Chers lecteurs,
Vous me suivez depuis maintenant 9 mois. Le temps passe vite. Vous avez été nombreux à m'envoyer des messages de soutien, à me dire en privé de continuer et je vous en remercie. Cependant je me sens bien seule dans mon combat alors que je l'ai créé dans le but de montrer aux gens malheureux d'enseigner ou ceux qui ont fait un burn out qu'ils sont loin d'être seuls. J'ai espéré avoir des témoignages ou trouver une personne qui puisse m'aider à tenir les blog/page/groupes, certains personnes l'ont fait, je les en remercie. Pour les autres je comprends que ce ne soit pas simple, mais même avec vos encouragements je me sens bien seule, d'ailleurs même pour ça vous choisissez de le faire "en cachette" : dans nos groupes qui sont protégés ou en message privé sur facebook.
Aujourd'hui quelqu'un m'a fait réalisé que je m'étais laissée aveugler par la haine que je porte pour l'institution. Comme je l'ai dit, j'ai aimé ce métier mais ses coulisses et ce que j'ai vécu m'ont appris à le "dés-aimer". Hier j'ai réalisé à quel point j'ai été inconsciente et j'ai honte, j'ai tellement honte, je ne pensais pas que je pouvais tomber aussi bas... Moi qui pensait aller mieux... Je n'oserais même pas le dire sur le blog... J'ai fait du grand n'importe quoi, je ne comprends même pas ce qui a bien pu me passer par la tête (y passer oui... mais pas comme ça), j'ai été totalement irresponsable. Si je le pouvais je me mettrais une grosse claque, un gros coup de pied au cul! C'est tout ce que je mérite! Je suis allée beaucoup trop loin.
Aujourd'hui c'est contre moi-même que je suis en colère et non contre l'institution. Bien sûr, je continue de penser qu'ils sont à l'origine de ma chute, j'ai perdu toute estime de moi, j'ai fait 6 IMV, j'ai vu des médecins, des psycho, des psychiatres, des infirmiers, des syndicats... J'ai testé des "méthodes" diverses et variées, j'ai eu des tas de médicaments à prendre... Certaines choses m'ont aidée plus que d'autres. Mais j'ai oublié quelque chose dans tout ça : ce n'est pas parce que j'ai la haine que je dois en vouloir à tout le monde et faire souffrir mes proches. J'ai aussi oublié que ce métier il fallait l'aimer et croire en lui pour l'exercer, pourtant je l'ai dit, redit, répété : on ne peut pas être prof si on n'aime pas et ne croit pas en ce métier, c'est le coup à devenir fou!
Lorsque j'ai repris l'année dernière ce n'était pas par "amour du métier", c'était parce que je me suis sentie forcée... J'arrivais à un an de CLM, donc je crois qu'après on passe à mi-traitement, j'en avais marre d'être en "stand by" alors je me suis dit qu'on verrait bien. Ma motivation était de garder un travail pour ne pas me retrouver sans argent.
Ce(ux) que je déteste dans le métier a/ont pris le dessus sur ce(ux) que j'aimais. Le plaisir de faire des projets pour sa classe, de tester de nouvelles choses, de préparer sa classe, d'être au contact des autres, de voir les élèves grandir et apprendre, d'être utile, de les aider, de partager... J'ai beaucoup été dans l'affectif en démarrant, maintenant c'est tout le contraire, j'ai creusé un énorme fossé en espérant me protéger. Je me dis que c'est juste un boulot, boulot qui m'a fait souffrir et que je ne veux plus ramener chez moi, qu'il m'a fait suffisamment de mal comme ça. Je ne vois plus que l'administration délirante, la hiérarchie qui m'a démolie, les prép' chez soi jusqu'à pas d'heure, les élèves chiants et ceux qu'on ne peut pas aider avec les classes surchargées, le dégoût de se dire "tu ne pourras pas sauver tout le monde", marche ou crève, voilà comment ça se passe pour les élèves en difficultés.
Ce métier n'est pas un "jeu", quoique certains puissent en dire on a de grosses responsabilités, on doit être bienveillant avec chaque élèves et garantir leur sécurité. Je ne sais pas si j'en suis encore capable après ce que j'ai fait. Je pensais aller mieux, que ça passerait, que je tiendrai en me disant "tu fais ta journée pour gagner ta croûte et ce soir c'est fini"... J'ai eu tort, j'avais beau me sentir mal j'ai toujours cette haine du système, cette haine qui prend le dessus sur ce que j'ai pu aimer et sur mon devoir.
J'aime apprendre et enseigner des choses, j'aime aider, j'aime partager... mais pas dans ces conditions-là. Cela fait 3 ans que je suis dans le métier et je ne suis plus que l'ombre de moi-même. Je ne sais pas qui est cette personne qui est allée faire de la m***** à son boulot mardi. Je suis morte de honte. Je regarde autour de moi, je ne vois que mes proches (parents, grand-parents, mon copain) qui souffrent, qui ne savent plus quoi faire, quoi dire, mon copain que je risque de perdre... Je n'ai pas réellement d'amis sur qui me reposer (sauf un qui est là depuis 11 ans et qui se reconnaitra peut-être même si on ne se parle plus beaucoup...).
Je suis une bombe à retardement, mes proches doivent sans doute se demander "quand est-ce que ça va péter?". Là je suis allée trop loin, même si au fond je voulais en finir, ça aurait pu être dramatique.
J'ai honte, je ne sais pas comment je vais réussir à me réconcilier avec moi-même, je ne sais pas si je vais travailler lundi, je n'oserai même pas regarder les collègues en face, je ne sais pas si je vais être arrêtée... Je suis perdue. Pour reprendre ce travail il faudrait que je sois capable d'oublier.
Tout à l'heure je vais voir le médecin, rien que d'y penser me donne envie de pleurer. J'ai peur d'y aller. Peur d'affronter la réalité : je dois me faire soigner. Aïe... que c'est douloureux de dire des choses comme ça...
Je ne vais pas vous dire aujourd'hui que j'aime la vie, ce serait mentir. J'ai envie de vivre oui, mais pas cette vie-là. Je suis brisée, en morceaux... en train de me dire "Regarde ce que tu as fait, regarde ce que tu es devenue, le mal que tu as et aurais pu faire tout ça pour un travail.
Je voudrais dire à mes proches que je suis désolée pour tout ce que j'ai pu vous faire subir depuis 3 ans. J'aimerais tellement pouvoir effacer tout ça et tout recommencer, mais c'est trop tard, le mal est fait et je ne sais pas comment je pourrais me faire pardonner. Je ne sais pas comment réagir j'ai trop honte, je suis dans un état pitoyable. Vous avez toujours été là pour moi malgré ces épreuves, merci d'avoir été à mes côtés. Maintenant je pense qu'il faut que trouve quelqu'un d'autre sur qui me reposer, quelqu'un d'extérieur.
Quant au blog, page et groupes... que je tiens pour "aider" ceux qui vont mal... au fond c'est plutôt moi qui ai besoin d'aide et pour ça je suis seule dans ce monde virtuel. Je ne sais pas si je vais tout garder ou supprimer. Pour avancer il faut parfois savoir vider son sac et laisser derrière nous ce qui nous a fait souffrir. Je crois que je ne me suis jamais sentie aussi mal de toute ma vie.
Je ne sais pas quoi dire pour terminer cet article. Je n'ai même pas envie de relire ce que j'ai écrit tellement je trouve ça pathétique.
Alors je vais juste terminer sur ces mots pour mes proches :
Je suis désolée de vous avoir fait souffrir. Pardonnez-moi. J'ai été égoïste, je n'ai pensé qu'à ce foutu boulot et j'ai oublié tout ce qui était essentiel.
N. tu as toujours été là pour moi. Tu es resté malgré tout ce que j'ai pu faire. Aujourd'hui je n'ose même pas te regarder en face, j'ai honte, j'ai peur de te perdre, j'ai peur de t'avoir perdu, sans toi je n'ai plus rien. Je t'aime.
Je vous aime. Vous êtes ce qu'il y a de plus important pour moi.
Je suis désolée.