La réforme de la formation, thème électoral ?
La loi de 2009 n’a pas eu trois ans pour s’installer qu’on parle déjà de la réformer. Le Conseil Économique et Social, dans un rapport récent bien argumenté, recommandait de seulement l’améliorer à la marge. Ce rapport ne devait pas avoir les conclusions attendues en haut lieu, puisque Gérard Larcher a dans la foulée été chargé de proposer une «réforme radicale de la formation professionnelle », à échéance d’avril. On parle de faire passer de 10 à 40% la part des dépenses de formation consacrées aux demandeurs d’emploi. A suivre…
Le candidat Sarkozy évoque la perspective d’associer le versement d’allocations chômage à une obligation de formation (l’expression « subir une formation » serait ici parfaitement appropriée !) et envisage un référendum. Le Président Sarkozy, pour sa part, a fait prélever 300 millions d’Euros sur la dotation du Fonds national de sécurisation des parcours professionnels, provenant des OPCA, donc des partenaires sociaux. En période de vaches maigres, un budget qui, tout compris (entreprises, chômeurs, fonctionnaires, ..) représente plus de 31 milliards d’Euros (1.6% du PIB) ne laisse personne indifférent. Les autres candidats se récrient, sans pour autant proposer autre chose que des principes généraux.
Formation initiale, continue, VAE, en ordre dispersé face aux enjeux de la qualification
La virulence des critiques électoralistes sur la formation continue n’a d’égale que la discrétion de celles sur la formation initiale (le monde enseignant pèse lourd parmi les électeurs). Or, celle-ci lâche chaque année sur le marché du travail 150.000 jeunes sans qualification, dans un pays où, plus que dans d’autres, le diplôme initial reste un marqueur social déterminant à l’embauche, et pour la carrière entière. La formation continue reste un recours de seconde chance. Par exemple, elle pèse moins de 7% parmi les 30.000 diplômes d’ingénieur délivrés chaque année. La VAE (validation des acquis de l’expérience) est restée relativement marginale (un peu plus de 50.000 candidats par an).
Comme le dit Jean Besançon, de l’Université Ouverte des Compétences, supposons que Jean-Pierre Chevènement ait décidé en son temps, non pas que 80% d’une classe d’âge devait atteindre le Bac, mais que, par exemple, 40% de la population devrait avoir atteint le niveau Bac+2 avant 45 ans. La dynamique d’ensemble aurait été très différente, et aurait poussé à mieux intégrer et articuler ces trois voies de qualification : la formation initiale, la formation continue, et la VAE, aujourd’hui éclatées, sans vision politique cohérente. Cela permettrait de reposer sur d’autres bases la question du lien entre éducation, formation et compétences professionnelles. Cela aurait du souffle, non ?
Quel rôle de l’État, quelle vision ?
Il n’y a pas de discours de l’État sur la formation continue. La Ministre en exercice n’a pas répondu à l’invitation du Conseil Économique et Social lorsque celui-ci organisait des auditions pour préparer son récent rapport, pourtant réalisé sur saisine gouvernementale. L’État a doublement transféré une partie de ses pouvoirs dans le domaine de la formation : aux partenaires sociaux (OPCA, Accords nationaux, etc…), et aux Régions, avec les compétences de planification régionale et le pilotage des AFPA régionalisés. Or, l’hyper- personnalisation du pouvoir présidentiel, et les postures médiatiques, tendent à affaiblir les corps intermédiaires, les élus locaux, le parlement, et même les Régions. Le débat actuel sur la formation illustre le débat plus général sur l’équilibre des pouvoirs dans un État démocratique. Il est attisé ici par le fait que la délégation donnée à ces partenaires en termes financiers (versement aux OPCA par obligation légale) irrite le pouvoir central en période de crise économique.
Il faut permettre aux partenaires sociaux, aux régions, de conserver leur relative autonomie par rapport à un État qui n’a pas fait de manière décisive la preuve de sa propre efficacité en matière d’éducation. Le Ministère de l’Éducation nationale, pour qui la formation continue a toujours été annexe, reste muet, sauf, il faut le reconnaître, sur l’alternance pour les jeunes. Mais aucune vision politique affirmée ne semble orienter la réforme qu’il mène actuellement de son réseau Formation continue, engagée sous prétexte de conformité juridique (Loi Warsman de 2011).
Ne pas se tromper de cible
Que la situation de l’emploi préoccupe les candidats, c’est normal. Ce qui frappe est que ce discours sur l’emploi occupe pratiquement tout l’espace. Quand parle-t-on des compétences nécessaires et des filières d’excellence indispensables pour développer stratégiquement notre compétitivité et relancer notre industrie ? Qui parle encore de promotion sociale et d’égalité des chances ? Sécuriser les parcours professionnels est une cause juste, mais pourquoi ne pas aussi mettre l’accent sur la capacité de la formation à développer les talents et les carrières, et sur le dépannage de l’ascenseur social ? Heureusement, des acteurs s’en occupent sur le terrain, mais les politiques n’en parlent pas. Ce n’est pas « grand public », l’impact électoral potentiel est incertain. Mais ce sont ces acteurs qu’il faut soutenir et aider. Est-ce le moment de les stigmatiser (complexité, inefficacité, opacité, …) ?