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Les médias sociaux... À la mode, pour les jeunes, gratuits, indispensables pour renforcer son employabilité ou trouver un job ? Tous les ingrédients semblent réunis pour que ces médias modifient durablement nos rapports personnels et professionnels ! Durablement ? Pas si sûr... Au nouveau temps 2.0, le (You) Tube de l’été ne passe pas la mi-août, le Post de la semaine ne dure que quelques heures et le Tweet du jour s’évapore en quelques minutes. Et pourtant, cela fait maintenant une petite dizaine d’années que ces médias sont quotidiennement présents. Pour combien de temps ? Car ces mêmes ingrédients ne risquent-ils pas de se retourner contre les médias sociaux ? Quand de nombreux « experts » annonçaient la fin du Monde pour 2012, quelques Cassandre annoncent également la fin des grands réseaux pour 2017, mais sans date précise cette fois-ci…
La mode, art éphémère de l’illusion ?
Lorsque près de 2 milliards d’internautes utilisent mensuellement les médias sociaux, ce n’est plus un simple effet de mode (peut-être pas une révolution non plus pour les ¾ de la population mondiale qui les ignorent…). Mais lorsque les médias dits traditionnels, le marketing, la communication et la publicité s’emparent du phénomène, la question de la mode se pose ; Et les annonceurs sont nombreux à céder aux sirènes du « social media ». Stratégie longuement réfléchie ou re-lifting 2.0 pour suivre le mouvement ? Plus un message, plus une affiche, plus un e-mail, plus une émission de TV ou de radio qui ne sollicite l’interactivité à tout crin par un hashtag plus ou moins évocateur : de #Happy à #Ready en passant par #UtilisezCeHashtagOuJeSuisViré …
Quant au parallèle avec les médias sociaux, la communication se transforme allègrement en récupération opportuniste voire en overdose 2.0 ! Qu’une mutuelle se compare à un média social, passe encore. Mais quand un saucisson ou des frites s’y mettent aussi, on frise l’indigestion 2.0. « La mode, c’est ce qui se démode » (Cocteau). Pour éviter cette triste fin, les médias sociaux ont déjà réagi car la nouvelle mode est à l’éphémère. Au moins, on évitera la lassitude qui commençait à poindre…
Jeunesse et gratuité : les illusions perdues.
Et en matière de lassitude, ce sont les jeunes qui font et défont les tendances. Mais qu'une étude pointe une certaine désaffection de Facebook, des jeunes en général et des ados en particulier, et c'est toute la galaxie des médias sociaux qui devient menacée. Sensibles à cette fin annoncée, les seniors s'inscrivent en masse compensant largement le désamour. Mais une plateforme de vieux a-t-elle un avenir malgré les étonnants progrès de la médecine ? Les ados se détourneraient donc des grandes plateformes de médias sociaux au profit des messageries instantanées. Elles ont pour nom Whatsapp, Snapchat ou Line... Et malgré l'apparente nouveauté, c’est un retour au plaisir simple du bon vieux sms avec de l'émoticône dedans (pour les plus sages d’entre eux, bien sûr. À Hollywood, il est d'usage de remplacer les icônes par des photos intimes sur les conseils de ses attachés de presse…).
Quant à la gratuité des services, elle ne présente que des avantages. Elle répond à l'attente des jeunes aux moyens limités et elle enthousiasme les marketeurs et les communicants qui se voient ainsi dédouaner de justifier le ROI de chacun de leurs investissements sur les médias sociaux (au passage, ils en profitent pour inventer le ROE, retour sur engagement, qui consiste, grosso modo, à calmer les demandes du contrôle de gestion en comptant le nombre de likes et de followers...).
A moins que la gratuité ne soit aussi une illusion ce qui ne serait pas une bonne nouvelle, ni pour les jeunes (voilà une raison de la désaffection), ni pour les marketeurs (qui vont devoir se recoller à l'exercice improbable du ROI). Il n'y a bien que les financiers pour trouver un intérêt aux illusions et pour les saluer par d'illusoires valorisations : moins de jeunes, c'est plus d'utilisateurs solvables et moins de gratuité, c'est plus de revenus ! C'est cartésien et ça montera encore longtemps comme nous le prouve l'histoire récente. :-(
Emploi et médias sociaux, la grande illusion ?
Faut-il y être ou non ? Comment maitriser sa e-réputation d’employeur ? Quelle stratégie recrutement 2.0 mettre en place ? Est-ce utile ? Comment choisir les plateformes pour déployer sa Marque Employeur ? … Les débats qui agitent la bulle internet tournent généralement autour de ces thèmes vendeurs mais sans doute vains. Vendeurs à noter leur récurrence et leur nombre sur la toile et à voir l’écho que le sujet rencontre au sein des médias avides de nouveautés et d’innovations. Vains, à consolider les quelques données fiables et valables sur le sujet et à constater, mois après mois, que la solution miracle au casse-tête du recrutement et de l’emploi n’est pas venue avec les médias sociaux.
Pourtant, la promesse d’un recrutement différent, d’un recrutement conversationnel, basé sur les compétences, l’échange et l’interactivité était alléchante. Trop, sans doute. Et les réseaux professionnels aux performances et fonctionnalités redoutables d’efficacité ne pourront rien changer aux études qui cantonnent le « social recrutement » à une alternative plus qu’à une voie royale. Alors comment expliquer cet engouement modéré ?
J’ai lu çà et là que les acteurs traditionnels de ce marché (jobboards, médias, cabinets, agence de communication RH, ATS...) organiseraient la résistance afin de bloquer le développement du recrutement sur les médias sociaux... Il paraitrait même que François Hollande ne prendrait pas une seule décision sans les consulter (ce qui expliquerait pas mal de choses...). A cette théorie fumeuse du complot, j’opposerai une théorie moins spectaculaire mais raisonnablement plus sérieuse : Oui, les acteurs traditionnels du marché de l’emploi sont responsables de la faible percée des médias sociaux dans le monde du recrutement et ces acteurs sont… les candidats et les recruteurs.
Responsables, certes, mais pas coupables. Si ce n’est de n’avoir pas encore changés radicalement les habitudes, les process et les méthodes d’évaluation côté recruteur et de n’avoir pas totalement pris la mesure de la transformation (et de son temps nécessaire) côté candidat. Avant que l’impatience ne laisse la place à la cruelle déception voire à l’abandon de ces nouveaux médias, il devient urgent de repenser l’approche du recrutement au risque de passer à côté d’une alternative prometteuse.
Sans CV, sans GenY et sans médias sociaux, la rentrée sera bien terne... Mais au fait, la rentrée c'était début septembre et l'été est fini. Je parie qu'on va reparler de nos disparus d'ici quelques jours...