Jeudi dernier, j’ai eu le plaisir d’être conviée au petit-déjeuner débat de la Fondation Télécom. Ce fut une matinée dédiée à la relation de la Génération Y au numérique, animée par Carine Dartiguepeyrou, ayant pour objectif de restituer une partie des résultats d’une étude conjointe entre la Chaire Digital Natives de Grenoble École de Management et le think tank Futur numérique de l’Institut Mines-Télécom avec le soutien de la Fondation Télécom.
A l’heure actuelle, la notion de « Génération Y » est très controversée – dans le sens où faire rentrer des personnes dans des cases peut poser problème. Néanmoins, on ne peut nier que ce groupe d’individus se démarque d’une certaine manière (comme les autres générations d’ailleurs). Je vous propose de revoir ensemble les points forts de cette étude :
L’usage du numérique chez la Génération Y
Le terme « numérique » ne rentre pas forcément dans le vocabulaire des « jeunes » contrairement à ce qu’on pourrait croire. Par contre, en ce qui concerne son utilisation, c’est bien le contraire. On parle même de banalisation ! En effet, 70% à 95% d’entre eux utilisent le système de mailing et travaillent à l’aide d’un ordinateur. Si on compare cela au téléphone, nous sommes davantage à 5%-30% d’utilisation. Pour ce qui est des réseaux sociaux, LinkedIn demeure en tête de classement, avec une véritable chute d’activité pour Facebook et une passivité réelle pour Twitter – sans parler des RSE (Réseaux Sociaux d’Entreprises) qui ne prônent pas plus de succès.
Les conséquences de cet usage au sein de l’entreprise
Un bon terrain d’entente avec les timides | Certains membres de cette génération (et d’autres, j’en suis sûre), ne sont pas des plus à l’aise pour aller discuter avec leurs voisins de bureau. Le virtuel est donc un excellent moyen de vaincre leur timidité et d’envisager une rencontre physique. Certaines entreprises promulguent même l’envoi de mails afin de gagner du temps, au lieu de monter / descendre quelques étages, voir effectuer quelques pas… Ce que je trouve des plus tristes en termes de rapports humains, au passage.
Une inversion des tendances d’apprentissage | De plus en plus, on entend parler de « reverse mentoring », autrement dit, le mentorat inversé. Il s’agit de permettre aux juniors de transmettre leur expérience et savoir-faire à leurs aînés (managers, par exemple). A noter que cette démarche n’est pas tout le temps appréciée par les plus expérimentés (c’est vrai quoi, que peuvent nous apprendre ces petits jeunes que nous ne sachions pas ;)) et que la réussite de la mise en place de ce genre de mentoring est souvent basée sur une initiative qui doit être à l’origine des « jeunes » et portée par le Top Management.
Une manière plus flexible de travailler | On ne peut nier que l’apport du numérique contribue à l’efficacité collective – nécessitant un dépassement du leadership. Cela nous permet également de travailler à distance, et de favoriser les relations transversales (accélération de la « dé-hiérarchisation »). Par contre, à l’inverse, si le numérique est mal utilisé, il peut se révéler source d’inefficacité.
Les principaux risques de l’usage du numérique en entreprise
Vous me direz sûrement que la Génération Y est composée essentiellement d’insatisfaits – et vous n’avez pas forcément tords. Ces jeunes apprécient l’ensemble des virages numériques pris par les entreprises (c’est l’expression à la mode actuellement !), mais en attendent bien plus.
Une transparence pas à la hauteur des attentes | En effet, ces derniers souffriraient des « bruits de couleurs », et se plaindraient de n’être jamais au courant, ou les derniers à l’être. A côté de cela, il serait également question d’un véritable surplus d’informations, pas toujours évident à gérer mais aussi à digérer. Comme l’a expliqué l’un des membres interrogés : « La transparence, c’est le miroir de la confiance. Plus on est transparent, plus on se sent confiant. C’est un facteur de motivation ».
Le numérique, dangereux pour la santé | Comme nous le disions auparavant, le surplus d’informations, mais également la pression de la rapidité / qualité amenée par le numérique peuvent engendrer des burnouts – en particulier auprès des individus approchants de la trentaine (entre les premiers enfants, le boulot, etc. cela peut être compréhensible). De même, la recherche de l’automatisation à outrance peut pousser à la suppression d’emplois – ce qui n’arrange pas notre cas.
Des processus plus lourds | Contrairement à ce qu’on pourrait croire, il est apparu que les process étaient plus lourds, la hiérarchie plus exacerbée. En d’autres termes, ce genre de conséquences tue la créativité et cause des pressions au quotidien.
NB : Le point positif (qui m’a quand même étonné), c’est qu’ils sont assez confiants par rapport à l’utilisation des entreprises de leurs données personnelles.
Les conclusions de l’étude :
« La Génération Y, heureuse de travailler, mais pas forcément heureuse de son emploi »
Contrairement à l’image « révolutionnaire » que nous avons de ces jeunes individus, 70% cherchent à s’intégrer, donc à rentrer dans le moule. Elle est bien loin l’image de « change makers » que nous avons de ces « petits jeunes »… Tout revient encore à un besoin de reconnaissance de ces individus – qui au final se refusent d’être tels qu’ils sont et préfèrent opter pour le côté « moule sociétaire ». Un triste constat mais qui se révèle compréhensible étant donné du côté contradictoire des entreprises. En effet, selon les personnes interrogées (et j’accompagne totalement ce point de vue), les entreprises sont à la recherche de personnages authentiques / qui veulent faire bouger les choses… mais si vous ne rentrez pas un minimum dans leur critère (diplôme, etc.), vous pouvez dire adieu à votre opportunité professionnelle – bien sûr, heureusement, il y a des exceptions ;)
Nos petits membres de la Génération Y sont donc malheureux de ne pouvoir être eux-mêmes en entreprise – ce qui explique le côté « zappeur » non pas dû à un simple caprice, mais bien à un manque d’épanouissement.
Encore une fois, nous ne pouvons mettre dans des cases tout le monde. Tout est une question de personnalité, tout risque peut se révéler une opportunité, tout verre à moitié vide peut s’avérer à moitié plein. En bref, aucun être humain n’est la copie parfaite d’un autre. Je n’ai qu’une chose à dire, qui se résume en une citation de Oscar Wilde :
Retrouver l’intervention complète en vidéo, ainsi que l’étude en ligne dans son intégralité.
Auteur : Anne Pestel