dans l’exercice. Il passe donc à la vitesse supérieure en 2006, et se lance dans l’écriture. Un an plus tard, alors qu’il surfe sur le net dans un bain bien chaud, une phrase résonne dans sa tête : « Dieu est un pote à moi ». Il sait alors qu’il tient son roman. Un premier roman hilarant, sensible et juste, qui a tout simplement le goût de la vie.
Instituteur puis directeur d’une école maternelle, Cyril Massarotto a décidé en 2008 de se consacrer à l’écriture et à la musique.
La 4ème de couv’:
Ce carnet, c’est ton héritage. Tes soeurs auront le reste, mais crois-moi, je te lègue le plus précieux de mes biens, et tout l’argent du monde ne le remplacerait pas. «
Quel choc pour ce jeune homme lors de l’ouverture du testament de son grad-père: il ne lui a rien laissé! Rien à part un vieux carnet vierge au cuir rapé. Pour tout héritage, cent pages blanches qui vont rapidement dévoiler leur secret…
(Source)
J’en pense quoi?
Ce livre m’a transpercé. Certes, il n’est pas impossible que ma situation personnelle ait fait écho au ton du livre… Bref, un roman - lu en quelques heures mais je pense que c’est l’unique méthode pour bien plonger dedans - que j’ai apprécié et que je trouve simple (mais dans le bon sens du terme) et touchant, avec des personnages attachants, des souvenirs qui sont déclenchés (douce nostalgie, sans madeleine…), quelques pointes d’humour et beaucoup de réflexivité…
L’avantage, quand on est vieux, c’est qu’on n’a plus la sale tête du réveil tellement la normale est déjà abîmée. [Cyril Massarotto]
Le clin d’oeil est aussi sur le héros qui est un trentenaire, somme toute banal, un peu comme vous ou moi. Enfin, surtout moi
Et une (vaste!) question en filigrane : mon passé m’enferme-t-il ou me pousse-t-il en avant ?
Qu’en pensez-vous?
Quoi qu’il en soit, là encore, ce n’est pas un livre de grande littérature mais plaisant, drôle, accrochant, poignant et surtout réflexif – pour ma part, ça a engendré de multiples réflexions sur mes souvenirs, mon passé, mon présent et mon futur.
Pour terminer sur une court passage du livre - à méditer en ce dimanche :
[...] Que faut-il faire pour emporter de grands souvenirs?
- C’est très simple : pour emporter de grands souvenirs, il ne faut pas regarder en arrière.
- C’est contradictoire, mamie…
- Au contraire, c’est très logique! Comprends-moi bien : tes souvenirs à toi, ils sont devant.
Pus tard, quand tu auras mon âge et qu’il sera trop tard pour construire, tu pourras te retourner, et voir ce que tu as bâti de grand, de beau…
Et tout cela remplira ton cœur. C’est tout ce que je te souhaite.
Ainsi, peut-être ne partiras-tu pas vide. Vide comme moi.
Bonne lecture et bon dimanche à tous!
Le Roman du Dimanche : 100 pages blanches de Cyril Massarotto a été publié sur Le Blog de Jean-Noël Chaintreuil. Restons en contact sur Facebook. Suivez-moi sur Twitter.