La fonction de consultant indépendant, très développée de l’autre côté de l’atlantique, devient aussi tendance en France, et touche des catégories d’emplois de plus en plus différents. Outre les traditionnels indépendants (développeurs, Freelances en design, communication), certains nouveaux métiers du web tels que les community managers (dont 11% seraient en freelance en France), les compétences des hauts dirigeants sont elles aussi convoitées.
Cette semaine, Jean Pierre Cointre, centralien, 25 ans de carrière, ex Directeur des Systèmes d’Information et désormais consultant indépendant, nous explique ce qui lui a fait franchir le premier cap.
Trouver une activité pendant la crise
Alors que j’ai passé plus de 25 ans dans des entreprises, et particulièrement dans le backoffice sans contact direct avec le client final, j’ai eu beaucoup de mal à retrouver une activité intéressante et rémunératrice en 2009. Certes, je n’ai pas été le seul, mais ayant déjà vécu cela en 1995 (une autre crise), je n’avais pas anticipé une telle difficulté.
- Il y avait le problème d’age : Plus de 50 ans, c’est un frein. Le salaire aussi, mais que je ne pouvais pas trop baisser, sous peine de perdre en crédibilité. Et d’un autre coté, en se mettant à la place de l’entreprise, il faut bien reconnaître que, pour le même coût, elle peut recruter trois jeunes ! Peut-être de quoi compenser le manque d’expérience même s’il existe des mécanismes innovants pour profiter de tous les avantages !
- Il y avait aussi la question de la taille du marché. A cause de la crise, les wagons de licenciements qui ont rapidement compensé la baisse amorcée par le départ en retraite des baby boomers. Mon analyse des postes de direction (des SI pour ma part) montre qu’il y a deux causes d’ouverture de poste : 1) Le remplacement après le départ du précédent responsable et 2) La création d’un poste avec une couverture plus large. Malheureusement, il faut avoir confiance pour quitter son poste ou ne pas subir les effets de la crise pour créer un nouveau poste…
- Il reste la question de mes compétences. Sont-elles suffisantes, sont-elles adaptées pour les besoins des entreprises ? Suis-je vu comme un généraliste qui ne sait rien faire ? C’est une vaste question. Il est possible de profiter du temps disponible pour passer un diplôme, une certification. À chacun de voir si c’est vraiment utile. Seules la confrontation au marché et l’écoute de ses interlocuteurs permettent de répondre.
Comment l’environnement m’a poussé à devenir consultant
J’ai depuis choisi de devenir consultant puis de créer avec des amis une entreprise.Me prendre en main a finalement été mon choix. Nous sommes maintenant en 2011, deux ans après le début de la dernière crise. Est-elle terminée ? La crise sera-t-elle durable ? Les entreprises vont-elles recruter de nouveau ? Dois-je continuer à rechercher un poste d’employé à temps complet ? Quelles solutions dois-je utiliser ?
Nous voyons bien que malgré une faible reprise au détriment des CDI ces 3 derniers mois, le moral reste bas et le taux de chômage ne baisse pas pour les séniors. Il continue même à augmenter. La crise est donc toujours présente.
Je me suis rendu compte, comme de nombreuses personnes, qu’il est difficile de se vendre à temps complet et sans limites de durée (le fameux CDI), il me semble évidemment plus facile de se vendre en kits plus petits à différents demandeurs.
Prenons la position du décideur dans l’entreprise, poste que j’ai tenu de nombreuses années.
Les entreprises doivent chercher des solutions rapidement reconfigurables pour durer.Il est toujours difficile d’ouvrir un poste en entreprise. En effet, recruter une personne nous conduit à faire face à une montagne de difficultés. Un employé de plus est très visible, il faut parfois un an ou plus de préparation (attendre le budget de l’année suivante, trouver le profil). C’est aussi un art délicat pour trouver le profil en adéquation avec le besoin immédiat qui justifie le poste et les évolutions à venir.
J’avais par contre beaucoup de facilités pour signer un contrat commercial directement lié à une valeur ajoutée clairement identifiée. Ceci est toujours vrai. Cette solution m’a toujours permis de rapidement reconfigurer mon service en fonction des objectifs. Alors que c’est bien plus compliqué avec les salariés.
L’entreprise a, bien sûr, de nombreuses raisons pour recruter. Certaines sont bonnes, car il faut un noyau dur pour coordonner et conserver les valeurs de l’entreprise, mais d’autres sont mauvaises comme celle du chef qui mesure son pouvoir au nombre de ses salariés.
Toutes ces raisons m’ont poussé à comparer les différents moyens de devenir consultant indépendant freelance.
Mes raisons personnelles de devenir consultant
Fort de ces constats sur l’environnement, qui me poussent à concevoir une autre façon de chercher un travail, de fournir mes services comme consultant, j’ai aussi pris conscience de certains avantages personnels à changer de cap.
- Le premier est l’attrait de la nouveauté. Rencontrer des personnes avec des profils différents, avoir à résoudre des problèmes toujours nouveaux dans des contextes différents est le quotidien du consultant. C’est évidemment très enrichissant et donc attrayant.
- Le deuxième est la relation de confiance qui existe avec un donneur d’ordre. En effet, il m’a non seulement choisi au début de notre relation, mais il continue de le faire chaque jour, car nous somme liés par un contrat commercial beaucoup plus faible qu’un contrat de travail.
- Le troisième est le potentiel de gain plus important. En étant plus proche de la chaîne de valeurs de mon client, je comprends ce qu’il gagne par ma prestation, et donc ce qu’il est prêt à payer pour avoir le résultat promis.
- Le quatrième est la flexibilité de gestion du temps. Un consultant facture en moyenne 50% de son temps. Pour le reste, l’organisation est libre.
- Le cinquième est la stabilité. Cela paraît paradoxal au premier abord. J’ai aussi réalisé qu’avoir plusieurs clients serait une situation plus stable qu’un seul employeur qui peut me virer du jour au lendemain.
Il ne faut pas sous-estimer les difficultés. La nouveauté génère du stress (lien stress). Avant d’avoir un revenu à la hauteur de ses ambitions, il faudra du temps. La liberté de gestion est réelle, mais le client exige de la réactivité et le temps libre doit être consacré à la recherche de nouveaux clients.
J’ai quand même jugé que la principale difficulté est probablement la solitude. Il faut entamer des actions spécifiques pour éviter cela. Retrouver une communauté de consultants est donc important. La première à laquelle j’ai pensé est de commencer avec une société de portage salarial dont l’objectif est de me mettre en relation et m’aider à formaliser mon projet professionnel.
Nb : En dehors de ses activités de conseil, JP Cointre est aussi un fondateur de la société Le Monde Après