Pour accompagner le développement de La Banque Postale, La Poste a tout récemment lancé L’Ecole de la Banque et du Réseau. À l’ère de la mutation des modèles économiques du Groupe et de l’impact du digital sur l’évolution de la relation client, il s’agit d’accompagner les 70.000 collaborateurs de La Banque Postale, des Services financiers et du Réseau La Poste, en les formant à de nouvelles compétences et à de nouveaux métiers sur le marché bancaire des particuliers mais aussi des professionnels. La conception des formations s’appuie sur un comité scientifique dédié ainsi que sur l’expertise des formateurs du Groupe et sur des partenariats.
Comment définir les socles de compétences, les contenus de formation et leurs modalités de diffusion ? Comment former les formateurs ?
Rencontre à la Direction générale du Réseau La Poste avec Sandrine Pierrot (à gauche), Directrice de l’École de la Banque et du Réseau et Virginie Lopez (à droite), Directrice des programmes de formation de l’École.
Une expérience de conduite du changement dans la nécessaire évolution des métiers.
Dans quel contexte est née l’École de la Banque et du Réseau du Groupe La Poste ?
La transformation de La Poste s’accélère en raison du passage au digital, et parce que l’activité elle- même change : l’érosion des métiers traditionnels du courrier implique de transformer tout notre modèle. C’est pourquoi nous investissons de nouveaux marchés de service dans les métiers du courrier colis et numérique, développons notre activité sur les réseaux pros et patrimoniaux de La Banque Postale et travaillons sur la professionnalisation des collaborateurs en transformant le Réseau La Poste en un réseau multi branches à priorité bancaire.
[Virginie Lopez] Quand j’étais responsable de la Politique de formation et du Développement individuel à la Direction de la Formation de la Banque Postale et des Services Financiers, nous nous sommes lancés dans une expérimentation, en lien notamment avec Sylvie Joseph (Directrice du programme de Transformation interne au sein de la Direction du Numérique du Groupe), sur la création d’un campus digital, dans une logique de développer une nouvelle approche de la formation. Il s’agissait non plus de raisonner en termes de sessions de présentiel (« « journées ») ou de blended learning insuffisamment personnalisé, mais de favoriser le développement continu et personnalisé des compétences, au rythme de l’accélération du changement, et d’inciter le collaborateur à devenir acteur de sa formation.
Cela nécessitait donc notamment la création de formats de formation beaucoup plus courts.
Quels sont les services proposés par Mon Campus Digital ?
Le Campus digital propose au collaborateur un accès à deux environnements :
1/ un environnement Personnel comportant n micromodules de formation (décrits ci-après),
2/ un environnement Projets lié à l’activité professionnelle, aux Projets en cours : pré-requis e-learning en amont du présentiel, interviews et informations ciblées sur son métier. Cet environnement est en cours de couplage avec le Réseau social interne (RSI), dans un objectif de faire vivre une véritable communauté métier fondée sur la veille, l’échange et le partage d’expériences.
Quels sont les socles de compétences professionnelles proposés dans l’environnement « Personnel » du Campus ?
Nous avons créé quatre socles de compétences qui s’emboîtent.
1/ Socle des fondamentaux.
Le décret du 13 février 2015 (n° 2015-172) lié à la loi du 5 mars 2014 sur la réforme de la formation définit le socle de connaissances et de compétences professionnelles prévu dans le Code du travail (articles L. 6121-2, L. 6324-1 et L. 6323-6). Appliqué au contexte professionnel de La Poste, nous avons fait reposer ce socle fondamental sur les compétences suivantes : savoir lire, écrire (et sans faute d’orthographe), bien s’exprimer à l’oral, utiliser les outils bureautiques, disposer de connaissances en anglais – même si l’activité bancaire du Groupe n’est pas internationale.
2/ Socle de compétences environnementales.
C’est la connaissance de l’environnement bancaire et de l’impact du digital sur l’évolution des métiers. L’investissement sur la formation de nos formateurs et de nos « professionnalisateurs » est prioritaire, parce que la relation client est multicanale et doit s’adapter à l’évolution des comportements de nos clients. Les modalités de « micros-vidéos » (60 secondes) – avec un ton décalé donc non anxiogène – intégrées dans des MOOC (culture numérique, Big Data), la mise en place, en partenariat avec le forum NetExplo, d’un Observatoire des métiers du numérique et les réflexions communes à plusieurs grands groupes français sur la création de « passeports numériques » militent en faveur de la vulgarisation des compétences numériques métiers. Pour les métiers bancaires, nos managers terrain qui attaquent de nouveaux parcours de formation vont être les premiers à tester ces formations vidéos. Des cas d’experts peuvent ensuite compléter ces dispositifs.
3/ Socle de compétences liées aux métiers et à leur évolution continue.
Il s’agit de former les Postiers aux métiers de banquiers. Ces socles de compétences transverses à chaque métier se déploient actuellement dans le cadre d’un POC de 1 000 personnes : la DRH, qui a un rôle fondamental à jouer dans l’accompagnement de cette transformation digitale, la Direction Banque de détail et une entité opérationnelle, « la Banque postale chez soi ».
Actuellement les premiers connectés à ce troisième socle de compétences sont le vivier des collaborateurs pressentis pour les nouveaux métiers de la banque des professionnels. La Poste ambitionne en effet de développer sa conquête du marché professionnel bancaire. Ces futurs collaborateurs de la banque des professionnels disposent ainsi, en prérequis de leurs parcours de formation, de modules de mise à niveau des compétences. De leur côté les formateurs bénéficient de modules sur les nouvelles tendances de la pédagogie ; les marketeurs se forment au e-marketing et à l’évolution du comportement des clients, etc.
Nous avons par ailleurs adapté un MOOC d’analyse financière pour les conseillers spécialisés en entreprise.
4/ Socle d’efficacité personnelle et professionnelle dans un objectif de mobilité.
Il s’agit de mettre à disposition des collaborateurs des ressources et des informations facilitant la préparation de leurs projets professionnels, avec, à terme, des contenus plus personnalisés grâce aux interconnexions entre collaborateurs et Responsables des Ressources humaines sur ces environnements. Lorsque le projet mobilité d’un collaborateur commence à être mature, le RRH pourra promouvoir des contenus ciblés dans l’espace de ce collaborateur : micro-learning, vidéo-learning, informations spécialisées. Plus généralement, il s’agit de proposer une lisibilité « apprenant » – et non seulement « RH » – des offres et contenus modulaires de formation ( « micro » e-learning, fiches de synthèse en prérequis ou en aval, référence de livres, etc.).
Nous travaillons aussi à la mise à disposition de contenus directement connectés aux situations opérationnelles des collaborateurs. Ainsi, un conseiller qui prépare son entretien et doit réviser un sujet sur la prévoyance pourra aussi bien se former avec les ressources immédiatement disponibles que s’inscrire à un présentiel s’il en a besoin.
Dans un environnement de formation de plus digitalisé, quelle valeur ajoutée attribuez-vous au présentiel ?
Le présentiel est nécessaire pour promouvoir le partage d’expériences et le lien social. C’est une conviction très ancrée au sein du Groupe et nécessaire aux vues des transformations qui se profilent. Par exemple, sur les sujets comportementaux, on peut seulement acculturer avec le distanciel : on travaille la posture en présentiel (en salle et sur le poste de travail), avec un « professionnalisateur ».
Digital et présentiel sont donc vraiment complémentaires. Le Campus Digital rend le collaborateur acteur de son développement, avec des niveaux d’approfondissement à la carte.
Quelle différence faites-vous entre les missions des « Formateurs » et des « Professionnalisateurs » ?
Il s’agit de deux métiers différents mais complémentaires.
Les Formateurs développent les compétences clés sur les sujets fondamentaux.
Les Professionnalisateurs sont des experts qui accompagnent les collaborateurs au plus près du terrain. Les typologies d’experts sont multiples au sein du Groupe. Ils accompagnent vraiment les collaborateurs ou conseillers en situation de travail, de façon unitaire ou collective, et notamment sur des situations professionnelles plus spécifiques.
Comment concevez-vous les contenus de formation bancaires et leurs modalités pédagogiques de diffusion ?
Les programmes sont conçus sur mesure, en interne ou en externe (partenariats), suivant les compétences qu’on a ou pas. Ainsi, nous avons déjà un partenariat avec l’École supérieure de la banque (CFPB) pour la mise en place de parcours qualifiants. Exemples : formation des directeurs d’agences à la gestion du risque bancaire, formation des responsables de clientèle professionnelle.
Les pédagogies de diffusion des contenus sont variées. S’il s’agit uniquement d‘un lancement de produit, on optera plutôt pour du e-learning avec un accompagnement métier. Si l’on monte un grand parcours qualifiant, il y a vraiment une mixité de pédagogie : distanciel, présentiel, immersion des collaborateurs dans les différents environnements et avec les différents acteurs avec lesquels ils travailleront ; – ceci pour s’assurer qu’ils se connaissent entre eux, qu’ils aient bien conscience de l’ensemble du processus et de la vision client au sein de l’entreprise. Cette vision stratégique se travaille avec les Directions métiers ou les grands patrons.
Les classes virtuelles sont également expérimentées parmi les dispositifs de formation distancielle. Elles nécessitent un vrai savoir-faire d’animation car on ne peut dépasser 1h30 de concentration.
Enfin, nos dispositifs de formation blended learning s’accompagnent également de documents complémentaires, d’exercices et de fiches de synthèse accessibles sur les LMS (Learning Management Systems).
Mais pour réussir la mutation des métiers, il y a bien sûr, au-delà de la seule dimension pédagogique, tout un enjeu d’accompagnement du changement, d’entretien de la motivation et de sérénité dans l’appropriation du numérique (rôle des modalités ludiques d’apprentissage) à déployer.
© Dunod Éditeur, mai 2015
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