Les RH se méfient du marketing et de la communication ? Pourtant, nombreux sont les concepts et les expressions issus de ces univers qui ont fait leur entrée au sein des Ressources Humaines : de l’employer branding ou marque employeur, en passant par le business partner, du ROI en passant par la e-réputation et les classements ou labels florissants…
Dernier transfuge en date ? Le CRM (Customer Relationship Management) ou gestion de la relation client et son nouveau credo, la « customer experience » ou l’expérience client ! Traduit en termes RH, cela devient bien sûr l’expérience candidat, nouveau cheval de bataille !
L’expérience client : définition
C’est en 1999 que Joseph Pine and James Gilmore publient “The Experience Economy: Work is Theatre & Every Business a Stage”. Dans cet ouvrage, les auteurs développent l’idée d’événements mémorables, de moments clés, dans la relation avec les clients, moments dont le seul souvenir ajoute de la valeur au produit ou service proposé afin de satisfaire et de fidéliser ces clients. L’expérience client était née !
*L'économie d'expérience : le travail est un théâtre et chaque business, une scène
Cette « expérience », plus pragmatiquement, peut se définir comme l’ensemble des émotions et sentiments ressentis par un client avant, pendant et après l’achat d’un produit ou service.
Et encore, selon Gartner, il n’y a pas de définition très claire de l’expérience client, pas d’indicateur référent pour la mesurer (le service client mesure la satisfaction, le marketing, la fidélisation et l’IT, les volumes ou la récurrence, par exemple) et surtout, pas de pilote clairement désigné au sein des entreprises…
C’est alors que la RH inventa « l’expérience candidat » !
Si l’on décline le principe appliqué au client, l’expérience candidat pourrait se définir comme l’ensemble des émotions et sentiments ressentis par un candidat avant, pendant et après sa candidature…
Si je partage le souci d’optimiser les interactions entre candidats et entreprises dans de nombreux cas, je suis en revanche un peu plus dubitatif sur les premiers commentaires et contributions qui consistent à définir l’expérience candidat au seul filtre des outils et à la seule optimisation des process ; conditions sans doute nécessaires, mais loin d’être suffisantes ou satisfaisantes.
« Outils et process, avez-vous donc une âme ? » aurait pu s’interroger Lamartine (pas le surnom de votre voisine de bureau, le poète). Car la définition de l’expérience client repose avant tout sur des émotions et des sentiments que les outils auront un peu de mal à générer malgré les progrès avérés de la robotique !
Je ne suis pas convaincu, par exemple, que le choix de l’outil, ni même la simplicité des processsoient des attendus de candidats en quête d’une expérience… surtout professionnelle !
- Médias sociaux ou mobiles pour mon expérience candidat ? ou mieux, les 2 ? Qu'importe le canal pourvu qu'on ait l'ivresse, aurait pu dire Musset (qui était un poète avant d'être un collège)
- Votre candidature en 2 clics voire 1,5 clic sur www.SuperExperienceCandidat.fr . Pourquoi 2 clics quand il va falloir ensuite enchaîner 7 entretiens ?
En revanche, remarque corporatiste oblige, un peu de communication pourrait sans doute aider ;-) Et définir les enjeux et objectifs de l'expérience aussi : simple ? complexe ? courte ? longue ? sélective ? incitative ? ... Chacun ses objectifs. Une voie unique ne peut s'imposer à tous.
Le paradoxe de l’expérience candidat
Le principal bénéfice attendu de l’expérience client est un renforcement de l’attachement à la marque et du lien particulier tissé avec le client qui aboutira peut être à un achat du produit ou service proposé et à une fidélisation du client. Une expérience win/win comme on dit toujours :
- Un client satisfait et fidélisé, voire même promu « membre du même club que Georges Clooney » qui repartira avec une jolie carte sur laquelle son nom s’affichera en lettres d’or pour l'éternité, carte qui ira rejoindre un porte carte déjà bien garni.
- Une entreprise satisfaite d'avoir fait vivre une expérience mémorable à son client fidélisé, et surtout, satisfaite d'avoir vendu son produit ou service (c'est quand même le but).
En revanche, l’expérience candidat parfaite et optimisée risque de fort de ressembler à une immense machine à fabriquer de la déception... Je m'explique :
- Un avant formidable, aspirationnel et plein de promesse qui donne envie de candidater
- Un pendant optimisé avec interactions intelligentes et conviviales, mise en relation personnalisée, un accueil et une empathie de chaque instant…
Mais une expérience formidable qui se conclue, dans la très grande majorité des cas, par une réponse négative. Certes, bien tournée, agréable, motivée , justifiée et expliquée dans le détail, bien loin des standards normés de l’envoi en nombre (rêvons un peu...), mais négative.
Fin de l’expérience. Et début, sans doute, d'une déception, c'est humain. Car c’est bien là la limite du parallèle entre client et candidat. Et ce quel que soit le sujet, expérience, relation, et tout ce que l’on pourra inventer demain. Une entreprise ne peut pas refuser une vente à un consommateur. C'est même légalement répréhensible. Mais elle refuse quotidiennement l'immense majorité des candidats qui s'adressent à elle. Difficile de transposer ce qui n'est pas fondamentalement pas transposable... Un frein pour l'expérience candidat ?