On ne dira jamais assez l'importance des intermédiaires dans une organisation. Déjà Nonaka affirmait contre ceux qui annonçaient la mort des cadres intermédiaires qu' « ils servent de « nœud » stratégique qui relie la direction générale aux responsables de la base. Ils sont un « pont », continua-t-il, entre les idéaux visionnaires du sommet et les réalités souvent chaotiques auxquelles sont confrontés les travailleurs de la base1 ».
Ils sont en quelques sortes un lien entre deux mondes. J'irais d'ailleurs plus loin que Nonaka en considérant l'importance de tous les « entre-deux » dans une organisation. Ainsi, au-delà des intermédiaires hiérarchiques, il me semble important de considérer toutes les personnes qui font le lien entre plusieurs directions, plusieurs métiers, et aussi entre « l'extérieur » et l'intérieur de l’organisation (avec les fournisseurs, clients, pouvoirs publics, etc.).
D'ailleurs, depuis quelques années, les figures de l’intermédiaire se développent massivement dans les organisations. Il y a bien sûr le Community Manager qui prend de plus en plus de place dans les entreprises et devient de plus en plus indispensable. Suite à la démocratisation des sites de réseautage social comme Facebook, Twitter ou LinkedIn, la présence et surtout la réactivité des entreprises sur ces support est en effet devenu un enjeu majeur non seulement pour l'image de l'organisation (e-réputation) mais surtout pour générer du business (retour client, génération et transformation de lead). Le Community Manager peut également gérer des réseaux internes à l'organisation car le Web 2.0 est aussi dans l'entreprise aujourd'hui (forum, blog, wiki, etc.).
Certaines entreprises ont également créé la fonction de « Knowledge Broker » (« courtier en connaissances ») qui est chargé de mettre en relation des champs de connaissances traditionnellement dissociés. C'est le cas notamment à Sanofi Pasteur dont l'exemple nous est donné dans un numéro récent du magazine de l'ADBS2. Le rôle du Knowledge Broker à Sanofi Pasteur est « de surveiller et de partager tout type d'information externe qui peut impacter un projet ». Il doit également « solliciter les expertises des autres membres de l'équipe pour que le meilleur soit tiré collectivement de chaque nouvelle information ». Jouant sur la transversalité, le Knowledge Broker est donc un animateur de réseau d'experts, à la fois passeur et interprète de l'information dans une équipe projet. Il est au service des métiers qui l'entourent et qu'il côtoie constamment. La visée très opérationnelle de cette fonction a pour but la conduite de l'innovation et est donc également tout à fait indispensable dans un contexte concurrentiel accru.
Si donc le monde est de plus en plus interconnecté grâce à des réseaux de serveurs qui s'échangent des données, l'entreprise l'est tout autant grâce à des réseaux humains qui s'échangent des connaissances. Dès lors l'importance des intermédiaires sautent aux yeux : véritables producteurs de valeur, ils assurent la collectivité de l'intelligence, et par-là l'accroissement de la capacité d'une organisation à mobiliser l'ensemble de ses ressources.
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1Ikujiro Nonaka, Hirotaka Takeuchi, La connaissance créatrice, De Boeck, 1997, page 149
2Documentaliste – Science de l'information, 2011, vol.48, n°1 – Mars 2011, pages 58-59