Round 2 : La lutte contre le burn out

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Source photo : Charlotte Kaeufling - Behind the mist , 2015 (plus de photo >>ici<<)

Dis-moi, qu'est-ce que c'est un "burn out"?

J'avais déjà vaguement entendu parler du burn-out, mais je n'avais pas l'impression que cela me concernait. Les victimes de burn out disent généralement que tout a lâché d'un coup un matin, elles ne pouvaient plus aller au travail, n'étaient plus capables d'y aller.Pour ma part, j'avais quand même réussi à m'y rendre et à faire cours l'après-midi comme me l'avait demander la CPC.
C'était peut-être plutôt une période d'intense fatigue mélangée au stress, non? Ou peut-être que je n'étais vraiment pas faite pour ce métier et, dans ce cas, il est tout à fait naturel de péter un plomb!
Les deux ou trois premières semaines de mon arrêt je ne pensais qu'à démissionner. Impossible de retourner faire ce boulot. Impossible de retourner dans cette classe. Marre de faire autant de route. Marre de passer mon temps à travailler. Non je ne suis plus capable d'en faire autant, je ne veux plus en faire autant. Tout ce qui pouvait se rapporter au travail m'angoissait au point d'avoir fini par tout mettre dans un placard pour ne plus avoir les affaires de la classe sous les yeux.
Tout le monde me disait d'attendre, de me reposer et de me ressaisir, on ne doit pas démissionner sur un coup de tete, il faut que ce soit réfléchi! On me disait aussi que si je démissionnais je ne pourrais pas retrouver d'emploi dans la fonction publique et qu'il serait très dur d'avoir un autre emploi car, comme je l'ai déjà dit, allez expliquer à un employeur pourquoi vous ne voulez plus exercer le plus beau métier du monde.
J'ai été convoquée par la responsable de formation et ma tutrice pour faire le point sur ma situation. Je leur ai fait part de mes difficultés, elles semblaient assez à l'écoute. La responsable décide de me changer de poste. Il était convenu que je reprenne dans une classe de PS-MS à la rentrée pour deux semaines et de me mettre ensuite sur des postes moins éloignés de chez moi. Je repars rassurée, j'allais peut-être pouvoir recommencer sur de nouvelles bases.

Nous reprenons, comme après chaque vacances, avec une semaine de formation. Rien à dire de particulier sur cette formation, si ce n'est que l'on peut noter un changement parmi les stagiaires. Soit certains commencent à se sentir plus efficaces, soit certains se sentent de plus en plus désarmés. Je me souviens avoir vu un PES parler de sa démission à la responsable. Je ne pouvais pas m'empêcher de penser qu'il avait de la chance, que le cauchemar allait s'arrêter pour lui, qu'il était courageux de prendre cette décision et que j'aimerais être capable d'en faire autant. J'avais envie de l'attendre pour lui demander ce qu'il comptait faire après avoir donné sa démission, mais je n'ai pas osé. Il fallait que je me sorte cette idée de la tête. Mon envie de démissionner a fait l'effet d'une bombe dans la famille, il était inconcevable que je fasse autre chose! Je ne me sentais pas prise au sérieux, j'ai toujours été "la petite fille modèle", celle qui doute toujours mais qui réussit quand même... Alors évidemment, pourquoi ce serait différent cette fois-ci? On me disait que c'était passager, que c'était pareil pour tout le monde, que ça irait mieux après, qu'il ne fallait pas abandonner... Je m'aprêtais donc à retourner au travail sans grande conviction, juste parce "qu'il le fallait", mais au fond je ne voulais qu'une seule chose : m'enfuir.

Tentative n°1 : l'espoir renait ?


C'est la rentrée. Je n'ai jamais fait de maternelle, j'ai tout à découvrir, mais finalement ça me plait. Même s'il y a du stress et de la fatigue, cela se passe plutôt bien. J'avais moins de mal à gérer le travail de préparation car un des avantages de la maternelle c'est de pouvoir faire tourner les ateliers sur plusieurs jours. Je n'avais plus à travailler jusqu'à minuit (et je n'en étais de toute manière plus capable), je rentrais du travail à 17h30 et pour 20h ma journée du lendemain était bouclée. Je ne savais pas si ce que je faisais tenait la route, pas de visite de formateur de prévue, mais au fond je m'en fichais tant que j'arrivais à tenir les élèves et leur apprendre au moins quelques petites choses. J'ai senti un énorme fossé, plutôt agréable mais déstabilisant, entre mon CM1 et les PS-MS... J'avais l'impression de ne rien faire si ce n'est proposer des jeux avec une petite consigne. En revanche, il fallait avoir davantage l'oeil partout et sortir plus souvent la casquette du gendarme. Je me suis vite attachée aux élèves et à l'équipe qui était très bienveillante (je ne leur avais par contre pas parlé de mes soucis...). Ces deux semaines sont passées très vite, je regrettais d'avoir à m'en aller, c'est les larmes aux yeux que j'ai quitté cette école.

Tentative n°2 : le coup de massue

Je pensais être relancée, j'avais tort. Je reçois ma nouvelle affectation moins d'une semaine avant la fin de mon remplacement : CP/CE1 pendant 3 semaines. Horreur! Un double niveau alors que je n'en ai jamais fait et en plus je suis de retour en élémentaire. En joignant l'école j'apprends en plus que l'inspection a fait une erreur car il s'agit en fait d'un CE1/CE2. A choisir je ne sais pas ce qui est le pire, je ne veux aucun de ces doubles niveaux de toute manière. Pour couronner le tout ma tutrice doit venir me voir dès la première semaine. Un ennui n'arrive jamais seul c'est bien ça qu'on dit? 
Je me souviens que mon remplacement commençait le lendemain du week-end de Pâques, soit un week-end de 3 jours. Impossible de me mettre au travail avant le lundi, j'étais littéralement rongée par le stress, je passais mon temps à pleurer, angoisser, me rendre malade. J'avais l'impression que mon cerveau ne fonctionnait plus. Le black out. Comme si j'avais tout oublié, comme si je ne savais plus rien, impossible de me concentrer. J'essayais de me rassurer en me disant que ça se passerait peut-être bien, que c'était normal de galérer, d'avoir des appréhensions quand on devait se lancer dans l'inconnu, que ça allait peut-être me plaire... Mais non rien à faire. J'ai passé tout mon lundi à préparer ma journée du lendemain, en pleine crise d'angoisse... Je n'étais pas du tout efficace, tout me semblait compliqué. Il fallait quand même que j'y aille, je devais au moins essayer.
C'est la boule au ventre que j'arrive dans cette nouvelle école, cette nouvelle classe. Le double niveau me semble très dur à gérer, j'ai l'impression de courir partout, de devoir me couper en deux. Le maître que je remplaçais ne fonctionnait pas comme on nous l'avait appris à l'IUFM et avait été très vague sur sa manière de gérer la classe. Le résultat était que j'appliquais un fonctionnement auquel les élèves n'étaient pas du tout habitués, je m'arrachais les cheveux à essayer de leur expliquer  cette gestion de classe qui ne me paraissait pourtant pas si compliquée... un cauchemar.
Je me demandais comment il était possible de travailler dans de telles conditions, comment peut-on réussir à apprendre quelque chose aux élèves en jonglant entre deux niveaux et en leur faisant avaler les consignes et les savoirs à coup de lance pierre!
La cerise sur le gâteau? Je ne vous apprends rien si je vous dis que le premier jour de classe est un des jours les plus importants. C'est LE jour où vous devez faire vos preuves, LE jour où les élèves vont vous tester et où il faut montrer que c'est bien vous qui tenez les rênes. J'étais plutôt mal partie avec mon organisation catastrophique et mes cours hasardeux...
J'ai baissé les bras, oui, ça me saoulait. J'en avais marre de devoir m'interrompre toutes les 30 secondes parce que X ou Y avait décidé de faire la foire, marre de devoir lutter pour réussir à faire rentrer quelque chose dans leur crâne, marre de devoir me battre, cette situation était tout simplement insupportable. Je me retournais vers le tableau pour éviter de montrer aux élèves que les larmes étaient en train de monter, je commençais à ne plus du tout être professionnelle... Je suis rentrée chez moi le midi, histoire de pouvoir pleurer seule dans mon coin et d'essayer de me calmer... Tout cela me semblait insurmontable. J'ai appelé ma responsable pour lui faire part de mon mal-être, elle me conseille de me mettre en arrêt si je juge que c'est vraiment trop dur. Je ne savais pas quoi faire... Encore un arrêt? Encore un échec? Je décide d'y retourner l'après-midi et d'attendre la fin de la journée pour prendre ma décision.
La première partie de l'après-midi était plus calme car je n'avais qu'un niveau, cependant tout me saoulait. Je ne supportais vraiment plus les élèves. L'apothéose fut la fin de la journée avec un passage à la BCD. Encore une fois une horreur. Des élèves énervés, irrespectueux, insupportables, sourds, en train de foutre le bordel partout... Trop c'est trop. J'ai décidé de tout lâcher, nous sommes retournés en classe et ça s'est terminé par 1h de dessin/lecture au choix... 1h très longue...
Le plus "drôle" dans tout ça c'est que le maître que je remplaçais était passé me voir à la fin de la journée et ne comprenait pas mon désarroi : "J'ai croisé les élèves, ils m'ont pourtant dit qu'ils te trouvaient gentille!"..."Gentille", le mot est dit... il fut un temps où j'aurais été contente que les élèves me trouvent gentille, mais dans ce cas "gentille" voulait tout simplement dire qu'on avait presque rien foutu de la journée et que j'avais laissé passer beaucoup de choses car j'en avais tout simplement marre.
Vous allez me dire : et l'équipe? Elle ne pouvait pas aider? Eh bien en fait, à part une enseignante qui m'avait parlé 10 minutes le matin, aucun contact avec les autres. J'ai tenté d'aller vers eux, mais je me sentais à part, invisible et honteuse.
Pas de surprise en vous disant que j'ai atterri chez le médecin le lendemain. Arrêt jusqu'aux vacances suivantes. Record : craquage dès le premier jour, bravo, je suis d'une nullité extrême.


Retour à la case départ, que faire? Continuer? Arrêter? Me foutre en l'air?

Cet arrêt était encore pire que le premier. Je devais assumer un nouvel échec devant mon entourage, je me sentais incomprise, seule, perdue... L'école ne me quittait jamais, je cogitais en permanence, je n'arrêtais pas de pleurer, n'avais plus aucune motivation, plus aucun goût à rien, je ne dormais plus ou pas quand il fallait (dormir le jour, vivre la nuit). J'essayais de me lobotomiser en passant des films, séries, documentaires en boucle histoire d'avoir l'esprit occupé par autre chose mais c'était trop dur...
Retour chez le médecin. Du burn out je passe à la dépression. En avant pour la ronde des antidépresseurs, anxiolytiques et effets secondaires. J'ai finalement décidé d'aller voir un psy... Il fallait que j'arrive à obtenir un RDV dans le mois, avant le jour où je devais retourner en classe... autant dire que dans la ville où je suis c'était le parcours du combattant, pas de RDV avant 2-3 mois au plus tôt dans la plupart des cas. J'ai tout de même fini par en trouver un qui pouvait me voir deux jours avant la reprise. 
J'espérais beaucoup de ce RDV. J'espérais trouver quelqu'un qui puisse me comprendre, m'expliquer les choses objectivement, me conseiller... Mon entourage avait beau essayer de gérer les choses, j'avais l'impression qu'il faisait tout de travers, qu'il ne me comprenait pas, qu'il ne me prenait pas au sérieux. S'ils me lisent ils me trouveront probablement gonflée de dire ça... Je ne dis pas qu'ils n'ont pas été là, mais comment se sentir bien quand on est perdu et qu'on entend des "Je ne sais plus quoi faire", "Il y a plus malheureux que toi", "Si tu n'arrives pas à être prof tu n'arriveras nulle part", "Tu as de la chance d'avoir un métier comme ça", "Tu n'es plus une ado, c'est pas j'aime pas alors j'arrête, ça ne marche pas comme ça"... et de les voir s'obstiner à dire que je peux continuer, que je dois continuer, que de toute manière j'ai toujours douté de tout dans ma vie mais que j'ai toujours atteint les objectifs... En plus d'être nulle à ch*** dans mon boulot je commençais à me mettre en conflit avec tout mon entourage. Tout semble m'échapper, tout devient flou... Oui c'est ça, un ennui n'arrive jamais seul...

Kity K.