Hier, Jean-Paul Bailly a remis au Premier ministre son rapport sur la question des exceptions au repos dominical dans les commerces, intitulé "Vers une société qui s’adapte en gardant ses valeurs".
Jean-Marc Ayrault a annoncé se baser sur ce rapport pour entamer une concertation avec les partenaires sociaux, les ministres concernés et les groupes parlementaires d’ici à quelques jours pour élaborer un nouveau cadre législatif. Il ne s’agit pas d’étendre les dérogations au travail dominical qui existent déjà mais de clarifier les dispositifs, « car le droit actuel est illisible et donc incompris » pour Jean-Marc Ayrault.
Jean-Marc Ayrault fixe le cap « Il n’y aura pas de remise en cause de la règle du repos dominical » et « Pas d’ouverture sans contreparties pour les salariés ».
Cet accord sera transposé en loi au début de l’année 2014. Cette loi va réorganiser le travail dominical qui ne sera notamment autorisé qu’avec l’obtention de contreparties et sur la base du volontariat des salariés.
En attendant le vote de cette loi, des mesures transitoires seront appliquées à certaines situations difficiles,
« Dès lors que des engagements et des garanties fortes pour les salariés volontaires seront assurés en contrepartie, nous sommes prêts à retenir la proposition qui est faite par le rapport de Jean-Paul Bailly, d’un règlement transitoire pour le secteur du bricolage en Ile-de-France » assure Jean-Marc Ayrault.
Préconisations du rapport
Pour Jean-Claude Bailly, les dérogations d’ouverture dominicale doivent correspondre aux activités et commerces reconnus par la société française comme étant essentiels au fonctionnement de la société le dimanche (santé, sécurité, transports…), et aux activités dominicales (loisirs, détente, culture, sport,…).
1 / à l’issue de la nouvelle loi et à la date butoir du 1er juillet 2015, le secteur de l’ameublement sortira du régime dérogatoire par un décret en Conseil d’Etat à paraître.
2 / le dispositif des « cinq dimanches du maire » sera porté à douze ouvertures, permettant ainsi de mieux répondre aux événements rythmant la vie économique : soldes saisonnières, rentrée des classes, départ en vacances, fête des mères, fête des pères, Saint-Valentin, animations spécifiques de certaines villes, quartiers ou professions, etc. Sur ces douze dimanches, sept seraient à la main du maire (lui donnant ainsi l’initiative sur l’animation collective de sa ville) et cinq constitueraient un droit de tirage déclaratif pour les différents commerces, ce qui leur permettrait de répondre aux spécificités saisonnières ou évènementielles de leurs activités et d’être assurés de bénéficier d’au moins cinq dimanches par an. Avec un tel dispositif, la France rejoindrait la moyenne européenne.
3 / les PUCE, les communes et les zones touristiques vont évoluer vers des PACT (Périmètres d’animation concertés touristiques) et PACC (Périmètres d’animation concertés commerciaux) au sein desquels les commerces pourront être autorisés de manière structurelle à déroger au repos dominical. La délimitation des périmètres doit être fondée sur l’organisation d’un large dialogue territorial, à l’initiative du président de la structure intercommunale. L’instruction des demandes de création de périmètre se fait sous l’égide du préfet pour les PACC, ou du président de la structure intercommunale pour les PACT. Elle se formalise par un dossier d’opportunité et une étude d’impact. La validation définitive du périmètre est traitée au niveau du préfet de région pour les PACC, ou du préfet pour les PACT avec une latitude donnée à l’autorité pour adapter le périmètre proposé sur le fondement des éléments de l’instruction.
4 / le travail dominical est conditionné au volontariat des salariés, clé de voûte du dispositif. Ce volontariat reposera sur une déclaration positive et temporaire du salarié, une possibilité de retrait avec un préavis raisonnable, l’absence de clause dans le contrat de travail, la lutte contre d’éventuelles discriminations, et une organisation ne faisant pas appel à la totalité des salariés habituels. L’accord collectif doit également prévoir les conditions de rémunération, l’octroi d’un repos compensateur et les mesures visant à favoriser la conciliation entre vie privée et vie professionnelle. À défaut d’accord collectif, un dispositif supplétif sera prévu par la loi (doublement de la rémunération, repos compensateur, garanties de volontariat, mesures visant à assurer la conciliation entre vie privée et vie professionnelle).
Dispositions transitoires
Dans l’attente de l’application de la loi sur le travail dominical, Jean-Claude Bailly propose des dispositions transitoires, notamment pour les magasins situés en Ile-de-France.
Le secteur du bricolage sera inscrit provisoirement sur la liste des dérogataires de droit. En contrepartie, il demande aux enseignes de bricolage de se désister de toutes les instances contentieuses en cours relatives au repos dominical.
La seconde mesure de transition consiste à permettre aux préfets d’accorder des dérogations individuelles au repos dominical dans un cadre sécurisé, pour remédier aux situations de distorsion de concurrence qui ne pourront disparaître qu’à terme, une fois le dispositif territorial devenu effectif.
Réactions des syndicats
La CFTC se réjouit des préconisations du rapport Bailly qui rejoignent certaines de leurs propositions. « Pour la CFTC, ce rapport peut servir de base afin de réformer en profondeur l’actuelle néfaste et incompréhensible législation sur le dimanche et ce, à condition de mettre au cœur du nouveau texte le respect de ce temps collectif, indispensable pour la vie familiale, personnelle, associative et spirituelle. ».
Rapport #Bailly :La réaction de la CFTC à lire ici : http://t.co/0uOqFqyQlk #dimanche
— Syndicat CFTC (@SyndicatCFTC) December 2, 2013
Pour la CFDT, « le rapport Bailly va plutôt dans le bon sens » mais n’est pas favorable à l’extension des 5 à 12 « dimanches du maire ».
En outre, la CFDT vient de publier le résultat d’une enquête sur le travail du dimanche. Les militants ont interrogé 1 834 salariés du commerce dont 64 % ont déjà travaillé le dimanche. Selon l’analyse de la Confédération, le travail du dimanche « doit rester exceptionnel », 68 % en « refusant le principe, même en cas de négociation dans l’entreprise ». Quant aux 32 % restants, ils seraient prêts à travailler le dimanche à condition d’obtenir une contrepartie financière (93 %) ou un temps de récupération (36 %). « Les salaires et les conditions de travail restent des préoccupations majeures. Le fait que 88 % des enquêtés touchent un salaire inférieur à 1 500 euros nets et que 27 % soient à temps partiel (dont 49 % imposé) expliquent cette forte exigence de contreparties ». Sur le volontariat, 73% des salariés interrogés l’envisagent. 27 % évoquent tout de même un volontariat impossible du fait d’un « dialogue social dégradé dans l’entreprise ».
Thierry Lepaon, secrétaire général de la CGT, reproche au rapport Bailly de ne pas traiter du travail atypique qui concerne pourtant 30% des salariés, des horaires de nuit ou encore de la flexibilité des salariés. Thierry Lepaon dénonce également l’augmentation des week-ends travaillés, passant de 5 à 12 par an, rejoignant les positions de la CFTC et de la CFDT. « Les patrons ont de nouvelle fois dictée la loi. On va de dérogation en dérogation ».
Plus virulent, Jean-Claude Mailly qualifie le rapport Bailly de «Tache d’huile ». La seule note positive pour FO est la volonté d’harmonisation des compensations dont bénéficieront les salariés travaillant le dimanche.
Travail du dimanche: la tache d’huile http://t.co/opwmki6t6n #FO
— Force Ouvrière (@force_ouvriere) December 2, 2013
Quant à la CFE-CGC , elle «salue le rapport Bailly qui a le mérite de faire une photo exhaustive de la situation actuelle avec toutes ses dérives » et Carole Couvert appelle à la négociation via YouTube.
La CFE-CGC demande une négociation interprofessionnelle sur l’ouverture dimanche : http://t.co/rid2CaeDUi via @youtube
— CFE-CGC (@CFECGC) December 3, 2013