Non, les candidats ne sont pas des « lapins de 3 semaines » !
(Pour votre information, « se faire prendre pour un lapin de trois semaines » est une des expressions favorites de ma sœur, signifiant « prendre quelqu’un pour un imbécile » – des plus originales, je vous l’accorde :))
A l’heure actuelle, la Guerre des Talents fait rage. Les entreprises mènent mutuellement leur barque afin de pêcher les meilleurs « poissons ». Cependant certains de ces derniers se trouvent être durs à attirer dans leur filet – sans parler de les conserver par la suite.
Pour sortir de cette « explication imagée », nous faisons face à différentes cibles des plus complexes à attirer et à engager. Les raisons ? Elles seraient trop longues à énoncer, de même celles-ci s’apparentent de près à l’entreprise en elle-même, ainsi qu’à l’individu. Autant vous dire que cela se révèle fortement aléatoire. Cependant, afin de palier à ce problème d’attractivité des talents, les entreprises investissent de plus en plus en termes de Marque Employeur. En 2014, pas moins de 38% des entreprises ont augmenté leur budget dans cette thématique selon une étude menée par EBI.
Les Ressources Humaines sont davantage vues comme un réel coût financier pour les entreprises – autrement dit : plus de dépenses que de création de profit. La Marque Employeur se trouve être le plus souvent l’affaire des RH, même si entre nous, la plupart ne comprennent pas son utilité (et parfois ne la comprenne pas tout court). Ainsi, c’est dans le budget des RH que le challenge est de trouver un minimum d’argent afin de mettre en lumière la Marque Employeur. Autant vous dire, que nous n’aurons pas le même budget que les Départements Marketing peuvent avoir. Néanmoins, il s’agit de comprendre que la stratégie d’attraction des talents est la même (ou presque) que celle utilisée dans le cadre de l’attraction des consommateurs. Un beau challenge !
Pourtant, et ce malgré cette belle opportunité de se différencier de la masse d’entreprises, toutes les Marques Employeur sont plus ou moins les mêmes. Des structures similaires pour les sites carrières, des témoignages « lissés » des collaborateurs, des promesses d’employabilité sans fin… J’aurais juste envie de dire : mais encore ? Quand j’étais au sein de l’agence TMP Worldwide et que nous devions (re)définir les piliers de certaines Marques Employeurs, chaque entreprise pensait réellement avoir un discours différent. Mais comme je le dis si bien, elles le « pensaient », car toutes autant qu’elles étaient, elles n’offraient rien de franchement différenciant. C’est en partie pour cela au passage, qu’il peut être nécessaire de mener des audits internes afin d’avoir une vision plus variée que celle énoncée par le Département des Ressources Humaines ou des dirigeants.
Les candidats, ces personnes si naïves… ou pas !
Les Marketers dépensent chaque année des milliers d’euro afin de comprendre et de définir leur audience, ainsi que ses besoins et désirs. En matière de Marque Employeur, on est plus dans la dynamique que l’ensemble des chercheurs d’emploi veulent la même chose afin de créer un effet attractif de masse. Une approche quantitative et peu qualitative pour des entreprises qui recherchent des talents. Encore une fois, le terme de « talent » ici, fait référence aux individus ayant des compétences (comportementales et techniques) matchant avec les besoins de l’entreprise X. Un appel de masse fait plus de bruit qu’autre chose, et ne vous permettra pas forcément d’attirer les candidats à haut potentiel dont votre entreprise a besoin.
Comme la publicité abusive à l’égard des consommateurs, les candidats déclarent de plus en plus subir les mêmes effets néfastes de la part des entreprises. Une surcharge d’information, accompagnée souvent de messages de promesses employeurs trop similaires à leur goût. En conclusion, nous repartons sur une base de scepticisme, de manque de confiance envers les entreprises (notre chère maladie du 21ème siècle comme j’aime à l’appeler). Imaginez que seulement 31% des candidats se disent confiants, dans le cadre où ils quitteraient leur travail pour un autre ? (étude CEB)
Tous « accro » aux entreprises reconnues comme employeur de choix ? Contrairement à ce qu’on peut penser, les entreprises tiennent réellement compte de l’importance de la Marque Employeur. 78% d’entre elles persévèrent pour mener à bien leur stratégie de marque à travers l’utilisation de la sphère digitale, des relations presse, d’actions innovantes, etc. L’objectif : faire rayonner leur Marque Employeur afin qu’elle puisse rentrer dans la norme des « Employer of choice ». Belle démarche, mais est-ce que l’ensemble des candidats désire vraiment travailler dans ce genre d’entreprise ? Il y a quelques mois de cela, c’est un débat (toujours ouvert) que j’ai eu le plaisir d’avoir avec …. de la Société Générale. Ce qui nous amène à nous demander la réelle utilité des labels qui flambent sur le marché. Pour répondre à cette dernière question, à savoir si les candidats veulent tous travailler au sein d’entreprises reconnues comme « Employeur de choix », la réponse comme vous l’aurez deviné est : NON !
Je vous propose d’appréhender diverses idées ci-dessous, pouvant vous aider à « briller » parmi ces milliers d’entreprises (attention, la liste n’est pas exhaustive) – inspirées de l’étude Moving from Appeal to Influence réalisée par CEB :
Menez un audit interne : Ne présumez pas que vous pouvez définir à 200% votre culture d’entreprise ainsi que vos employés, si vous n’avez jamais effectué d’audit en interne. Une combinaison de données quantitatives et qualitatives qui je le recommande, devrait être effectuée par un tiers, vous permettra d’obtenir un maximum de transparence sur qui est réellement votre entreprise – au travers du témoignage de vos collaborateurs.
Optez pour l’honnêteté et la transparence : comme nous l’avons vu auparavant, la confiance n’est pas au goût du jour de la Société – que ce soit les candidats envers les employeurs potentiels, et vice et versa. En tant qu’employeur, votre promesse ne doit pas être fondée sur un monde des bisounours imaginaire. « Vendre du rêve » alors que la réalité est autre, est une démarche que beaucoup d’entreprises ont adoptée. Cependant les candidats ne sont pas dupes et se rendent vite compte de la vérité – ce qui peut engendrer de sacrés effets néfastes à l’égard de votre marque. Encore une fois, les candidats ne sont pas des idiots, ils connaissent (plus ou moins) la dureté du marché et savent que grande entreprise ou non, rien ne peut s’avérer comme stable étant donné de la crise. Optez pour l’honnêteté et optimisez votre image de marque, mais n’essayez pas de la rendre des plus parfaites – « La perfection n’existe pas dans ce bas monde ». Pour cela, les témoignages de vos collaborateurs sont primordiaux dans le sens où il va y avoir une certaine reconnaissance de la part de la cible, qui ne se fera pas si vous donnez la parole à un DRH par exemple. Deuxièmement, entre vous et moi, nous savons très bien que les discours donnés sont encadrés, mais rien ne vous empêchent de demander à vos acteurs d’expliquer la dureté de leur métier, rien ne vous empêche d’être franc par rapport à un échec, etc. La réalité et l’honnêteté peuvent faire baisser votre volume d’embauches, mais cela va vous permettre d’attirer des candidats qui sont en accords avec votre entreprise et ses valeurs – malgré ses « défauts ». Aller jeter un oeil à votre site carrières, y-at-il un tant soit peu de révélations franches ou honnêtes ? Probablement pas.
Donnez-leurs le « choix » de vous rejoindre : cette démarche est un excellent moyen d’attirer de manière spontanée un candidat. En effet, plus vous leur donnerez l’impression que ce sont eux qui décident, plus ils seront aptes à répondre en toute transparence à vos demandes. Vous devez également leur donner la possibilité de comprendre si l’entreprise, ainsi que sa culture et ses valeurs correspondent à leur profil. Beaucoup de candidats me demandent mon avis sur certaines entreprises, mais au final je leur recommande de googler l’entreprise (sur le site carrières, « tout est beau, tout est rose » pas beaucoup de subjectivité…), de prendre contact avec un ou des collaborateurs, afin de se faire une idée de l’atmosphère de travail, de l’ambiance, etc. Ainsi, certaines entreprises telles que Goldman Sachs proposent aux candidats un quizz leur permettant d’évaluer leur degré de matching avec l’entreprise, ainsi que ses opportunités.
Testez votre Marque Employeur : la mise en place d’une stratégie de Marque Employeur demande un certain investissement, en partie d’ordre chronologique. En effet, nous ne sommes pas sur du « one shot », cette stratégie doit être inscrite dans la durée et avoir du sens pour sa cible. C’est pour cela qu’il est impératif de faire tester son contenu (entre autres) auprès d’un échantillon de votre audience-cible, et également en interne pour un maximum de cohérence. Comme en marketing, où il est question de tester le produit afin de voir si celui répond aux besoins du consommateur, et ainsi de réaliser de possibles ajustements avant lancement – afin d’éviter une chute des ventes non contrôlée.
Conclusion | Encore un titre d’article un peu provoquant je l’avoue, mais n’est-ce pas un peu vrai ? Nous avons tendance encore une fois à négliger cette cible-candidat, contrairement à une cible-consommateur, comme nous avons pu le souligner. Il est très facile de rester derrière son ordinateur, de porter des « jugements » parfois des plus hâtifs concernant les candidats, de débattre du choix de l’image de la prochaine campagne… Mais la relation avec les candidats doit se faire en amont de tout cela. Il est nécessaire de travailler en proximité avec ces derniers afin de les connaître, de les comprendre, et d’instaurer une relation basée sur l’honnêteté et un minimum de transparence.
Auteur : Anne Pestel
Source : Image (« Lapins crétins »)