L’article précédent citait Henri Laborit : « « Un cerveau ça ne sert pas à penser, mais ça sert à agir ». Cela produit une asymétrie entre connaissance et action : nos actes dépassent toujours notre savoir mais il est nécessaire de le penser pour s’en rendre compte. Pour cela la phase de réorientation de ses propres idées au contact des autres après chacun de nos actes est essentielle. Elle permet de recoller les morceaux de réalité qui nous échappent avec ceux dont nous avons eu l’intuition et qui ont motivés notre action.
Ainsi, les risques entrainés par nos actions peuvent être largement compensés par les possibilités de réorientation offertes par l’environnement. Cela amène en particulier à encourager une plus grande autonomie des acteurs au travers de la multiplicité des interactions qu’une entreprise entretient en son sein et avec son environnement. Ouverture aux autres dans l’entreprise et ouverture sur le monde extérieur, les clients en premier lieu, sont des processus imbriqués.
La connaissance humaine produite par ces interactions résulte des actions libres des personnes qui se déroulent bien au delà des différents groupes constitués par l’organisation formelle et hiérarchique de l’entreprise. Elle n’est pas destinée à alimenter le pouvoir des uns ou des autres. Elle est l’expression des responsabilités partagées par la communauté pour accomplir ses objectifs.
Lorsque, comme trop souvent, l’entreprise est fragmentée entre des stratèges (policy world), des concepteurs et planificateurs (conceptual world) et des opérationnels (real world), il devient très difficile de recoller les différents morceaux de réalité. Il s’ensuit une sous estimation de la complexité des interactions des différents systèmes en jeu entrainant un décalage persistant entre vision et exécution. La performance de l’entreprise au sein de son environnement s’en ressent, parfois gravement.
La planification est un palliatif couramment utilisée pour réduire ces décalages en identifiant des verrous qui empêchent l’alignement des ressources sur la stratégie. Cependant elle traite le symptôme et non les causes … au delà d’un certain seuil son usage intensif, en introduisant de la rigidité la où il faudrait de l’agilité, fait plus de mal que de bien !
Au contraire, un fonctionnement en réseau interactif constitue un processus d’organisation et de capitalisation du savoir qui permet de « recoller les morceaux ». Chacun peut alors accéder aux enseignements tirés de l’expérience des autres pour obtenir rapidement des réponses concrètes aux problèmes qu’il rencontre. Le temps consacré aux échanges et à l’apprentissage avec les autres redevient un temps productif qui de plus accroit les liens de solidarité entre les personnes.