Les stages, des emplois Canada Dry ?

Publié le 05 novembre 2013 par Thierry Delorme @Thierry_Delorme

© Cory Doctorow sur Flickr

Dans les années 80, Canada Dry était une boisson à la mode soutenue par une campagne de publicité qui présentait la marque sur fond de prohibition : « Ça ressemble à de l’alcool, c’est doré comme de l’alcool… mais ce n’est pas de l’alcool ».

Si la boisson est un peu passée de mode, suivie puis dépassée par des bières sans alcool (« Paul, une Tourtel… »), des presque champagnes pour enfants (« sans Champony, c’est pas une fête ») ou autres Mister Cocktail (« sans alcool, la fête est plus folle »), la fameuse publicité Canada Dry (ci-dessous) a permis à la marque de passer dans le langage courant pour désigner quelque chose qui pourrait ressembler à une autre, sans toutefois en avoir les qualités… ou les défauts, c’est selon.

Fin du placement produit ! (mais j’ai mis le nouveau pictogramme pour vous en avertir, sur l’image d’accueil, en bas à droite. C’est nouveau. Et, en plus,  je ne touche pas un euro de toutes ces jolies marques…).


Publicité pour Canada Dry par odilederey

Tout çà pour dire que Michel Sapin, notre Ministre du Travail, de l'Emploi et du Dialogue social (qui n’a rien à voir avec un commentaire, un like, ou un RT) rappelait récemment que : «Il y a encore trop d'entreprises qui abusent des stages. Je souhaite qu'on lui redonne sa plénitude. Le stage c'est un moment dans la formation, ce n'est pas une première manière inachevée de travailler». Bref, un stage, doit rester un stage, pas un emploi déguisé. Jusque là, on ne peut que souscrire voire même rejoindre le collectif Génération Précaire qui milite contre les excès. A ne pas confondre avec Génération Y, qui se pose de légitimes questions existentielles sur lesquelles il existe de nombreux rapports de stages …

Là où ça se gâte, c’est que cette annonce risque d’entraîner une future réforme, qui, à peine évoquée, provoque déjà quelques remous et soulève de nombreuses interrogations

Stage et emploi, ce n’est pas pareil…

Le stage est présent sur les les principaux sites emplois par le biais de recherches spécifiques (pas uniquement les sites pour jeunes diplômés). Il a ses jobboards, sites internet dédiés comme Kap’Stages ou Aidostage, ses présences sociales sur Twitter (un compte comme @un_stage diffuse régulièrement des offres) ou Facebook. Il a également ses comparateurs, sites qui recensent les entreprises où il fait bon « stager » comme happytrainees ou notetonstage… La diffusion des offres de stage et leur visibilité n’ont finalement rien à envier à la diffusion d’une offre d’emploi ! Pour cause, leur nombre a explosé en France, passant de 600 000 en 2006 à plus d’1,2 million en 2012 !

Si l’objet du stage doit rester un moment de formation, c’est également l’occasion d’une découverte. Les stages d’une semaine proposés dès la troisième permettent, par exemple, de découvrir qu’un jeune de 14 ans aime plus son portable que l’entreprise dans laquelle il se trouve immergé. Ce stage permet accessoirement (principalement, à l’origine) de sensibiliser les élèves à l'environnement technologique, économique et professionnel.

Bonnes et mauvaises expériences ...

D’autres stagiaires, plus matures, peuvent également découvrir que l’entreprise et l’emploi ne sont pas des mondes si désirables du seul fait de leur rareté (conjoncturelle, souhaitons-le). Et un stage, ça peut vraiment ne ressembler à rien d’autre qu’une longue période d’ennui ! Seules éclaircies ? Les moments d’extase devant les incroyables possibilités du nouveau copieur connecté multifonctions ou la liste impressionnante de boissons improbables disponibles gratuitement au distributeur automatique : du latte macchiato en passant par la soupe aux asperges…

A contrario, un stage peut être dense… trop dense. Et c’est bien cette catégorie qui est visée par les excès évoqués précédemment par notre Ministre : horaires à rallonges, considération nulle, gratification minima (découverte du monde du travail, en fait ;-)  Souvent visées, les entreprises du secteur de la communication ! (ben voyons…). Il n’empêche qu’une mauvaise expérience peut se transformer en belle histoire : celle de Yatuu, étudiante en graphisme qui raconte ses galères de stage en illustrations sur un blog. Un éditeur vint à passer par là. Le résultat ? Un album  "Moi, 20 ans, diplômée, motivée... exploitée ! ".  Yatuu est aujourd’hui auteure et illustratrice de BD ! 

Pour les jeunes diplômés, le stage reste un bon moyen d’accès au premier emploi dans des proportions variables selon le niveau d’études supérieures comme le montre ce tableau de l’Apec (in « Les jeunes diplômés de 2012 : situation professionnelle en 2013 »).

Une petite interrogation sur la différence entre proposition et embauche réelle qui plaide un peu moins en faveur du stage…

Je conclurai en vous invitant à lire un autre billet, écrit par Océane, stagiaire, qui porte un regard amusé, mais pertinent, sur un certain nombre de fantasmes liés au stage : mon stagiaire, ce mini moi...ou pas.

Bonnes lectures. 

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