Témoignage n°2

Par Kity K
Voici un nouveau témoignage que nous avons eu. Il s'agit d'un échange par mails que nous avons eu avec une personne, je publie ce qu'elle a témoigné avec son accord en enlevant ce qui est un peu plus personnel. Merci à toi pour ton témoignage, je pense que de nombreuses personnes pourront malheureusement se reconnaitre dans ce que tu dis. Nous te souhaitons beaucoup de courage et t'apportons tout notre soutien.

Bonjour,

je suis tellement parano que je me suis créé une nouvelle adrese e-mail pour t'écrire, car comme tu le dis si bien, notre parole est complètement muselé dans l'éducation nationale. Chaque critique, même constructive (laisse-moi rire) n'a pas sa place.

[...] Se reconvertir, d'ailleurs les mots sont impropres. On a l'impression que c'est un retour à la case départ, on se branche sur un autre secteur (le mot me fait penser à convection) et dans reconvertir, il y a "re" et ça je n'aime pas ou pas beaucoup.

La vie n'est pas un perpétuel renouveau, mais une succession d'évenements et donc une continuité. "Se reconvertir" donc, appelons le comme ca pour l'instant faute de mieux, c'est faire preuve d'intelligence dans un monde où tout bouge très vite.

Pour ma part, je ne démissionne pas, mais si mon corps est physiquement à l'école, ma tête elle est déjà ailleurs. Notre seule vraie liberté est de PENSER (tant que cela reste dans notre tête

).

Je reprends mes études à la rentrée [...] Je ne démissionne pas car j'en ai bavé pour en arriver là, comme toi, il a fallu travailler dur pour avoir le concours. Il va falloir être efficient et surtout organisée, parce qu'après tout je pense qu'une fois qu'on a compris comment les enseignements fonctionnent, je veux dire, les progressions, les séquences, les séances, ce découpage finalement, ca va plus vite. Il faut juste s'organiser dans le temps. [...] il faut le reconnaître un métier où on est très seul.
Bon, je dis "il faut juste" mais je pense bien que la masse de travail est incompatible avec le travail de PE, mais tant pis, il me faut des projets pour avancer et me dire que je ne vais pas m'enterrer vivante dans l'éducation nationale.

[...] Je suis PES prolongée, à l'heure actuelle je ne suis toujours pas titularisée, et je ne suis pas prête de l'être. J'ai été sortie de classe pour la deuxième fois. Je commence "mon stage d'observation" dans l'école de la formatrice jusqu'à jeudi. Après je serai parachutée dans une autre classe. Je ne sais pas où encore.
[...] j'ai eu un entretien avec l'inspectrice de circonscription, et elle m'a dit: "Vous irez dès demain en stage d'observation" bla-bla...Chose que je n'ai pas supporté, du coup ça ma rendu malade... Deux semaines d'arrêt. Là je reprends et je dois, malgré moi, faire ce foutu stage.
J'ai énormément progressé par rapport à l'année dernière (entendre: faire ce qu'on me demande de faire).
C'est juste qu'arrivée aux vacances d'hiver, à mon sens, je subissais trop d'injustices, j'en avais marre et j'étais lasse d'être rongée à ce point par le travail. J'ai décroché, tellement bien décroché qu'il m'a été impossible de préparer la période 5. Du coup, la visite prévue au retour des vacances n'était pas terrible. Rebelotte, re- visite dans les cinq jours qui suivent, et évidemment, moi, les visites qui s'enchainent parce que "l'institution s'inquiète" ont tendance à me faire péter les plombs... Deux jours plus tard: sortie de classe... le schéma, je commence à le connaître. Mais il n'y a pas que cela, malheureusement. Une fois que tu es étiquetée "personne à problèmes", ça te suit et cela ne te quitte pas.
Je t'écris la suite dans les jours qui viennent. Je suis désolée de procéder de manière épisodique, mais je n'ai pas fermé l'oeil de la nuit dernière comme chaque veille de rentrée...
à très vite

Bonsoir,

je n'ai pas écrit ces derniers temps car j'ai rassemblé toutes mes forces pour la titularisation. Ce n'est pas que tout à coup j'adhère à leur éthique, mais c'était une façon de leur prouver que c'était une erreur de m'avoir sortie de classe à cette période de l'année. Je ne sais pas bien ce que je cherchais car c'était couru d'avance que ce serait foutu.

Du coup je ne sais par où commencer, l'année dernière? cette année? Commençons par le commencement.

L'année dernière, année où j'ai été reçue au concours, j'étais évidemment euphorique. Je travaillais dans tous les sens, sans relâche, toujours fourrée à la bibliothèque au rayon jeunesse ou dans les librairies. Ma mission: intéresser les élèves par tous les moyens.

Très vite, je me fais taper sur les doigts dès la première commission d'évalution qui a lieu en octobre. Le nom de cette commission en elle même est dejà une blague.

La commission est violente, quatre personnes devant moi, j'assiste à mon jugement. On me regarde comme une blatte, tout ce que l'on peut dire à ce moment là se retourne contre nous. Je ressors mal à l'aise.

J'ai choisi le monde des idées, des savoirs, des échanges... Je suis dans le monde des reproches, du discours unilatéral, un monde figé.

A moi, on me fait des reproches...Je suis là, je veux faire ce métier, j'ai passé le concours: pluie de reproches... Rien d'autre.

Je ne comprends pas. Je suis en adéquation avec ce monde. On m'a bien cassé la chique comme on dit, j'étais pleine d'entrain, de joie, de motivation, on m'a littéralement cassée.

La suite n'est pas rose. J'en entends des vertes et des pas mûres; des : "Vous ne servez à rien", "Je vais appeler l'inspecteur, car je suis très inquiète", " Mais d'où venez-vous? Qu'avez-vous fait avant?".

Cette année, j'ai droit à "Elle est farouche parce que l'année dernière ça c'est mal passé" "!!! Déjà l'année dernière ça s'est mal passé..."Je ne sais pas si ces 2 années de formation vous ont été profitables...", "Avec le temps, on s'attend à une progression", et j'oubliais le fameux "pas de travail".

Avec du recul, je m'aperçois que ce sont tout à fait des paroles d'instit à élève, ce genre de phrase qui te fait détester l'école à tout jamais. Et deuxièmement, il y a une bonne partie de formateurs qui n'adhère pas du tout au nouveau format de formation (c'est-à-dire: une formation néant) et nous le font payer à nous. Ces personnes sont à dénoncer, et je comptais aussi un peu sur la titularisation pour pouvoir les dénoncer. Une en particulier.

Je comprends que comme dans tout boulot, il faille faire ses preuves,mais la pression est déjà tellement forte qu'il est inutile d'en rajouter: pression sociale (l'Ecole est toujours le débat favori des Français), pression des parents, des collègues, et pression qu'on se met à soi tout seul.

J'ai passé des nuits blanches à ne penser qu'à ma classe, à comment je pourrais améliorer les choses, comment je pourrais aider tel ou tel gamin... Des nuits, des journées entières à y penser, sans cesse, sans arrêt.

Demain, c'est la commission de validation pour moi et de nombreux PES. Je vais y aller en m'éfforcant de ne pas répondre car avec eux, bien qu'ils te demandent de t'exprimer, ce n'est pas une la discussion, un échange. Tout ce que je dis se retourne contre moi ou me porte préjudice. A chaque mot manqué, ils prennent le stylo et notent : "Elle a dit aujourd'hui mardi [...], que c'était à cause des enfants qui sont déjà au stade de l'adolescence." Et après, ils font des dossiers sur nous.

Je ne reviendrai pas sur cette année car c'est juste une immense mascarade. On me balade dans les deux sens du terme. Je suis fatiguée, et tout ce que je sais, c'est que je veux que cela cesse. J'ai parfois carrément envie de changer de vie, quitter mon appartement et aller vivre à l'étranger, refaire peau neuve. Cette vie de PES m'a souillée, j'en ressors vidée, et pourtant je n'ai pas l'impression de mettre enrichie...

L'inspecteur émet un avis défavorable à la commission. Je m'y attendais mais je suis sidérée de la tournure que prennent les choses. J'ai l'impression que tout a été orchestré pour me mettre en échec. J'ai repris une classe horrible où les élèves te répondent "Fais chier" quand tu leur fais une remarque, ou encore te répondent "Tais toi toi même" quand tu leur demandes de se taire. J'ai repris cette classe le [...] et j'ai été inspectée le [...], soit le 5ème jour. L'inspecteur savait que c'était une école difficile et une classe difficile, la directrice lui ayant dit. Dans l'année, l'équipe a écrit un courrier à l'inspecteur disant qu'is étaient face à des situations auxquelles ils n'avaient pas de réponse et dont ne savaient pas quoi faire. Tout ça je l'ai su en discutant avec les collègues. Parfois, ça a du bon.
[...] J'ai passé ma journée à la maison aujourd'hui. [...] A partir de lundi, je serai à nouveau en "stage d'observation" dans une école de la circonscription, où je vais avoir droit à des questionnements, des défiances en tout genre...