Puisqu'il faut un début à tout, autant commencer cette rubrique depuis le temps qu'elle est là et reste désespérément vide. Je vais juste faire un bref résumé de ma situation histoire que vous puissiez mieux comprendre vu que je n'ai pas encore tout écrit dans la rubrique concernant mon témoignage. Veuillez m'excuser, je reste volontairement vague car, comme dit plus d'une fois, nous souhaitons rester anonymes pour éviter au maximum les ennuis.
Après un long arrêt maladie, j'ai repris le travail à mi-temps la rentrée 2015 en tant que PES prolongée. J'ai été inspectée rapidement et c'est avec beaucoup de difficultés que j'ai finalement fini par obtenir ma titularisation à la fin de l'année 2015. Je vous raconterai les conditions de ma reprise et mon ressenti dans le détails plus tard. Je travaille actuellement en maternelle (je ne préciserai pas le niveau) et partage donc la classe avec une autre collègue. Voilà pour ce qui est des informations utiles, si quelque chose vous parait flou vous pouvez toujours laisser un commentaire pour avoir des précision.
Lundi 30 mars 2015
Cela fait depuis quelques semaines que je ne me sens pas très bien physiquement et donc moralement. Depuis deux mois j'ai tendance à attraper toutes les maladies qui passent dans la classe et, si vous voulez, cela fait un peu boule de neige en emportant le moral avec.
Tout le monde pense que je me suis améliorée, que mon état n'a plus rien à voir avec celui de l'année dernière où j'étais vraiment devenue une grosse loque dépressive inutile. Pas faux. Il est vrai que je me suis largement améliorée d'un point de vue professionnel, je galère moins sur les préparations, sur la gestion de la classe, je suis plus "professionnelle" et grâce à mon auto-lobotomisation j'arrive presque à me convaincre "que ce n'est qu'un métier, que ce n'est pas grave si je me plante pour une journée, que je ne vais pas foutre en l'air l'avenir de mes élèves si je me plante par moment".
La réconciliation avec le métier n'a pas été simple. Il y a un an rien que de passer près d'une école suffisait à me déclencher une crise d'angoisse. Aujourd'hui j'arrive à tenir en classe et j'y prends même du plaisir mais ce n'est pas évident et que ça me demande énormément d'énergie. Par contre je ressens toujours autant de... haine? Le mot est un peu fort... Je me sens mal vis-à-vis de la hiérarchie, de l'administration et des formateurs (attention il y en a de très bons, je ne mets pas tout le monde dans le même sac). J'ai beaucoup de mal à passer au-dessus de ce qui a pu se passer depuis que je suis rentrée dans le métier, je me sens traumatisée et j'éprouve beaucoup de dégoût quand je lis le témoignage de certains stagiaires (et même titulaires) qui sont/ont été broyés par le système.
Côté personnel, c'est beaucoup mieux aussi, j'ai appris (ou du moins j'ai fait des efforts/je m'impose...) à avoir des dérivatifs, à couper avec le travail, me faire plaisir... Idem, cela n'a pas été tâche facile, car après avoir perdu foi en le travail il ne me restait plus grand chose.
Cependant, les choses se sont compliquées depuis que je ressens cette fatigue physique, morale et donc nerveuse. Je commence de retour à ressentir cette peur. Cette peur que le mal qui me poursuit depuis deux ans reprenne le dessus. Je n'ai pas été arrêtée pour des "raisons de moral" depuis que j'ai repris, c'est déjà une victoire. Par contre plus le temps passe plus j'ai du mal à me remettre dans la préparation de mes cours. Je travaille 2 à 3 jours par semaine et depuis quelques temps j'ai l'impression de passer le reste de la semaine à me remettre physiquement de ces jours de travail et à mettre le nez dans la préparation de mes cours. Je commence à me sentir démotivée, épuisée, ne plus avoir goût ni envie de rien, et je recommence à me sentir envahie par ces idées noires (que j'appelle idées d'auto-agression, je n'irais pas jusqu'à parler d'envie de mourir, juste du désir de couper avec cette angoisse et ce mal-être).
La semaine dernière en classe s'est bien passée, malgré un moral qui était au plus bas pour de diverses raisons. Le fait d'avoir très peu d'élèves mercredi m'a même permis de pouvoir prendre du temps pour chacun et même de m'amuser avec eux. Ce fut très appréciable!
Je me suis pourtant sentie une fois de plus en difficulté le reste de la semaine. Sentiment de culpabilité par rapport à l'angoisse que j'ai pu faire subir à mes proches la semaine passée, sentiment de culpabilité et d'angoisse tout court, fatigue et encore ces idées noires auxquelles il est très difficile de résister. Je ne comprends pas pourquoi je me mets dans un état pareil puisque "ça va mieux" au boulot et que, en dehors de mes conneries, je n'ai pas eu de drame personnel. Est-ce le burn out, la dépression qui s'amuse à faire le yoyo? Est-ce le fait d'avoir été malade quasi non stop pendant près de deux mois? Est-ce tout simplement la fatigue qui me fragilise? Je n'en sais rien.
Je me pose beaucoup de questions, et, ayant appris à reconnaitre (je pense) les signes du "ça dégringole", je tire la sonnette d'alarme :
- Fatigue
- Nervosité
- Culpabilité
- Angoisse
- Sentiment de plaisir presque absent
- Beaucoup, beaucoup trop de questions...
- Sans oublier ces foutues idées noires auxquelles je voudrais céder à chaque fois en espérant évacuer un peu d'angoisse
Vous l'aurez compris, c'est pas la joie. Mais pourquoi? POURQUOI? Je me demande parfois si je ne suis pas en train de devenir tout simplement folle.
Je décidé vendredi de prendre RDV avec mon médecin en espérant avoir un avis plus objectif que celui de mes proches, pouvoir vider mon sac, obtenir de l'aide, et, qui sait, avoir réponse à certaines de mes questions. Je le vois lundi soir après le travail.
J'ai eu du mal à me mettre au boulot pour préparer cette semaine. Je ne m'y suis mise que dimanche après-midi. Une fois lancée dedans ce n'était pas si difficile que ça... Seulement après avoir terminé mes prép' au bout de 2h30, je me sens très nerveuse. Rien à faire je ne la sens pas cette semaine, je me sens mal... Encore un cadeau de mon manque de confiance en moi sûrement. Le week-end a été dégueulasse, je n'ai pas vraiment pu me changer les idées, nous allons tous être fatigués avec le changement d'heure... Je me dis que les enfants risquent d'être surexcités.
Je commence officiellement à 8h50 mais j'arrive à l'école à 8h en démarrant sur les chapeaux de roue. J'ai 15 tonnes de photocopies à faire, le matériel à préparer, les tableaux d'ateliers à mettre en place, faire du découpage pour aider mon ATSEM puisque je n'avais pas le matériel pour le faire chez moi (eh oui c'est qu'il fallait des feuilles colorées, que je n'en avais pas et que je commence à en avoir marre d'utiliser mon argent perso pour les fournitures).
Les élèves arrivent. Comme je m'en doutais ils sont fatigués... et fatigue chez un enfant de 2 à 6 ans = surexcitation.
J'ai beaucoup de mal à me faire entendre, j'ai l'impression de devoir lutter et franchement... aujourd'hui je n'en ai pas, mais vraiment pas envie. Malgré tout cela reste une journée normale de prof de maternelle quand les élèves sont énervés.... mais c'est très fatigant.
Le midi je décidé de m'isoler dans ma voiture pour manger et faire le vide, j'ai vraiment besoin de couper avec l'environnement de l'école pour pouvoir reprendre dans de bonnes conditions l'après-midi.
La journée est passée très vite, comme d'habitude. Ca a été difficile car fatigant, j'ai l'impression d'avoir passé mon temps à courir, mais le "contrat" est rempli, j'ai réussi à faire tout ce que j'avais prévu et les élèves semblent l'avoir plutôt bien intégré.
Je rentre chez moi sur les rotules, le moral toujours fragile. Juste le temps de poser mes fesses 5 minutes et il faut déjà repartir pour aller voir le médecin.
Ca m'angoisse un peu. Encore une fois je me retrouve chez lui pour parler de mes états d'âme, je ne sais même pas par où commencer, j'ai peur de ce qu'il va pouvoir me dire, comment il va réagir à certains de mes propos... L'attente me semble longue, je suis tellement épuisée que je somnole dans la salle d'attente. Vient enfin mon tour... C'est parti.
Je ne rentrerai pas dans le détail de la consultation. J'ai dit en gros ce que j'ai expliqué ci-dessus (en plus détaillé... mais comprenez que je n'ai pas envie de trop m'exposer sur internet, je pense même que certains de mes proches risquent de me dire que j'en raconte déjà trop!). Et là, c'est le coup de massue. Le médecin se dit inquiet pour moi et plus ou moins impuissant à son niveau. Trois solutions : hospitalisation (qu'il estime inefficace), me gaver de médicaments (ce qui ne le tente pas car j'ai déjà un traitement qui est apparemment lourd... Il me propose de tester un autre type de médicament, horreur! Pas ceux-là! Je refuse, j'ai déjà pris 15 kilos depuis que j'ai commencé à prendre des antidépresseurs et je le vis très mal)... Ou alors, trouver un psychiatre en urgence. Encore un psy. J'ai eu une très mauvaise expérience avec l'un d'eux, je dirais même qu'il m'a traumatisée et rendue allergique à tout ce qui peut toucher la psychiatrie. Le médecin m'explique que cela fait deux ans qu'il me connait et que j'ai toujours ces soucis liés au boulot, que ce boulot devient dangereux pour moi et que je semble n'éprouver aucun plaisir à le faire., que je ne lui ai jamais dit que je me sentais heureuse dans ce que je faisais.. Qu'il faudrait peut-être songer à faire le deuil de cette vie et m'engager dans une autre voie. Ca parait facile dit comme ça, comme si je n'avais pas déjà essayé! Mais en dehors de prof je ne me vois pas faire autre chose, c'est pas possible, pas après tous les sacrifices que j'ai pu faire, je n'ai pas fait tout ce chemin pour rien, je ne vais pas encore repartir dans l'enfer de l'année dernière... non par pitié!
C'est anéantie que je ressors de la consultation. Je ne peux plus m'arrêter de pleurer. Je ne vois plus le bout. Je panique. Je suis perdue. Je ne sais plus quoi faire. Les idées noires remontent... Je n'ai plus envie d'y résister, me voilà en train de faire mes conneries "en cachette" (que je ne détaillerai pas). Je rentre et je finis en larmes dans les bras de mon copain. Ca y est, je sens que ça monte, je suis très mal, je pleure, j'ai du mal à parler, je ne tiens plus debout, j'ai la nausée mais je suis consciente malgré tout... Je n'en peux plus de cet enfer. J'ai passé la soirée à récupérer de mes conneries, je me réveille à 23h en espérant que ce n'était qu'un cauchemar, mais non c'est bien la réalité. Je me recouche à minuit pour me réveiller à 3h30, les yeux en feu, et me voilà en train de vous raconter ma journée. Il est bientôt 7h, il va falloir que j'aille me préparer pour aller au travail... Je n'ai aucune idée de comment va se passer cette journée, à la rigueur j'en ai presque plus rien à cirer... j'espère juste avoir le moins de stress possible et être capable d'y résister, rester professionnelle...
Je me sens brisée. Je me sens vide, comme un robot qui s'apprête à aller faire son devoir, mais au fond je n'ai qu'une envie, disparaitre (non pas mourir) pour fuir tout ça. Je n'ai envie de rien. Je suis le genre de fille "coquette", je sors rarement sans m'être bien préparée... Eh bien aujourd'hui je n'ai pas envie de le faire, je ferai le minimum syndical et c'est comme un sac vide que je me trainerai jusqu'à ma classe. J'aurais bien continué mais il est déjà temps de se quitter, il ne faudrait pas que je sois en retard au travail...
Kity K.