Par définition, si nous utilisons le terme de « recrutement 3.0 », c’est bien pour marquer une rupture avec celui de « recrutement 2.0 ».
Or, par essence, ces ruptures ne se prévoient pas.
Nous avons naturellement tendance à envisager le recrutement « 3.0 » comme une simple et logique évolution du recrutement 2.0… mais il ne le sera pas, en tout cas pas plus que le 2. 0 ne l’a été pour le e-recrutement.
Mais jouons le jeu en imaginant quelques éléments de réponses…elles auront au moins le mérite de nous faire rire dans quelques années !
Le Projet #ITWXPRESS Recrutement 3.0 :
En juillet 2010, à la fin de mon dossier sur les dernières tendances du recrutement on line (les nouveaux acteurs, les nouvelles techniques et approches et le Recrutement sur Facebook et Twitter), j'ai souhaité ouvrir une réflexion sur ce que pourrait être le Recrutement de demain.
Plutôt que d'y réfléchir tout seul, j'ai eu l'idée d'interroger les plus grands experts du Web 2.0, des RH 2.0, du e-Recrutement et du Recrutement 2.0, des Réseaux sociaux, de l'Identité Numérique, du Community Management, ... pour connaître leur point de vue.
J'ai alors lancé le projet "Interview Express sur le Recrutement 3.0" en sollicitant une cinquantaine d'experts via des messages privés sur Facebook ou des DM (Direct Message) sur Twitter.
Je leur ai posé une seule question : "Après le e-Recrutement et le Recrutement 2.0, comment imaginez-vous le Recrutement 3.0 ?"
Les contributions de Vincent ROSTAING , Pierre DENIER , Carole BLANCOT, Laurent BROUAT, Flavien CHANTREL, Manon SCHMIDLIN, John TOUTAIN, , Vincent GIOLITO,Christophe PATTE, Lilian MAHOUKOU, Marie-Pierre FLEURY, Hervé WEYTENS, Stephen DEMANGE,Vincent BERTHELOT, Fadhila BRAHIMI, Sylvaine PASCUAL,Franck LA PINTA, Gaït LE GOASTER ,M.Sébastien,Aurélie GIRARD, Jean-Marie BLANC,Romain NAVARRE,Julien COTTE, Camille TRAVERS,Florence SINOIR, Sophie-Antoine DAUTREMANT, Sophie GIRARDEAU, Harold PARIS, Romain ROGET, Begin With(Astrid FOCKE et Elisabeth KRYSTOSIAK), Franck MERLOZ, Gabriel GASTAUD, Léonard NOEL DU PAYRAT, Julien POUGET, Sylvain THEVENIAUD,David ABIKER,Gisela BONNAUD, Pascal LABOUHEURE, Hugues TRUTTMANN, Jérôme PALLAS PALACIO et Alexandre LALANDE sont déjà en ligne sur ce blog, et d’autres sont dans les tuyaux ...
Aujourd’hui : Gilles GOBRON !
Mini-Bio :
Après des études juridiques (DEA de droit de l'économie), j'ai exercé mon premier "vrai" boulot comme vendeur à la FNAC.
J'y ai attrapé le virus du conseil client et la passion des produits, et ce qui devait être provisoire à finalement duré 4 ans. Après avoir monté quelques échelons, j'ai contracté une
seconde maladie en 98 : internet. Du coup, j'ai "recommencé" une carrière de zéro : développeur html, puis infographiste, puis responsable de projet... côté annonceur comme côté
agence.
Depuis juillet 2007 j'ai rejoint Expectra comme responsable de la stratégie marque sur le digital. J'ai commis la refonte des sites Internet des marques du groupe Randstad, le développement
des applications iPhone et depuis environ 1 an, je coordonne la communication d'Expectra sur les réseaux sociaux.
Aimant Internet et les chats, je suis convaincu que ces derniers finiront pas dominer la toile.
Itw Xpress :
Gilles, après le e-Recrutement et le Recrutement 2.0, comment imaginez-vous le Recrutement 3.0 ?
Par définition, si nous utilisons le terme de « recrutement 3.0 », c’est bien pour marquer une rupture avec celui de « recrutement 2.0 ».
Or, par essence, ces ruptures ne se prévoient pas.
Nous avons naturellement tendance à envisager le recrutement « 3.0 » comme une simple et logique évolution du recrutement 2.0… mais il ne le sera pas, en tout cas pas plus que le 2. 0 ne l’a été pour le e-recrutement.
Mais jouons le jeu en imaginant quelques éléments de réponses…elles auront au moins le mérite de nous faire rire dans quelques années !
Le recrutement 3.0 sera une réponse aux multiples contradictions et questions du recrutement 2.0
Quitte à ne pas être consensuel et à jouer les rabat-joie, le recrutement 2.0 me semble pétri de contradictions.
- Contradictions dans les échelles de temps
Nous sommes tous d’accord pour dire que le recrutement via les réseaux sociaux nécessite de construire une relation continue et dans la durée avec les candidats. Or, aujourd’hui, les recruteurs ne consacrent guère plus de 15s à parcourir un CV (une des causes, au passage, de l’échec des CV vidéo) et dans 95% des cas n’ont pas le temps d’écrire des réponses personnalisées et argumentées à chaque candidat.
Parlons aussi des partenariats avec les écoles. Entreprises, intermédiaires, bien peu peuvent se targuer aujourd’hui d’investir sur les jeunes diplômes et de les accompagner dans le temps jusqu’à l’aboutissement de leurs projets professionnels. Nous ne savons pas (plus ?) le faire car « trop long-termiste ».
A l’heure du toujours plus vite, par quel coup de baguette magique serions-nous désormais capable de faire face à ces dévoreurs de temps que sont les réseaux sociaux ?
- Contradictions dans les effets
La fin du CDI a été annoncée. Has-been. Mort. Kaput. RIP.
Les cadres vont aller vers plus de flexibilité, enchaînant les entreprises, les missions courtes (rappelez-vous, nous courons après le temps…) Fini le salariat, la mode serait désormais aux « micro-auto-entrepreneurs » proposant leurs services.
Et les réseaux sociaux vont nous permettre plus que jamais de toucher ces candidats (déclarés ou non) et d’encourager ainsi le zapping des carrières.
Pourtant, n’est-ce pas ces mêmes réseaux sociaux qui nous sont présentés comme l’outil idéal pour « fidéliser les talents » ?!
Les réseaux sociaux, c’est pour faire du recrutement 2.0 chez les autres, et de la fidélisation 2.0 chez soi ?
- Contradictions dans la communication
L’ère du recrutement « 2.0 » sonne l’avènement du profil candidat. Contrairement au vieux couple poussiéreux « CV – lettre de motivation » celui-ci regorge d’informations (parfois à l’insu même du candidat) : réseaux, amis, projets, interventions, articles publiés, commentaires, recommandations, photos, vidéos, tweets... Beaucoup de données donc, de plus en plus même, puisque le candidat est encouragé à « se brander » (attention à la faute de frappe), à communiquer, à participer aux conversations.
Dans le même temps, nous luttons contre les discriminations par l’anonymisation (et donc la suppression des données): l’âge ? on efface, le nom ? on efface, le prénom ? on l’efface, la photo ? on l’efface je vous dis, le sexe ? on l’efface aussi et puis l’adresse également… Et dans certains cas, on a même carrément tout effacé pour lancer, avec succès semble-t-il, des campagnes de recrutement « sans CV » (cf. APEC)
Vous reprendrez bien une petite dose de schizophrénie avec votre recrutement 2.0 ?
Les DRH des entreprises ne googlent / facebookent pas les candidats (promis juré craché) car cela est jugé trop intrusif, potentiellement discriminant, et de toute façon, ils n’en ont pas le
temps.
Bien.
Mais les collègues du nouvellement recruté ne vont certainement pas s’en priver eux… ce qui peut promettre une belle période d’intégration au salarié qui se traîne des e-casseroles sur les réseaux. Du coup, le management ou les RH n’auraient-ils pas du s’en préoccuper en amont ?
Comment marier les tendances du « plus humain » du « plus e relationnel » inhérent au recrutement 2.0 tout en tentant de lutter contre les discriminations à coup d’anonymisation ? Le candidat peut-il être à la fois sociable, communiquant et anonyme ?
- Contradictions dans les identités (ou, au minimum, confusion)
Nous observons un double phénomène.
Premièrement, comme nous venons de le voir, ce qui relève de la sphère du « publique » et ce qui relève de la sphère du « privée » tendent à se mélanger. Pour le candidat, mais aussi pour l’employeur. Celui-ci s’expose de plus en plus sur les réseaux et ses process de recrutement, naguère confidentiels, deviennent plus transparents.
Deuxièmement, les domaines du « personnel » et du « professionnel » deviennent eux aussi de plus en plus poreux. Ces
dernières années (essor de l’ordinateur portable puis du smartphone), en « acceptant » de terminer ses dossiers de chez lui, de pouvoir
être joint tout le temps, le salarié a « accepté » qu’un peu de professionnel investisse le personnel. Dorénavant, il demande en retour qu’un peu de « personnel » puisse
investir son temps professionnel, par exemple en pouvant dialoguer avec ses amis sur les réseaux sociaux pendant son temps de travail…
Les entreprises, en promulguant des chartes d’utilisation des réseaux sociaux, tentent de se doter d’une grille de lecture de cette matrice publique / privé et personnel / professionnel. Celle-ci
reste difficile à appréhender, lors du processus de recrutement comme après. Et si c’était simple, nous n’aurions pas tant de sociétés se revendiquant « super 2.0 » en externe tout en
bloquant l’accès aux réseaux sociaux à ses collaborateurs en interne !
Naissance du recrutement 3.0
Enfin, le recrutement dit 2.0 pose encore un certain nombre de questions, dont les futures réponses donneront peut-être naissance au recrutement 3.0 :
- Pourquoi le salaire (et l’inégalité de rémunération hommes – femmes) résiste t-il encore aux exigences de transparence induite par le recrutement 2.0 ?
- Comment ne pas faire du recrutement à plusieurs vitesses, entre cadres et non-cadres, entre personal brandés et les autres ?
A l’heure où un nombre non négligeable de personnes ont encore du mal à rédiger un CV, combien sont-elles à savoir tirer parti de la puissance des réseaux sociaux (en dehors de « je rédige
mon profil sur Viadeo et j’attends qu’un chasseur de têtes me téléphone ») ? Qui va les accompagner (APEC, Pôle emploi, les intermédiaires du recrutement…) ?
Comme promis, le petit jeu des prédictions, sinon ce n’est pas amusant ;-) :
- La surenchère d’ e-communication, avec d’un côté les marques employeurs et de l’autre le personal branding, va paradoxalement donner plus de sens et d’importance aux rencontres dans « la vraie vie ». A ce sujet, on remarquera que les communautés qui ont du succès sur la toile sont déjà bien souvent les communautés qui existent hors du virtuel… sans parler de la multiplication des Tweetapéros ou des Twunchs. Nos communications sur le digital s’enrichissent des rencontres dans la « vraie vie » et vice versa.
- L’appartenance à tel ou tel réseau (physique ou virtuel) pèsera plus dans la décision de recrutement que le diplôme.
- A coté de notre pièce d’identité en plastique, nous disposerons tous également d’une e-identité certifiée par l’état.
- Comme sur les étiquettes des télés, des frigos pour les dépenses énergétiques, on rendra obligatoire l’affichage sur les offres d’emplois du niveau de stress ou des efforts de formation de l’entreprise qui recrute.
- Une obligation de réponses personnalisée et motivée sera imposée à tous les recruteurs
- Les intermédiaires du recrutement vont devenir de plus en plus des intermédiaires de l’évaluation et de la formation, notamment pour accompagner les candidats sur les réseaux sociaux.
Pour conclure, je dirai que recrutement 2.0 ou 3.0, cela a finalement peu d’importance si les fondamentaux d’une vraie politique de ressources humaines ne sont pas au rendez-vous.
Le boulanger doit commencer par faire du bon pain avant de penser à créer la page Facebook de sa boulangerie et à tweeter ses promotions ;-)
Merci Gilles !
Pour ne rater aucune de ces Itw Xpress, suivez l’actualité Job 2.0 sur Facebook : http://fr-fr.facebook.com/pages/JOB-20/107538335940167?ref=t s