L’arrivée matinale du flot de chômeurs, présents bien avant l’ouverture de l’agence, rythme le documentaire.
Ce documentaire témoigne à la fois des conditions de travail difficiles des conseillers du pôle emploi et de la situation précaire des demandeurs d’emploi face à un marché du travail sclérosé.
Quelle que soit sa place, chômeur ou agent de Pôle emploi, d’un côté ou de l’autre du miroir, la souffrance, la frustration et l’agacement sont quotidiennement ressentis.
La directrice de l’agence
La directrice de l’agence est prise entre l’enclume de la Direction générale de Pôle emploi du Cinétic et le marteau qu’elle utilise sur ses collaborateurs. Face à la pression et à l’absurdité managériale du siège, elle a conscience de demander l’impossible aux conseillers. Elle essaye de maintenir le cap dans cet environnement kafkaïen.
Elle subit également cette absurdité quand le siège lui demande un travail à 16h20 par courriel à rendre pour 16H30. La nuit tombe derrière la Directrice qui s’affaire et qui a bien évidemment écouler les 10 minutes offertes par la Direction générale.
Les conseillers (ières)
La majorité des conseillers sont des conseillères. Certaines nous touchent par leur engagement, discutant pendant leur pause du sort de « leurs » demandeurs d’emploi en essayant de trouver des entreprises pour les placer.
Ces conseillères ne sont pas dupes du nouveau plan stratégique Pôle emploi 2015 avec le nouvel accompagnement plus personnalisé du demandeur d’emploi, un nouveau suivi et surtout une soi-disante marge de manœuvre plus large pour les conseillers de Pôle emploi. Elles ont l’expérience des portefeuilles surchargés et refusent un portefeuille de 70 demandeurs d’emploi qui rend impossible un suivi convenable, de la continuité dans la relation avec les demandeurs d’emploi, ne prenant pas en compte tout l’administratif du back-office à traiter. Avec toute leur bonne volonté, elles ne peuvent pas réaliser la mission d’accompagnement du demandeur d’emploi qui leur incombe officiellement.
Face à leur désarroi institutionnel, elles plaisantent sur le foisonnement des acronymes en perpétuel changement. En plus d’être au chômage, elles ironisent sur le fait d’être un DE sans MEC, c’est-à-dire, sans Mise en Contact. Ce MEC laisse ainsi place au dernier MER, Mise En Relation. Mais combien de personnes travaillent à Pôle emploi pour créer, modifier ces acronymes, encore une cellule obscure dédiée légitimant un « poste de travail » avec une « charge de travail ».
Leur attitude contraste avec la conseillère qui accueille chaque jour les demandeurs d’emploi. A peine sa journée de travail commencée, cette personne se plaint peut-être à la caméra qu’elle n’a pas oubliée mais également au demandeur d’emploi suivant dans la file d’attente ! A la fin du reportage, son CDD de 6 mois terminé, elle conclut sans élégance qu’elle n’est pas faite pour le « social ».
Comment Pôle emploi peut-il se tromper sur le recrutement de ce posté clé, ce poste stratégique qu’est l’accueil des demandeurs d’emploi ? Face à des personnes au chômage, dans une situation précaire et incertaine, subissant constamment les dysfonctionnements de ce service public, Pôle emploi doit impérativement recruter une personne sachant trouver le bon canal de communication et comprenant les enjeux économiques et sociaux actuels.
Mais la cerise sur le gâteau est la conseillère de la plateforme téléphonique du 39 49, un exemple de discourtoisie, de mépris envers la demandeuses d’emploi qui souhaite connaître l’avancement du traitement de son dossier. La conseillère présente un désintérêt total pour son travail. Bien que la conseillère n’ait pas l’information sur le dossier de la demandeuse, qui n’est pas instruit et qui est dans les limbes de Pôle emploi, elle doit le respect à cette personne.
Les demandeurs d’emploi
Le demandeur d’emploi est présent dès l’ouverture de l’agence mais n’est pas accueilli avec respect. Il n’est pas non plus accompagné dans sa recherche d’emploi. Il apparaît malmené. Les conseillers qui les reçoivent en entretien ne parlent ni de CV ni de compétences de manière concrète, en testant par exemple le niveau d’anglais d’un demandeur pour l’évaluer. Les conseillers remplissent les cases du logiciel informatique et leurs tableaux de bords.
Quant à la prospection en entreprise, absente du reportage ou absente de l’agence qui n’a plus le temps de géré cette problématique ?
Informatique en panne, nouveau logiciel, nouveau joujou de la DSI sans délai de prévenance des conseillers de l’agence, absence d’un conseiller à remplacer au pied lever sans avoir son expertise, c’est aussi cela le quotidien du pôle emploi.
Au final, ce reportage vérité n’est pas une énième façon de piéger la Direction générale de Pôle emploi mais un regard qui devrait alerter les pouvoirs publics. A l’écoute des témoignages du personnel de l’agence, on comprend que la fusion n’est pas digérée, que les conseillers ne sont pas passés à l’étape suivante et que la Direction générale ne leur en donne pas les moyens.
Pôle emploi n’est pas un service public, Pôle emploi est une coquille vidée de l’expertise de l’ANPE et des Assédics.
Arrêtez de vous auto-satisfaire, là-haut, dans les strates chauffées du Cinétic et de vous cacher derrière l’interdiction de la diffusion de ce reportage dans l’agence ?
Quelle est votre efficience avec un budget de fonctionnement de 5 milliards d’euros ?
Vous appelez les demandeurs "clients" mais la Direction générale de Pôle emploi est loin d’assurer un service client digne de toute entreprise !
Pour aller plus loin :
- LCP : Grand Ecran : « Pôle emploi, Ne quittez pas »
- « Le documentaire qui déplait à la direction de Pôle emploi » – J.-B. Chastand (22/11/2013)