Masque du peuple YAKA...République démocratique du Congo • Photo by Andreas Praefcke
Le recrutement est souvent pointé du doigt pour son manque d’innovation et les services RH doivent régulièrement faire face à un feu nourri de critiques plus ou moins justifiées :
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Stabilité des critères de sélection, inchangés depuis des années : « Il a quoi comme formation, ton candidat ? Harvard ou Insead ? »
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Manque d’usage des nouveaux outils de mise en relation : « Je veux bien m’afficher sur les réseaux sociaux professionnels, mais à une condition : rester anonyme pour ne pas être sollicité tous les jours ! »
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Manque de remise en cause dans l’évaluation des compétences et des potentiels : « Hé, s’il aime les claquettes ton candidat, à la direction commerciale, ils apprécieront sans doute, hein... ? »
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Evolution du formalisme de la candidature : « Tu te rappelles du super candidat que t’avais identifié et dont tu m’as fait suivre le dossier ? et ben dedans, y’avait une vidéo, sans doute un virus ! Mais t’inquiète pas, j’ai tout détruit immédiatement... »
Naturellement, ce tableau est caricatural. Naturellement...
Parce que le recrutement est aussi l’histoire d’une rencontre entre un recruteur et un candidat, l’innovation doit être partagée entre ces 2 acteurs. Voici donc 2 pistes simples et innovantes, une côté entreprise et la seconde côté candidat, pour une plus grande fluidité du marché de l’emploi.
Entreprises et recruteurs, innovez !
Je suggère une première innovation très simple. Après plus de 2 années au cours desquelles les emplois salariés du secteur marchand (par opposition au secteur acheteur ?) ont une fâcheuse tendance à se paupériser par vague d’une centaine de millier par an, ne serait-il pas temps de créer des emplois ?
Et rien ne s’y oppose. Au contraire. Toutes les parties prenantes y sont absolument favorables : le gouvernement qui s’y emploie, les chercheurs d’emploi qui les trouveraient enfin, et les retraités qui battraient alors en retraite...
Alors quoi ? Voilà une innovation simple, non ? Et ne venez pas me raconter que c’est la faute à la crise, à la récession internationale, à la fiscalité ou à je ne sais quoi qui nous dépasse tous...
Entreprises et recruteurs, créez des emplois d’avenir ! Enfin...des emplois qui ont de l’avenir. Bien que l’avenir, tout comme l’emploi, n’appartienne à aucune génération, ni X, ni Y, ni Z ; ni même spontanée, hélas.
Candidats, innovez !
Ma seconde suggestion est encore plus ambitieuse, et, si vous êtes recruteurs, vous l’admettrez, totalement innovante. Il est question d’un réflexe à acquérir face à un outil souvent remis en cause, lui aussi. Pas besoin de compétences avérées ou de talent particulièrement remarquable à ce stade de la relation pour interagir avec... la petite annonce de recrutement !
Candidats, que cette annonce soit sur un site carrière, un journal (si, si), un jobboard, un réseau social, où sur tout autre support, un seul réflexe : la lire ! Mais la lire vraiment et attentivement ; voilà une innovation !
Certes, cela suppose que cette annonce exprime clairement et précisément le besoin de l’entreprise et ce réflexe ne s’applique pas lors d’une candidature spontanée. Mais la recherche d’un emploi par la consultation d’une offre semble la pratique la plus largement répandue.
On pourra toujours regretter un certain conformisme voire une standardisation dans la rédaction de cette offre d’emploi : un leader dans un truc cherche un talent à qui confier une mission. Et pour ce faire, une liste assez longue de compétences sont attendues. Il est enfin souhaité d’adresser une candidature en remplissant un formulaire, web ou mobile. Rien de très excitant, ni de très nouveau.
Et alors ? Est-ce une raison suffisante pour ne pas lire attentivement ces satanées annonces ?
Utopia World sunset de Michael Mol
Utopie et bénéfices attendus
Oui, je sais. Mes propositions manquent cruellement de réalisme. On ne crée pas des emplois au seul motif que ce serait bien d’en créer. Et c’est pourtant une condition nécessaire au recrutement.
Je sais également qu’une lecture attentive d’une offre d’emploi laissera toujours certains totalement désarmés : orientation subie vers des formations par défaut ou parcours scolaire chaotique au détriment de valorisation de compétences et de potentiels qui ne s’affirmeront que plus tard... ou pas.
En revanche, une lecture attentive peut permettre à d’autres, s’estimant écartés car « surdiplômés », de réaliser qu’un niveau d’études, aussi supérieur soit-il, n’est en rien une garantie pour l’emploi, ni une compétence en soi : une remise en cause qui peut être profitable. J’exclue de ce commentaire celles et ceux ayant pleinement et consciemment choisis des filières par envie et/ou par passion, sans souci, assumé, d’employabilité future. Il en existe et c’est tant mieux !
Enfin, une lecture attentive évitera bien des déconvenues aux derniers. Guidés par d’hypothétiques lois statistiques plus connues sous les noms de « on ne sait jamais » ou « j’aimerai bien faire ça » ou plus récemment « ma candidature 2.0 ne peut laisser insensible », ils multiplient les envois et les contacts. La quantité rassure ? Bien au contraire, elle érode le taux de réussite et entraine avec elle la confiance du chercheur d’emploi. Et dans ces conditions, comment s’étonner, voire s’offusquer, de recevoir une lettre type ou un simple accusé de réception en réponse à une candidature... type ?
Cette lecture attentive me semble profitable aux deux parties : recruteurs et candidats. Plus les réponses seront en phase avec les besoins exprimés, plus les besoins seront exprimés avec attention, première pierre d’une convergence si difficile entre offre et demande sur le marché du recrutement, et ce, quels que soient les canaux de cette adéquation tant recherchée. Alors oui, j'assume. Les candidats récoltent parfois ce qu'ils sèment. J'assume d'autant plus que la candidature que je viens de recevoir, après lecture attentive, ne m'était en rien adressée... ;-)
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