Le principe d’autonomie des personnes repose sur deux fondations. D’une part la liberté de choisir qui seule permet d’attribuer une valeur aux échanges réalisés au sein d’une communauté, en particulier le partage de la connaissance et donc la capitalisation des savoirs. D’autre part la capacité à agir : à interagir avec les autres mais aussi à prendre des initiatives, c’est à dire des actions concrètes visibles par les autres. Il reste alors à en assumer les conséquences, bonnes ou mauvaises, tant pour ses propres actions que celles entreprises par les autres.
Se dessine alors la nécessité d’un compromis entre les opportunités apportées par l’autonomie et les risques associés résultant des actions entreprises librement par les personnes. Pas évident mais il y a plus compliqué : nous avons discuté dans un article précédent (« La pensée balistique ») du fait que la liberté humaine est assez facilement manipulable. Si c’est le cas ne vaudrait il pas mieux qu’elle le soit par quelques intelligences éclairées et non par tout à chacun ? Attention, il y a encore plus compliqué : Combien de personnes renoncent librement à leur autonomie parce qu’elles ne sont pas prêtes à supporter la dose d’angoisse qui résulte de son usage ?
Chacun peut essayer de répondre à ces questions sur le plan logique en fonction de l’attachement qu’il a au principe de démocratie. Il est encourageant pour cela de constater que les penseurs Grecs ont résolus efficacement cette question depuis 23 siècles en proposant une alternative crédible au « despotisme éclairé ». Admettons donc la pensée grecque, il reste maintenant à évaluer le prix à payer en termes de tensions psychologiques à absorber puis à les comparer avec les avantages obtenus par l’autonomie.
C’est ce que Tocqueville a analysé très finement dès 1835 : « La démocratie ne donne pas au peuple le gouvernement le plus habile, mais elle fait ce que le gouvernement le plus habile est souvent impuissant à créer ; elle répand dans tout le corps social une inquiète activité, une force surabondante, une énergie qui n’existent pas sans elle, et qui, pour peu que les circonstances soient favorables, peuvent enfanter des merveilles ».
Nous avons le choix de vivre dans deux mondes. Dans l’un la question qui nous domine est : « Ai-je le droit d’entreprendre cette action ? », dans l’autre la question devient : « Suis-je capable d’entreprendre cette action ? ». Je vous pose une troisième question : « Dans lequel de ces mondes souhaitez vous vivre ? ».