Jean-Louis Walter, Médiateur national de Pôle emploi, a rendu son rapport 2012 en avril 2013, dans lequel il mène un double discours en fustigeant l’Unédic sur la complexité de la règlementation d’assurance chômage à simplifier d’urgence, l’Etat et les partenaires sociaux sur leur non prise de décision récurrente et en se félicitant des réussites de ses interventions qui témoignent d’une collaboration constructive entre Pôle emploi, l’Unédic, l’Etat et les acteurs du service public de l’emploi.
La majorité des réclamations sont adressées aux médiateurs par les agences de Pôle emploi mettant en évidence le signe de la complémentarité d’action entre le défenseur des droits et les médiateurs et la validation du choix stratégique du positionnement du médiateur.
En outre, ces réclamations témoignent cette année de la multiplication des courriers d’avocats (155), des compagnies d’assurances juridiques et des sollicitations des associations de chômeurs dont 291 réclamations ont été traitées.
Complexité et "hyperactivité administrative"
« La vocation du médiateur est d’évoquer sans complaisance et en toute indépendance les difficultés rencontrées et de faire des préconisations pour faciliter leurs résolutions. Il est donc prévisible que sa parole puisse parfois déranger, voire irriter ! ».
En partant de ce postulat et dans l’introduction de son rapport, le médiateur de Pôle emploi dénonce l’attachement de l’Unédic à être les détenteurs d’une réglementation d’assurance chômage complexe. Néanmoins il ne faut pas opposer simplification de la règlementation de l’assurance chômage et « l’hyperactivité administrative ». Que ce soit à Pôle emploi ou à l’Unédic, il existe peut-être des incompréhensions managériales avec des postes en doublon, plusieurs personnes pour réécrire des instructions, des circulaires…ces dysfonctionnements managériaux ne sont pas à l’origine de cette complexité….encore moins, la modification du marché du travail par une précarisation du contrat de travail en CDD ou en mission d’intérim.
En effet, la règlementation d’assurance chômage a toujours pris en compte les différents types de contrat de travail afin de déterminer l’éligibilité des demandeurs d’emploi à être indemnisés. Pour conseiller un demandeur d’emploi, les agents de Pôle emploi doivent maîtriser la règlementation d’assurance chômage pour liquider un dossier, classique et rare avec une fin de contrat de travail (FCT) issue d’un CDI ou d’une multiplicité de contrats de travail avec des « réad / reprises » voire des IJSS, secteur « privé » et un peu de secteur « public ».
En revanche, des axes d’amélioration peuvent être apportés par l’Unédic sur l’explication de sa règlementation non seulement au siège de Pôle emploi mais aussi à tous les conseillers de Pôle emploi en France et dans les DOM. La règlementation d’assurance chômage doit être intelligible et accessible.
Jean-Louis Walter insiste en précisant qu’il a « la conviction que toute institution n’a de sens que par le service qu’elle rend à ses ayants droit. », au vu de son parcours professionnel, ne devrait-il pas d’abord se poser la même question pour Pôle emploi ?
D’ailleurs, l’Unédic, par un communiqué de presse du 26 avril 2013, demandera au médiateur de Pôle emploi avec sa diplomatie liquéfiante et assassine de faire dorénavant attention à ses propos afin de ne pas émousser la collaboration post fusion Unédic – Pôle emploi.
Recouvrement des indus
Sans remettre en cause le recouvrement des prestations d’assurance chômage dès lors qu’elles ne sont pas dues ou l’avance sur allocations dans le cadre de l’activité réduite, le médiateur de Pôle emploi constate néanmoins que les notifications de trop-perçus et les méthodes de recouvrement sont des motifs de réclamations récurrents des demandeurs d’emploi. Il souhaite trouver un point d’équilibre entre la gestion financière de l’assurance chômage et la situation du demandeur d’emploi confronté à un indu.
Un premier pas a été franchi avec la levée de la rétroactivité des radiations qui déclenchaient à la fois un indu et la suspension du versement des allocations, sanctionnant doublement le demandeur d’emploi.
Jean-Louis Walter va poursuivre une réflexion plus globale sur les indus en réalisant un rapport spécifique aux indus ayant pour objectif d’en déterminer les origines, d’évaluer les moyens et pratiques de recouvrement actuellement en cours et d’identifier les axes l’amélioration pour en limiter le volume.
Dès à présent, et sans attendre la parution de ce rapport, Jean-Louis Walter préconise à Jean Bassères, Directeur Général de Pôle emploi, qu’une analyse du traitement des indus soient réalisée, au regard des délégations dont disposent les directeurs d’agence. Une sous-utilisation de ces délégations ou la transmission de dossiers insuffisamment instruits serait de nature à faire monter les tensions et à encombrer les instances paritaires régionales (IPR), prioritairement appelées à statuer sur les affaires les plus importantes ou les plus sensibles.
Intervention du médiateur sur les dysfonctionnements
Dans son rapport, le médiateur de Pôle emploi remet en cause l’Etat et les partenaires sociaux. En effet, il indique qu’il est intervenu sur trois sujets dans lesquels les causes de dysfonctionnement provenaient de décisions que l’État et les partenaires sociaux tardaient à prendre. Des dossiers s’en trouvaient bloqués, sans que Pôle emploi ne puisse apporter de réponse aux demandeurs d’emploi.
La rémunération de fin de formation
Suite à une prise de décision tardive entre l’Etat et le FPSPP, les Directions Régionales de Pôle emploi ont demandé de bloquer les demandes de RFF dans l’attente de connaître l’enveloppe financière dédiée à ce dispositif pour l’année 2012. Les médiateurs régionaux ont donc alerté le médiateur national sur les conséquences désastreuses de l’absence de mesures transitoires, à savoir l’augmentation des dossiers à instruire et des saisines.
Suite à l’intervention de Jean-Louis Walter, la Direction Générale de Pôle emploi annonçait dans un message du 29 mars 2012 à l’ensemble des Directions Régionales de Pôle emploi la reconduction de la RFF pour 2012 dans des conditions identiques à celles de 2011.
Inscription à un stage « courrier AC8X »
Le médiateur est également intervenu pour que la Direction Générale de Pôle emploi diffuse aux Directions Régionales une consigne pour homogénéiser le traitement des courriers AC8X adressés aux demandeurs d’emploi et visant notamment à réduire le risque de réclamation lié à l’information erronée sur la notification du montant de l’allocation pour les demandeurs d’emploi en formation.
AER : arrêt de la Cour de cassation
Suite à l’arrêt de la Cour de cassation du 8 février 2012 condamnant Pôle emploi à verser des dommages intérêts à un demandeur d’emploi qui avait bénéficié de l’ASS au lieu de l’AER, de nombreuses réclamations d’autres demandeurs d’emploi ont afflué.
Jean-Louis Walter a transmis donc une note à la Direction Générale de Pôle emploi le 12 octobre 2012 pour l’alerter sur l’absence de réponse aux réclamations et sur les enjeux juridiques, financiers et en termes d’image en découlant.
Suite à son intervention, la DGEFP adressait le 31 octobre 2012 un courrier à la Direction Générale de Pôle emploi, donnant son accord pour attribuer rétroactivement l’AER en lieu et place de l’ASS. Les Directions Régionales de Pôle emploi ont appliqué ces consignes dès le 21 novembre 2012 pour les demandes d’AER déposées depuis février 2012.
Les propositions suivies
Cumuler ARE et pension d’invalidité
Depuis avril 2012 et suite à une recommandation du médiateur de Pôle emploi dans son rapport de 2009, l’article 18, §2 du règlement général de l’assurance chômage permet de cumuler l’ARE avec la pension d’invalidité de 2ème ou 3ème catégorie selon les règles de la sécurité sociale (Art. R.341-15), à condition cependant que les revenus de la dernière activité ayant permis l’ouverture de droits aient été eux aussi cumulés avec la pension.
Malgré cette avancée, Jean-Louis Walter s’interroge sur deux points, sources de réclamations, qui sont de nature à produire de l’injustice auprès des demandeurs d’emploi :
- les travailleurs licenciés pour inaptitude ne bénéficient pas du cumul lorsque leur demande d’invalidité est en cours au moment de l’ouverture de droits ARE,
- les allocataires qui passent de 1ère en 2éme catégorie d’invalidité en cours d’indemnisation ne bénéficient pas du cumul, ce qui a pour conséquence de générer un trop perçu que Pôle emploi leur demande de rembourser. Des dossiers de ce type sont traités dans certaines Instances Paritaires Régionales (IPR).
Lors de sa rencontre du 20 septembre 2012 avec la Direction de l’Unédic, le Médiateur National a évoqué ces points relatifs au cumul de l’ARE et de la pension d’invalidité, afin de sensibiliser les partenaires sociaux sur le sujet lors de la négociation de la prochaine convention d’assurance chômage.
Les propositions en cours
- assouplir l’examen dit « à 122 jours » suite à une démission : soit à compter de la date de fin de contrat de travail, soit à compter de la date d’inscription à Pôle emploi pour les situations particulières où la personne n’est pas en mesure d’être en recherche active dès la fin de son contrat de travail. Cette proposition a été remise aux instances de l’Unédic dans le rapport 2010 du médiateur national qui a proposé d’actualiser le vadémécum des membres des IPR afin de les sensibiliser sur ces situations particulières.
- faciliter l’accès aux aides à la reprise d’emploi : plusieurs délibérations de Pôle emploi du 20 mars 2013 redéfinissent ces aides à compter du 1er janvier 2014 ("Redéfinition des aides de Pôle emploi" du 10/05/2013).
- améliorer la qualité des courriers adressés aux demandeurs d’emploi et aux entreprises : un processus de révision des courriers, au nombre de 32, à été présenté lors du Comité National de Liaison du 18 décembre 2012. Plusieurs réunions de travail sont programmées.
Les propositions restées sans suite
- unifier le régime juridique applicable aux différentes activités de Pôle emploi : Celle-ci est actuellement répartie entre droit privé et droit public selon qu’il s’agisse l’indemnisation ou de placement.
- cumuler l’indemnisation et une activité réduite avec la suppression de la limite de 15 mois : Jean-Louis Walter a soulevé la nécessité d’entreprendre une réflexion globale sur les effets et les conséquences de l’activité réduite en France réunissant l’ensemble des acteurs économiques et de la protection sociale.