Qu’est-ce qui fait qu’un groupe, qu’une organisation, qu’une entreprise, qu’un pays, gagnent, qu’ils innovent ? La réponse nous est encore largement inconnue, mais un des facteurs primordiaux, c’est la diversité.
Dans les séminaires de créativité auxquels j’ai eu la chance de participer, on parle du facteur que j’appelle "1+1=3" : le tout est différent de la somme de ses parties. Autrement dit, l’échange entre plusieurs cerveaux créatifs permet de créer quelque chose de plus fort que la simple addition de leurs idées. Les rebonds entre ces "cerveaux" permettent l’émergence de quelque chose de neuf. Et surtout, plus ces cerveaux et leurs idées sont divers, donc différents, plus la chance est élevée d’atteindre quelque chose d’original. Plus une équipe possède en son sein des modes de pensée et fonctionnement différents, qu’on peut aussi appeler "cultures", et plus le groupe est créatif.
La créativité naît de la diversité et de l’hétérogénéité. D’où l’intérêt, à toutes les échelles (groupes, entreprises, pays, etc.) de favoriser la diversité. A l’inverse, les groupes homogènes permettent de fonctionner de manière efficace en mode "fonctionnel", ils mettent en oeuvre un fonctionnement répétitif parfaitement efficace, mais ils ne créent rien de nouveau. Au contraire, les équipes hétérogènes ont plus de mal, du fait de leurs différences, à fonctionner dans un mode routinier. Les "anomalies" sont vecteurs de changement par la pression, souvent vécue comme négative au prime abord, qu’elles exercent sur l’organisation à laquelle elle appartiennent. Celle-ci peut dès lors tenter de les éjecter hors du système : hétérogénéité et hétérodoxie sont vues comme menaçantes car déstabilisantes et vecteurs de changement, c’est à dire de destruction potentielle du modèle auquel on s’était habitué et qui sécurisait. C’est le rôle du chef d’équipe de s’assurer que celle-ci maintient en son sein ces anomalies et cette hétérodoxie. La tentation est forte de céder à la tentation d’uniformiser l’équipe et d’éliminer les éléments qui "n’appartiennent pas" (don’t belong).
Au niveau du pays, un pays homogène rencontrera des difficultés à se réinventer et à montrer de la créativité. Je pense par exemple au Japon, que je connais bien, un des pays les plus réfractaires en terme d’ouverture aux autres peuples en son sein : eh bien je pense que les difficultés auxquelles il fait face depuis vingt ans ne sont pas étrangères à son homogénéité et à sa dégénérescence créative. Les pays agiles sont les pays qui savent s’ouvrir au multiculturalisme, et réussissent à dépasser les résistances inévitables. C’est au chef d’équipe, aux gouvernants, de résister aux pressions de l’intérieur du système et de ne pas y céder. Je suis convaincu que la France est un pays qui bénéficie et bénéficiera de sa diversité dans les prochaines années, tout comme l’Allemagne, les Etats-Unis ou le Royaume-Uni à n’en pas douter.
Soyons humbles, la créativité reste encore en grande partie un mystère que nous ne sommes pas prêts de percer. Nous connaissons un certain nombre de facteurs qui la favorisent mais nous ne savons toujours pas ce qui fait que l’idée naît, le déclencheur, tout derrière. Dans la créativité, il reste toujours ce quelque chose d’insaisissable, ce quelque chose de magique, ce quelque chose de divin diraient certains…