Retour sur l’audition de l’Unédic

Publié le 04 février 2013 par Mamzelleb @mamzelleb

Dans le cadre de la mission d’information sur Pôle emploi et le service public de l’emploi à l’Assemblée nationale, Jean-François Pilliard, Président de l’Unédic, Patricia Ferrand, Vice-présidente de l’Unédic et Vincent Destival, Directeur général de l’Unédic, ont été entendus mercredi 30 janvier 2013 par la Commission des affaires sociales présidée par Dominique Dord et dont la rapporteure est Monique Iborra.

Les questions de la commission portaient notamment sur la simplification des règles de l’indemnisation chômage, la simplification des modes de calcul, l’accessibilité à l’information pour le demandeur d’emploi et sur le fonctionnement de Pôle emploi.

Vers une simplification de la règlementation chômage ?

Selon la Commission, une des causes des dysfonctionnements de Pôle emploi est la complexité des règles de calcul de l’indemnisation du chômage à réaliser par les agents de Pôle emploi. Ces difficultés rejaillissent sur les demandeurs d’emploi qui ont un sentiment d’insécurité, qui ont peur d’éventuels indus.

Pour l’Unédic, des améliorations peuvent être apportées à partir du moment où le code du travail est simplifié et que la déclaration sociale nominative (DSN) sera mise en œuvre.

J.-F. Pilliard tient à rappeler le contexte spécifique de la réglementation de l’assurance chômage : « on est en France dans un pays qui se caractérise par le fait que tout doit être sécurisé sur le plan juridique, car si ce n’est pas sécurisé sur le plan juridique, vous faites courir aux intéressés et à vous-même finalement des risques non négligeables. ». Néanmoins, il convient qu’ « on a un point d’équilibre effectivement très difficile à trouver entre cette sécurité juridique, qui peut amener à l’élaboration d’une réglementation qui peut apparaître extrêmement complexe et la simplicité qui doit s’imposer vis-à-vis du demandeur d’emploi. ». Il précise également que pour une personne qui bascule brutalement dans une situation de chômage, « tout ce qui représente un acte de nature administratif peut apparaître comme étant très contraignant. ».

Suit V. Destival dans une projection hasardeuse de la mise en œuvre de la DSN qui est une des solutions des dysfonctionnements de Pôle emploi. « La déclaration sociale nominative est un projet qui est porté dans le cadre des mesures de simplification de l’Etat, qui vise à mettre en place une déclaration mensuelle, en fait une transmission numérique de feuilles de paie tous les mois. ». Cette déclaration permet en temps réel de déclarer les salaires perçus et de les transmettre par voie électronique aux organismes concernés. Ainsi par une meilleure coordination administrative, Pôle emploi sera déjà en possession des données permettant le calcul de l’allocation chômage et d’indiquer au demandeur d’emploi le jour même de son entretien unique d’inscription, le rassurant ainsi sur les futurs montants à percevoir.

Cependant, la Commission déplore que la généralisation de la DSN n’interviendra qu’à partir de 2016.

De son côté, P. Ferrand ironise sur le simulateur de calcul sur le site internet polemeploi.fr qui permet d’avoir une estimation du montant des allocations : « Il y a plusieurs outils qui sont été mis en place à Pôle emploi, notamment sauf erreur de ma part il y a un calculateur sur le site qui permet d’estimer le montant, quand ça fonctionne, bien évidemment il y a toujours des problèmes de fonctionnement. ».

En outre, un groupe de travail a été mis en place avec Pôle emploi afin que ce dernier fasse part à l’Unédic des difficultés de mise en œuvre de la règlementation. Ainsi une analyse conjointe des solutions de simplification de la réglementation pourront être présentée à la gouvernance de l’Unédic, voire aux partenaires sociaux en cas de modification des règles d’indemnisation.

V. Destival précise qu’ «on a également demandé à Pôle emploi dans le cadre de la convention tripartite de mettre en place un compte individuel, un outil qui permette à distance aux demandeurs d’emploi de connaître les modalités de calcul de son indemnisation. ».

V. Destival complète sa réponse auprès de la commission : « Moi, je trouve qu’il n’y a pas beaucoup de règlementation qui soit aussi simple à exprimer que la règlementation de l’assurance chômage. Quand on travaille un jour, on a droit à un jour d’indemnisation et on a une allocation qui est calculée en fonction du salaire perçu précédemment. ».

Pour V. Destival, « Ce n’est pas la règlementation de l’assurance chômage, c’est le code du travail qui est complexe. Ces principes simples de l’assurance chômage doivent pouvoir répondre à des situations de plus en plus complexes […] le fonctionnement du marché du travail fait que de plus en plus quand un demandeur d’emploi vient ouvrir un droit à l’assurance chômage, le droit n’est pas calculé sur la base d’un seul contrat de travail mais de plusieurs contrats de travail, d’une succession d’emplois. Et donc, ça aussi c’est plus compliqué à expliquer au demandeur d’emploi qui vient avec plusieurs missions d’intérim, plusieurs contrats à durée déterminée que quand à l’issue d’une perte de contrat à durée indéterminé qui est sensiblement moins fréquente, il vient avec une période d’emploi simple à analyser. Donc y a aussi cette complexité croissante du fonctionnement du marché du travail. ».

Déconcentration de Pôle emploi

Pour l’Unédic, les dysfonctionnements de Pôle emploi ne sont pas dus à une réglementation d’assurance chômage complexe mais à une perte de compétences en interne suite à la fusion ANPE-Assedic.

Pour V. Destival, « on sait aperçu que c’était pas très réaliste car on a deux métiers compliqués et si l’on veut respecter ces réalités professionnelles, ces compétences fortes nécessaires à la fois pour faire l’accompagnement et pour faire l’indemnisation, le métier unique n’était pas la bonne solution. ». Par conséquent, le conseiller que rencontre le demandeur d’emploi n’est pas un expert de l’indemnisation chômage. V. Destival pense « qu’il faut qu’on travaille avec Pôle emploi en terme de formation, de compétence. Quelles compétences les conseillers qui sont au contact des demandeurs d’emploi doivent-ils avoir non pas pour calculer les droits, ça y en a d’autres qui le font, mais au moins pour pouvoir expliquer. ». L’Unédic va travailler sur l’accessibilité à la réglementation pour les conseillers de Pôle emploi.

P. Ferrand complète en précisant que l’entretien est un progrès bien qu’il y ait une déperdition en technicité sur le calcul. « […] je crois que pour le demandeur d’emploi, le fait de ne pas avoir un parcours à réaliser entre plusieurs institutions, avoir plusieurs interlocuteurs qui ne vont pas avoir tout à fait la même présentation, risquent de se contredire, c’est un vrai plus pour le demandeur d’emploi, c’est clair. L’objectif et les demandes extrêmement importantes de l’Unédic en ce sens-là, c’est que le demandeur d’emploi soit informé dans son compte personnel, qu’on puisse lui dire exactement où on en est du calcul de ses droits, si son dossier manque, s’il est en cours de traitement, et ça le plus rapidement possible. Si le conseiller n’est pas capable, car les situations d’emploi antérieures sont vraiment complexes, […] il doit être capable de lui dire dans quatre ou cinq jours vous recevrez tel montant et vous recevrez une notification et vous le trouverez à tel endroit dans votre compte personnel. ».

J.-F. Pilliard indique qu’après la fusion, Pôle emploi était davantage préoccupé par des problèmes d’organisation que d’accompagnement du demandeur d’emploi. Aujourd’hui la fusion est digérée. Une réflexion en profondeur du management a été menée à Pôle emploi. Pôle emploi 2015 témoigne de cette volonté de déconcentration de Pôle emploi. Il précise qu’ « il y a eu un travail considérable du management de Pôle emploi pour partager très largement le contenu de sa stratégie pour qu’il y ait une appropriation, une adhésion finalement non seulement par le management, les responsables d’agence, les fonctions clés de Pôle emploi, mais par l’ensemble du personnel. ». Dans la structuration même du document sur la Stratégie de Pôle emploi 2015, l’usager est d’abord évoqué puis les conséquences internes de ces choix stratégiques.

J.-F. Pilliard et P. Ferrand insiste, face à la détermination de M. Iborra, sur le fait que la réflexion stratégique de Pôle emploi a lieu au niveau national dans un conseil d’administration unique. Son déploiement opérationnel a lieu en région par une gestion désormais déconcentrée. Dans la convention tripartite, un des axes forts est la territorialisation avec la mise en place de partenariats. Ils évoquent également la fongibilité, l’autonomie des directeurs régionaux, des conseillers… A titre d’exemple, chaque directeur régional a une enveloppe globale et l’attribut en fonction des besoins locaux identifiés, sans la contrainte d’une enveloppe spécifique.

En vue d’une territorialisation, d’une amélioration du déploiement opérationnel, M. Iborra propose d’étoffer les IPR avec la participation de la représentation d’élus, des partenaires de Pôle emploi et des associations représentant les chômeurs. Le président de l’Unédic précise que les associations de chômeurs sont déjà présentes dans les comités de liaison et que pour l’instant, la structure des IPR ne va pas être modifiée. Pour lui, « Il existe déjà un nombre de structures importantes dont le rôle est de faire de la coordination. Plus vous avez des instances de coordination, plus vous avez une dilution de la décision. Il y a de nombreuses instances de coordination dont l’efficience est assez limitée. La vraie question est quel type d’organisation peut-on améliorer pour satisfaire à un objectif qui est de faire en sorte que le chômeur retourne le plus rapidement à l’emploi.».

Evaluation de la performance

Pour J.-F. Pilliard, l’évaluation de la performance d’un service « de cette nature » est très importante.

Selon J.-F Pilliard, « Des remontées qualitatives ont un intérêt mais je crois qu’il est difficile de fonder une appréciation sur un organisme de cette nature en s’en tenant à des témoignages. Moi, je peux trouver dans toute organisation des gens qui sont complètement satisfaits et d’autres qui ne le seront pas. On ne peut pas apprécier quel dispositif que ce soit sans l’entourer, le compléter par un environnement qui précise comment est mesurer la performance. ».

La convention tripartie a mis en place une série d’indicateurs récents. Le président de l’Unédic précise qu’il faut leur laisser du temps pour leur mise en place. Il dénonce la frénésie constante du changement des indicateurs sans avoir le temps de se les approprier.

Les principaux indicateurs concernent le délai d’indemnisation, le suivi du retour à l’emploi du demandeur d’emploi et la perception du service par l’usager.

Quant à cette mesure de la performance, M. Iborra émet une grande réserve « il faut être très prudent des conclusions qu’on peut tirer à partir d’indicateurs. Vous avez des remontées en effet qui sont réputées pour être le reflet de la réalité. Simplement, faut-il peut-être s’interroger pour savoir si réellement vous avez le reflet de la réalité. ».

« L’opacité» du FPSPP

La fin de l’audition est déroutante et polémique. M. Iborra interroge les représentants de l’Unédic sur le FPSPP : « Etes-vous favorable à la régionalisation de la sécurisation des parcours ? Le FPSPP est trop opaque pour être efficace, même pour l’Etat. »

P. Ferrand précise que l’Etat sait ce qu’il se passe au sein du FPSPP, la négociation de la convention financière durant 3 à 4 mois ; tandis que V. Destival évoque le rôle des OPCA en région.

J.-F. Pilliard conclut avec précaution : « dire qu’il y a de la complexité. On peut l’entendre et on y travaille. Dire que c’est opaque pourrait laisser supposer à des personnes moins informées que nous, le terme opaque signifie qu’il y a une volonté délibérée finalement de faire en sorte que … ».

Pour aller plus loin :

  • Convention pluriannuelle entre l’Etat, l’Unédic et Pôle emploi du 11 janvier 2012
  • [Vidéo] Les enjeux de l’Unédic : entretien avec V. Destival (03/02/2013)