Petite(s) histoire(s) de la diffusion des offres d'emploi : prix élevés, "low cost" et gratuité h/f

36 17 CADREMPLOI à la TV, bien avant Facebook !

Le marché de la diffusion des offres d’emploi est parfois résumé par un affrontement entre jobboards et médias sociaux (j'exclus de cette petite histoire les acteurs institutionnels de l'emploi...). Ils ne sont pas les seuls acteurs de ce marché de la diffusion sur lequel cohabitent des modèles économiques très divers : petit retour en arrière. 
Au début (Je parle des années 80, autant dire au siècle dernier) était la petite annonce : formatée, en colonne, un peu tristounette et majoritairement diffusée par la presse d’information générale et spécialisée, quotidienne ou hebdomadaire.

L'annonce classée, comme on la nomme alors, est payante, assez chère et représente par conséquent une part non négligeable des revenus de la presse, acteur quasi unique de la diffusion visible.

Les années 90 : l'arrivée d'internet

Les années 90 emmènent avec elles une triple évolution :

  • Une évolution de la forme des offres d’emploi. Elles prennent de la couleur, des images pour devenir tout autant des offres d’emploi que des outils de communication, premier signal d’existence de la marque employeur ?
  • Une évolution des acteurs de la diffusion avec l’entrée en scène des médias électroniques :

Entrée timide d’abord avec, exception technologique française oblige,  le Minitel  (dont le service fut officiellement fermé le 30 juin dernier, ce n’est pas si vieux) et le service 36 17 cadremploi dès 1991, qui deviendra cadremploi.fr en 1996. Cadremploi est alors créé par un groupe de presse.

Puis entrée massive à la toute fin des années 90 avec l’avènement des services web et l’arrivée multiple de pure players sur le marché de la diffusion dont monster.fr (1998) ou regionsjob.com (2000). Ils seront tout aussi nombreux à disparaître avec l’explosion de la bulle internet de 2000.

  • Une évolution du modèle économique des acteurs privés de la diffusion avec l’arrivée de la gratuité d’accès aux offres d’emploi (hors coût de connexion comme on le précise dans tout bon règlement). En effet, jusqu’ici, le candidat potentiel devait soit acheter le journal ou le magazine, soit payer un abonnement (3617 cadremploi n’était pas accessible gratuitement et cadremploi.fr était payant également lors de son lancement).

Les années 2000 : le web superstar

Les années 2000 confirment cette évolution, ou révolution, au sein de laquelle les acteurs et les modèles se multiplient. Le marché de la diffusion migre massivement du papier vers l’internet, modèle "low cost" de diffusion des offres. Nous sommes au cœur des années internet.

La presse réagit en mettant en place, elle aussi, des modèles low cost de diffusion d’offres d’emploi dans ses pages...

Gratuité d’accès pour le candidat, coûts réduits pour les entreprises qui diffusent leurs offres d’emploi et financement par les revenus publicitaires : le modèle économique des jobboards est clair et semble triomphant. Alors, stabilité des modèles et des acteurs ? Pas du tout.

Big is beautiful

L’effervescence reprend de plus belle au cours de la décennie 2000.

La presse d’abord : lancement en France la même année, 2002, de la presse gratuite d’information avec Métro et 20 Minutes et quelques pure player de l'emploi papier dont Objectif Emploi (tous misent sur la diffusion, massive ou ciblée, au regard des titres de presse traditionnels qui voient eux, leur diffusion s’effriter…Et tous lanceront un service complémentaire sur internet).

Internet ensuite avec les métamoteurs et la gratuité apparente de la diffusion : gratuit pour le candidat, pour l’entreprise qui voit son annonce diffusée aussi. C’est le trafic (énorme) généré par le métamoteur qui devient la source de revenus (en complément de la publicité des annonceurs), trafic facturé aux… jobboards et entreprises qui publient des offres. C’est le modèle Indeed (en 2004), c’était le modèle Keljob, modèle développé également par Jobi Joba, entreprise made in France, créé à Bordeaux et rayonnant aujourd’hui sur 6 pays depuis 2007.  

A titre d’exemple, Indeed, c’est tout de même 80 millions de visiteurs / mois.

Face à cette multiplication des acteurs et cette course à l'audience la concentration s'organise (Figaro classifieds regroupe 3 jobboards) annonçant un nouveau bouleversement : l'arrivée des médias sociaux.

Après l’effervescence, place à l'hybride ?

Viaduc en 2009 (devenu Viadeo) et Linkedin s’adressent aux entreprises pour proposer des services parmi lesquels la diffusion d’offres (à des coûts assez proche de ceux des jobboards, d’ailleurs).

De plus, la galaxie 2.0 permet désormais à chacun de publier des informations, et donc des offres d'emploi de manière gratuite : blog et micro blogging avec Twitter, forums y compris sur les réseaux sociaux professionnels, ... les possibilités se multiplient, sans oublier le mastodonte Facebook et son milliard de membres  sur lequel se sont déjà développées de nombreuses applications de diffusions d'offres d'emploi (work4us, Oh My Job..)  Facebook annonçait même au début de l'été qu'il s'intéresserait lui-même à cette diffusion (monétisation, quand tu nous tiens)...

De cette histoire récente, je soulignerai 2 points :

L'émergence de la "diffusion hybride" et la montée en puissance de la diffusion gratuite.

Ce que j'appelle diffusion hybride, c'est l'interconnexion des différents supports de diffusion en ligne : les jobboards inter-connectent leurs offres sur les réseaux sociaux (beknown de Monster, les widgets apply with LinkedIn, les social bookmarks,...) qui eux-mêmes sont parfois utilisés comme des jobboards (la diffusion d'offres, par exemple). Et pendant ce temps, les réseaux sociaux se rapprochent d'acteurs institutionnels (Viadeo et Apec)... L'offre voyage, est multi-diffusée mais reste payante.

Voici enfin qu'entrent en scène les sites internet de petites annonces : voiture, appartement, maison, babioles... et désormais offres d'emploi en toute gratuité. A ce sujet, je vous invite à lire le billet de @idcarrieres sur le phénomène le Bon Coin, suite à la parution d'un article ... dans Le Monde (retour au papier, la boucle est bouclée).

Fin de l'histoire ?

L'histoire aurait pu s'arrêter là. Il est probable qu'elle continue de s'écrire... sur le mobile.

Les récents succès du nombre de téléchargements d'application emploi de jobboards (celle de cadremploi) ou d'entreprises (celles d'Orange ou d'EDF) laisse présager d'un bel avenir pour ce mode de diffusion. Cela semble d'autant plus logique que la connexion internet de demain sera majoritairement effectuée en mobilité depuis nos tablettes, téléphones et autres PDA...

Et cette histoire a oublié un acteur majeur, sans lequel rien ne serait possible : les entreprises. Elles ont déjà fait évoluer largement leurs sites internet, premier canal de diffusion de leurs offres. Car finalement, avant de les diffuser sous forme d'offres papier, internet, sociale ou mobile, il faut bien les créer, ces emplois !

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