Avant, lorsqu'on avait un avis, on était gentiment prié de le garder. Mais ça... vous connaissez la suite. Aujourd'hui, un avis, c'est important, essentiel et cela peut même avoir de la valeur (plus pour celui qui le recueille que pour celui qui le donne). A tel point qu'il est parfois nécessaire d'avoir un avis sur tout (ou surtout un avis comme aurait dit Coluche). Et loin de le garder pour soi, on peut désormais le partager. Et largement, non seulement avec ses amis mais avec le monde entier. Sacrée tribune !

Alors qu'on se contrefiche de l'avis de son voisin de palier sur la météo, le manque de places de parking, les crottes de chien sur les trottoirs ou la politique, nous voilà passant des heures à compulser l'avis éclairé de pipounet7543 (comme quoi ce pseudo est prisé) et à aimer çà : tourisme bien sûr mais aussi location d'appartements, recette de cuisine, gadgets technos, crèches. .. Tout y passe, y compris l'emploi, l'entreprise et les Ressources Humaines qui n'échappent pas à cette mode addiction manie tendance.

Ça a commencé, et c'est légitime me semble-t-il, par les recruteurs. Ils avaient des avis sur les candidats qui se résumaient souvent en trois mots : positif, vivier (c'était une façon élégante de ne pas avoir d'avis) ou négatif. Dans de nombreux cas, il était d'ailleurs préférable que le détail de cet avis reste confidentiel sous peine de se voir taxé de jeunisme, d'élitisme ou de toute autre forme de discrimination en isme...

Puis internet et le web social inventèrent la transparence (dire e-réputation, c'est plus digital !). Et le revenge porn aussi. Mais on s'éloigne du sujet. Quoique. Fini les avis à sens unique et les témoignages policés de collaborateurs soigneusement choisis pour leur loyauté et leur engagement dans l'entreprise ou pour le caractère assez atypique voire carrément exceptionnel de leur parcours et de leur évolution. Place au vrai, au vécu, au témoignage intime façon " strip tease " (version RTBF) ou façon " c'est ma vie " (version Sophie Davant) - Au passage, le lecteur appréciera l'éclectisme des références ! - Bref, désormais, les collaborateurs peuvent donner un avis sur leur entreprise.

Et cette nouvelle fait grand bruit sur la toile et au-delà depuis fin 2014 avec l'arrivée du poids lourd US du business de la notation d'entreprise en France (glassdoor.fr) et le lancement des avis et notations sur un réseau pro (Viadeo) !

C'est bien ici pour déposer un avis ?

A l'heure de l'ATAWAD* et du FOMO**, il est toujours curieux de constater que la médiatisation d'un " phénomène " est parfois bien lente : Glassdoor existe depuis bientôt 8 ans (certes la version française est récente, mais bon...Internet existe, et un site en .com, c'est accessible). Meilleures-entreprises.com est installé en France depuis 2011 et enjoymonday.com tente une percée européenne. Avant eux, on se souvient peut-être de Tchooze et de Note Ton Entreprise (ou pas, mais ce n'est pas très grave). Pourquoi cet engouement (ou ces débats) maintenant ? Franchement ? Aucune idée ! Si vous avez un avis, je suis preneur sur www.donnetonavis.com (domaine à vendre...).

C'est comme l'histoire de Stromae et de sa chanson Carmen " anti-réseaux sociaux " qui a agité la médiasphère en général et les médias sociaux, en particulier. Chacun y allant de son avis.... Elle a quand même 2 ans cette chanson. Et les paroles aussi. Et voilà qu'on s'y intéresse 2 ans plus tard parce qu'on met des images sur des paroles (id Stromae a réalisé un clip vidéo de cette chanson). La version social media de la bonne vieille expression " il faut vous faire un dessin " ? Apparemment, oui !

Alors la notation d'entreprise ? Révolution durable des rapports collaborateurs / entreprises ou dernier avatar qui vient grossir les rangs d'une liste déjà longue de révolutions ? Cartouchière indispensable à l'arsenal Marque Employeur ? (c'est la guerre... des talents) Franchement ? Je n'ai plus d'avis... Si j'en avais un, j'aurai ouvert un blog...

* Any Time, Any Where, Any Device / ** Fear Of Missing Out