les RH, le marketing et leur nouvel ami, le R.O.I. 2/2

Publié le 27 novembre 2012 par Thierry Delorme @Thierry_Delorme

Pour le calcul du R.O.I.* de notre sourcing, tous les indicateurs de coûts (internes et externes) sont en place car nous sommes organisés et performants avec un SIRH* parfaitement opérationnel. Notre offre est maintenant diffusée…

Le R.O.I. du sourcing ?

Et les CV pleuvent ! Formidable. Des profils qui correspondent aux compétences recherchées, d’autres, un peu moins, et certains, pas du tout. Rien que de très classique (ne pas oublier d’ajouter dans nos coûts le temps passé à ce tri et à répondre à toutes les candidatures reçues).

Maintenant, attribuons les CV reçus aux canaux ayant permis de les générer afin de calculer le R.O.I. de chacun de nos canaux : place aux enjeux de la traçabilité de la candidature (trop souvent confondue avec le R.O.I. d’ailleurs, dont elle n’est qu’une des multiples variables).

Traçabilité et R.O.I.

Mais le reporting généré par mes outils (merci aux ATS*, cookies*, reverse IP* ou autre outil) est-il digne de confiance ? Techniquement oui, c’est incontestable… Intellectuellement, ça se discute. En effet, si l’attribution mécanique des CV à un canal semble exacte (et encore, off line et réseaux sociaux, ça se discute aussi), l’attribution de l’effet à la cause est, elle, largement contestable.

Les candidatures « spontanées » déposées sur mon site carrière introduisent un biais. Elles viennent de mon site, certes, mais quel a été l’investissement déclencheur ? Soit je remercie les Saints Patrons du hasard et des coïncidences réunis, soit j’attribue arbitrairement ce résultat à l’un des canaux mobilisés, soit je finis par admettre que même mes calculs de coûts/CV/ canaux sont faux, ou pour le moins, carrément approximatifs.

Ce reporting est toutefois un indicateur précieux. En revanche, ce n’est certainement pas un outil d’aide à la décision. A moins qu’une mauvaise estimation ajoutée à une mauvaise décision produise un résultat positif. Mais avançons.

Calculer son R.O.I.

Sachant que le calcul d’un R.O.I. se base sur la formule (REVENU - COUT) : COUT = R.O.I. et s’exprime en pourcentage, comment calculer ce que me rapporte une candidature que je n’ai fait que recevoir et trier ? L’emploi du terme R.O.I. serait-il impropre ?

Car l’analogie avec le marketing ou la comptabilité ne tient plus. Le client, ayant rempli et validé son formulaire à l’issue de son parcours plus ou moins initiatique, vient d’acheter notre produit ou service, générant ainsi un revenu pour l’entreprise (vive le ROI). Pour le candidat, ayant rempli et validé son formulaire, ce n’est que la première étape du parcours. Et pour l’employeur, il s’agit d’abord de trier les CV reçus car tous ne correspondent pas aux besoins. Nous sommes encore loin d’un quelconque calcul de rentabilité d’un process qui ne fait que commencer.

Ou alors, considérerons que le sourcing n’est que coût (ou investissement plutôt) et qu’il convient de passer à l’étape suivante, le R.O.I.du recrutement. Voilà tout.

R.O.I. du recrutement ?

Aux coûts du sourcing, j’ajoute donc des coûts complémentaires (sélection, intégration, formation, rémunération... ou tout autre dispositif finissant par « …tion »), avant de me poser l’épineuse question de ce que me rapporte le candidat recruté.

Pour répondre à cette question, l’employeur devra mettre en place des indicateurs permettant d’isoler le « revenu » du recruté et suivre ces indicateurs dans la durée. En effet, le recrutement d’un collaborateur s’inscrit (souvent) dans le cadre d’une relation à durée indéterminée. Il faudra toutefois en déterminer une, de durée, si l’on veut placer un chiffre dans la case « revenu » de notre satanée équation. Nouvelle complexité… 3 mois, 3 ans, 10 ans ?

Je commence à comprendre pourquoi le débat sur le R.O.I.du marketing existe… Et pourquoi certains n’essaient même pas de le calculer (d’un autre côté, des euros et des hommes dans une même équation…) Je pensais avoir choisi un métier qui plaçait l’humain au cœur de mes préoccupations et me voici croulant sous les data et les équations à triple voire multiples inconnues.

R.O.I., une chimère ?

Dois-je finir par admettre que le R.O.I. du recrutement ne se calcule pas plus que le R.O.I. du sourcing ou que celui de la marque employeur ? Procrastinez semble plus sage ;-) Alors pourquoi cette référence fréquente au R.O.I. dans un univers RH / Recrutement ? Permettez-moi d’émettre quelques hypothèses :

Le R.O.I., c’est stratégique : les RH ont été consacrées comme activité stratégique de l’entreprise. Elles doivent en avoir le discours et les outils. Le ROI semble faire partie de cette indispensable palette, alors adoptons-le. En effet, investir sans savoir ce que cela rapporte semble compliqué, voire décalé, à justifier en période de crise (mais pas que…). Attention toutefois de ne pas trop mettre en avant cet indicateur hautement stratégique car il se pourrait qu’on demande un jour de le produire.

Le R.O.I., c’est rassurant : dans un environnement qui bouge plus vite (vive le social et le multi-canal) que ne bougent les organisations, la quête de repères est essentielle. Les outils (SIRH, ATS, Facebook insights, Google analytics, ou, plus pointu pour les médias sociaux, Socialbakers, Crowdbooster, Wisemetrics*…) rassurent en produisant de nombreuses statistiques et infographies. Le R.O.I. (affiché en tout cas par de nombreux canaux de diffusion) finit de me conforter dans mes choix. Attention toutefois que cet indice (s’il est fourni) ne devienne pas un frein à l’innovation ou à l’expérimentation (s’il n’est pas fourni). 

Le R.O.I., c’est à la mode : les RH investissent les médias sociaux. Les médias sociaux sont à la mode. Le R.O.I.  des médias sociaux est un sujet à la mode. On pousse le syllogisme ?... Quelques articles pour vous en convaincre ? Ici, ou encore ici et là.

Vous convaincre que c’est à la mode, pas que ça se calcule, bien sûr.

Attention, ce plaidoyer "anti-R.O.I. du recrutement" ne consiste pas du tout à renoncer à tout suivi de performance de ses investissements en matière de recrutement. C'est un autre débat. Je souligne simplement l'inadéquation de cet indicateur en termes de suivi de performance du recrutement et, plus encore, l'utilisation impropre de cet indicateur purement financier. Ce qui est valable pour le R.O.I. est d'ailleurs valable pour de nombreux autres termes et notions de la sphère RH 2.0...

Il convient de ne pas céder aux sirènes du marketing ("maximize your ROI", argument commercial et nouvelle formule magique) ayant cédé aux sirènes de la finance car il est, au final, un indicateur qui dépassera largement le champ de ce débat : la performance de l’entreprise. Si celle-ci est avérée, il sera toujours temps d’en attribuer le mérite à tel ou tel investissement stratégique. Et il est alors probable que les investissements en ressources humaines soient au premier rang des contributeurs de cette performance. Laissons aux financiers le soin de le calculer...

*Indispensable glossaire technique


R.O.I.: chimère du billet.

SIRH : ça c’est sérieux !

ATS ( Applicant tracking System) : système de management du recrutement heureusement managé par de vrais gens.

Cookies : gâteau au chocolat distribué gracieusement à chaque visiteur unique de votre site.

Reverse IP : horrible délateur des visiteurs de votre site.

SIRH, ATS, Facebook insights, Google analytics, Socialbakers, Crowdbooster, Wisemetrics : machines à fabriquer des statistiques transformées en courbes ou graphiques en couleur.  

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