Dans le livre « la faillite de la pensée managériale, Lost in Management », l’écrivain et sociologue, François Dupuy, revient sur l’abandon de la réflexion managériale dans les organisations qui grossissent.
L’éternelle question du management des hommes est au cœur de la réflexion des entreprises.
Comment se fait-il que dans une société aussi créative que la nôtre, nos collaborateurs aient si peur ? Si peur de ne pas respecter la procédure ? Si peur de ne pas convenir à leur manager ? Si peur de ne pas se conformer aux attentes des autres ? Si peur de faire du mauvais travail ?
La peur fait faire beaucoup d’erreurs. La peur génère des réactions de conflit, de rejet, d’abandon, de rébellion et coûte réellement à l’entreprise. Ce coût est au-delà du financier.
A chaque fois que celle-ci se produit, cela engendre une dette sur la culture d’entreprise.
Les gens travaillent actuellement dans la peur. Et la crise s’installe …
Et la vraie faillite managériale est de laisser cette peur s’installer dans les entreprises comme instrument de contrôle de l’être humain.
Les raisons de la peur
Nous croyons connaitre les raisons de la peur.
- Je perds mon travail donc je ne peux plus subvenir aux besoins de ma famille
- Je perds mon travail donc je ne peux plus payer le prêt de ma maison de rêve que j’ai passé 15 ans de ma vie à acheter.
- Je perds mon travail donc je ne peux plus honorer mes dettes.
Nous pensons souvent que cela est lié à l’argent et au manque de ressources.
Cela serait une vision relativement restrictive des peurs de l’humain C’est cela même qui entraine la faillite managériale.
Non, ce n’est pas un théorème absolu. Cela pour la simple et bonne raison qu’il existe une grande variété de contre-exemples. Vous trouverez sans doute des contre-exemples comme ceux-ci:
- Un chef de produit de votre entourage vous dira par exemple que sa peur la plus prégnante au travail est actuellement le fait que son produit ne sorte jamais et qu’il ait travaillé pour rien.
- Un autre vous dira que sa peur c’est de ne pas avoir assez de temps pour s’entrainer pour ses compétitions sportives ou pour voir ses enfants
- Un autre encore vous dira qu’il admire son chef et que sa seule peur est de le décevoir.
Où se trouve l’argent dans cela ? A force d’avoir tenté de donner une explication financière et rationnelle, l’entreprise a réellement broyé le problème avec une seule solution : l’argent. Et a donc accepté de promouvoir les gens qui jouaient exclusivement ce jeu.
Entrainant la faillite Managériale.
Les peurs sont plus complexes et pourtant déjà formalisées depuis 1500 ans
Une des premières réponses à cela est l’Ennéagramme (qui correspond à un type de personnalité). Nous sommes en effet tous sujets à une peur fondamentale.
Pour certains, cela sera la peur de la défaillance. Pour d’autre la peur d’être sans valeur. D’autres encore la peur du contrôle. Voici une description de toutes les peurs.
Dans des institutions comme l’armée, les soldats connaissent le vrai danger de mort. A tout moment, cela peut être une des causes d’activation de la peur. Pour cela, l’armée a intuitivement à travers ses différents instances de commandement appris à gérer les différentes peurs des soldats.
Les managers de l’armée sont avant tout de très fins psychologues qui savent repérer les peurs des soldats et de savoir recadrer cette peur afin que le soldat ne vive pas dans la peur et puisse accomplir ses objectifs en portant haut et fort les objectifs de la France et de son pays.
Il suivra donc la devise de Gandhi : « Le vrai courage n’est pas d’avoir peur mais de dominer sa peur ». Il finira donc en cas de bon management par surmonter sa peur et trouvera le courage d’aller porter la vision de l’armée.
Dans l’entreprise le phénomène est sensiblement le même.
Lorsqu’un collaborateur en entreprise est pris de sa peur et qu’elle se réalise, il se retrouve dans un état de « Mort Symbolique ».
Voici quelques exemples très fréquents de Mise à Mort Symbolique et de faillite managériale.
Un manager qui dit à son collaborateur : « tu m’as déçu dans ton engagement, il s’agirait de remonter la pente » est vécu par certains comme une mise à mort symbolique.
Un manager qui dit à son collaborateur : « tu n’as pas accompli tes résultats et cela nous met dans une situation très délicate, et c’est de ta faute » est vécu par certains comme une mise à mort symbolique.
Un manager qui dit à son collaborateur : « tu es le responsable de l’échec du projet» est vécu par certains comme une mise à mort symbolique.
Que reste-t-il après comme solution au collaborateur ? Travailler plus pour « sauver sa peau ». Sacrifier ses désirs pour réussir à remonter dans l’estime d’un juge et partie de manager ? Sans cesse rappeler qu’il a suivi la procédure et que ce n’est pas de sa faute ?
Comment dans une organisation aussi complexe qu’un grand groupe il serait aussi facile de trouver un coupable ? Et de le juger sans procès, le mettant à Mort Symbolique certes mais à Mort quand même.
Un modèle pour combattre la peur …
Dans cet univers de perte confiance dans le politique, vous demanderez qui est pour vous un président qui portait haut et fort les couleurs de la France. La très grande majorité des gens vous répondront surement le Général de Gaulle. SI on vous demande au niveau international, on vous répondra surement Nelson Mandela.
Qu’ont-ils en commun ? Le fait d’avoir passé le plus clair de leur temps à combattre les peurs de leurs concitoyens par la bienveillance, la vision et l’accompagnement dans les succès comme dans les échecs.
Leurs combats ont été les combats quotidiens en tant que Président : Pour l’un, c’était de combattre la peur de l’avenir d’après-guerre. Pour l’autre, c’était de faire disparaitre la peur des autres et la peur des différences.
Et est-ce si surprenant que cela de nommer comme l’un des plus grands Présidents de la France, un général d’armée qui a côtoyé la peur de la mort, et cette mort-là, n’était pas symbolique ?
Et si le seul modèle était simplement d’arrêter d’avoir peur d’échouer et d’accepter ses échecs pour mieux progresser ?
Dans ce cas, le succès managérial d’une entreprise ne serait-il pas de simplement développer un management tolérant à l’égard de l’échec ? Un management qui réussisse à simplement accompagner la résilience des gens dans leur échec ? Et un Management qui sache avant tout se pardonner à lui-même ses échecs dans la longue chaine hiérarchique ?
Et si nous récompensions celui qui nous fait la grâce de partager son échec et ses difficultés ? Et si nous promouvions simplement la bienveillance quand un de nos collaborateurs nous fait part de son échec ? Et si nous l’accompagnions de notre bienveillance et de notre tolérance. Sans le juger ! En admettant qu’ils puissent même se tromper de manière régulière.
La réussite managériale est simplement le contrôle du fait que les collaborateurs apprennent bien de leurs erreurs. Et donc que leur expérience finisse par accroitre les taux de succès dans un environnement bienveillant.
Arrêtons d’avoir peur dans les entreprises, allons donner simplement le meilleur de nous-mêmes, échouons, apprenons rapidement et surtout progressons dans la bienveillance.
Cela sera la voie du succès managérial à tous les étages.
Et donc le succès de la culture d’entreprise.