"Chef, j'ai trouvé un talent digital !" © Arnij on Wikimedia Commons
"Comme dit ma femme, si on veut laisser durablement une empreinte professionnelle, on se doigt d'être digital"
Colombo 2.0
Il faut bien l'admettre (voire s'y résoudre), tout est désormais digital dans notre monde connecté. Le business est digital, le média est digital, le marketing est digital et même la RH est digitale. Ce n’est pas rien. Mais quelle est donc cette compétence que même les américains nous envient ? Et finalement, est-ce réellement une compétence ou un don du ciel ? (Ndlr : Bien que la French Tech assure la promotion du numérique, ce qui est chic, l’auteur adoptera le terme digital, c'est plus social - Pour trancher le challenge "Numérique" Vs "Digital" sur la base d'arguments moins partisans, c'est sur le Blog du Modérateur, ici ! )
Si une compétence professionnelle ressemble à un savant mélange de savoirs (théorie), de savoir-faire (pratique) et de savoir-être (relationnel, comportement…), la compétence digitale, révolution oblige, divise le monde professionnel en 3 catégories : Numérique Toi-Même, Digital Natives et Reste du Monde
Numérique toi-même
Le numérique toi-même (parfois appelé truffe digitale) est identifié rapidement par son téléphone portable. Si son employeur lui a fourni un BlackBerry (c’est le téléphone des pros et puis c’est bien pour les mails ; mais les mails imprimés, c’est quand même mieux…), le numérique toi-mêmes’accroche à son Nokia 8210. Non pas pour son côté terriblement vintage qui fait la joie des collectionneurs. Mais pour sa batterie qui dure plus longtemps qu’un lapin gavé à la Duracell et qui n’oblige pas à se balader en permanence avec un chargeur, un chargeur de secours et un back-up au cas où les 2 précédents seraient à plat, voire à se battre pour accéder à l’unique prise de la voiture de seconde d’un TGV vieillissant (située dans les toilettes pour ceux que ça intéresse…). Et puis un téléphone, c’est fait pour téléphoner. Quant au web, aux apps, aux IM, DM et autres joyeusetés connectées, c’est un monde auquel le numérique toi-mêmereste parfaitement hermétique mais lucide, honnête (qualité rare !) voire résigné : « j’y comprends rien à toutes ces technos ! Mais va quand même falloir que je m’y mette, sinon… ». Sinon quoi ? Sinon ne resteront que des compétences, ce qui n’est déjà pas si mal.
Digital Natives
Le digital native (parfois appelé Le Jeune en sociologie de café voire le Y, le Z ou le C en sociologie du café d’à côté) bénéficie, à l’égal de la présomption d’innocence, d’une présomption de compétence innée. Dès sa puberté, le digital native a forcément acquis savoir, savoir-faire et savoir être digitaux. Savoir ? Théoriquement oui, avec le nouveau socle commun de connaissances et de compétences professionnelles, socle grâce auquel le Jeune aura (théoriquement encore) appris à utiliser les techniques usuelles de l’information et de la communication numérique. Les esprits chagrins noteront que le Jeune aura également (théoriquement toujours) appris à communiquer en Français, orthographe et grammaire étant des options désormais non obligatoires…
Pratique ? Assurément oui. Il suffit de suivre le regard des plus jeunes pour s'en convaincre.
Autant la génération précédente avait subi la répression parentale des "Lâche ce téléphone ! Lâche cette télé ! voire Lâche cet ordi !", autant les Jeunes semblent encouragés dans leurs pratiques dès le plus jeune âge sous l'œil bienveillant et béat de leur entourage : "Regarde, regarde, à 3 ans, il a déjà compris comment télécharger des applis (et faire que mon compte soit débité tous les mois…), c’est fou, non ? ".
Pratique professionnelle ? Pas besoin, la présomption suffira :-(
Quant au savoir-être et au comportement, à défaut de tutoyer les étoiles, on tutoiera les clients et les grincheux avec humour et on rebondira avec opportunisme sur l’actualité et ça devrait passer… enfin, dans la plupart des cas, ça devrait passer…
Alors les digital natives, uniques détenteurs de la compétence digitale tant recherchée ? Pas si sûr… Pas sûr du tout, même.
Et le reste du monde
Reste donc une troisième et dernière catégorie. Il existe même une terminologie pour la qualifier : les digital migrants (ou immigrants numériques). Cette catégorie n’est pas résignée et s’est adaptée avec un succès certain au digital qu’elle a vu naître. Elle ne l’a d’ailleurs pas seulement vu naître ; elle l’a aussi conçu, créé et le dirige encore. Quelques "digital champions" (comme on dit maintenant) ne sont pas (ou plus) des moins de 25 ans, ni même des trentenaires à l’image d’un Bill Gates (1955) ou d’un Steve Jobs (1955-2011 Rip - dont la petite entreprise survit plutôt pas mal à sa disparition…), d’un Jeff Bezos (1964), d’un Reid Hoffman (1967), d’un Larry Page (1973), d’une Marissa Mayer (1975) ou d’un Jack Dorsey (1976). Dans la bande, Mark (1984 - les digital natives s’appellent par leur prénom), du haut de sa trentaine, fait figure de petit jeune !
Tout ça pour dire que la compétence digitale, ne semble pas, a priori, une affaire de génération ou d’âge. J’en viens même à me demander si le digital est une compétence. A-t-on demandé à un photographe s’il avait des compétences digitales lorsque la photo a migré de l’argentique vers le numérique ? (euh… on aurait peut-être dû poser la question au Codir de Kodak). Et à un musicien lorsque le vinyle a cédé la place au Mp3 ? (bien que le vinyle soit furieusement tendance. Au moins autant que les Nokia 8210). On en revient sempiternellement au même vieux débat : utiliser un outil, un canal ou un écosystème suffit-il à le comprendre ou à le décrypter ?
Bon. Admettons que le digital soit une compétence. Et bien c’est une compétence qui semble nécessaire mais non suffisante si elle n’est pas immédiatement associée à un métier ou à une autre compétence comme le digital marketing, le digital retail, le digital finance et même le digital RH. En fait, ça marche avec tous les métiers. Il suffit de rajouter digital. Mais c’est une autre histoire (digitale) sur laquelle je reviendrais bientôt…