Jeudi dernier, j’ai eu le plaisir d’être conviée au petit déjeuner débat organisé par Mercuri Urval, sur la thématique suivante : « La Guerre des Talents » (hashtag de l’évènement : #guerredestalents). Pour animer cette mini-conférence, des invités de choix étaient présents :
• Christine Dalbera, Directrice internationale et gestion des talents | Cartier International
• Hubert Giraud, Head of people management and transformation | Capgemini
• Eric Joan, CEO | Groupe Hamelin
• Arnaud Martin, Directeur de l’agence de reconversion de la Défense | Défense Mobilité
Afin de débuter la conférence, Mercuri Urval nous présenta un bref aperçu en vidéo de sa dernière étude dédiée à la thématique phare du jour :
Nous pouvons donc en retenir que 60% des entreprises n’ont pas à ce jour de processus de gestion des talents. C’est une pratique des plus récentes, exercée par 87% des entreprises depuis moins de 5 ans. À défaut d’opter pour ce processus, 65% des autres entreprises utilisent l’entretien annuel pour identifier leurs talents. Suite à cette entrevue, seulement 54% d’entre elles effectueront un réel suivi via un plan de développement personnel (92%) ou via un plan de succession (63%).
Personnellement, diverses questions restent en suspens : les entreprises possédant un processus de gestion des talents sont-elles plus à même de gagner cette fameuse guerre ? Et même si de plus en plus d’entre elles voient la gestion de talents comme une priorité suprême, pourquoi ne se positionnent-elles pas au front ? – d’où le côté schizophrène ;)
La « Guerre des Talents » ou bien encore la pénurie d’envergure mondiale de talents
Chez Capgemini, on ne compte pas moins de 200 000 collaborateurs (22 500 en France) – avec 20-30% de turnover et un objectif de recrutement pour 2016 s’élevant à 45 000 personnes. Des besoins de recrutement qui ne manquent pas de candidatures, comme par exemple en Inde où la société décompte plus d’un million de CV à traiter par an. Mais malgré cet avènement de personnes en quête d’opportunité de carrière, Hubert Giraud souligne l’aspect de « pénurie mondiale de talents » et le manque de leadership dans l’air. Un réel challenge est né de la détection à l’aspect d’expansion des leaders de demain – d’où l’intérêt de la mise en place d’évaluations de performances axées à long terme chez Capgemini. Mais à cela s’ajoute une pression permanente entre RH et Managers sur la manière d’appréhender les talents… Comme l’énonce Hubert Giraud : « Le cœur du sujet se résume en une seule question : comment recentrer le manager au cœur de la gestion du personnel ? ». Affaire à suivre…
La notion de talent ou les 1 001 définitions du terme
Chez Cartier, il n’est pas question d’une vision élitiste du terme « talent ». Dans l’industrie du luxe, chaque personne a du talent – à travers son savoir-être et savoir-faire. La société se focalise sur le rôle fondamental des RH et offre des conditions favorables au bien-être de l’ensemble des talents. On opte également pour les plans individuels de développement, véritable élément de reconnaissance via l’aspect individualiste (sans oublier l’adaptation au niveau local). Ainsi, le talent est reconnu et apprécié pour ce qu’il est, pour sa différence. Un signe de reconnaissance de la part de l’entreprise envers ses collaborateurs qui à leur tour, vouent un certain attachement à la Maison Cartier. Chaque parcours, chaque approche est personnalisé(e) en fonction de l’individu… Il n’y a pas à dire, c’est vraiment du luxe – dans les 2 sens du terme !
L’entretien annuel, arme prônée mais peu adéquate à la bonne gestion des talents
Au sein du Groupe Hamelin, on observe une gestion des talents autre. En effet, contrairement aux deux autres entreprises citées auparavant nous sommes plus sur un modèle d’ETI avec 4000 collaborateurs. La DRH accompagne les Managers en termes de gestion de talents, en déléguant et en formant ces derniers à leur rôle de proximité. En plus de ce travail d’équipe, la société n’hésite pas à solliciter des personnes aux compétences stratégiques en la matière, que ce soit en interne comme en externe. Eric Joan dénonce l’unique utilisation des entretiens annuels pour distinguer / développer les talents pour 2 raisons en particulier : la fréquence (1 fois par an, ce n’est pas suffisant pour être représentatif) et un contenu trop souvent axé sur l’aspect monétaire (la fameuse augmentation de salaire). Au sein du Groupe Hamelin, la proximité est au cœur de la gestion des talents – néanmoins, celle-ci demeure possible étant donné de la taille de l’entreprise…
La gestion des talents, c’est aussi l’avenir de votre collaborateur… sans vous
Du côté de l’agence de reconversion de la Défense, il est question d’une approche plus lointaine. En effet, nous sommes sur des contrats de travail pouvant atteindre une durée de 20 ans (cela change des 3 ans du secteur privé) ! Les 3 points critiques soulignés : l’attraction des talents, ainsi que leur fidélisation, sans oublier le côté évolutif. Le dernier aspect concerne à la fois la mobilité, mais également l’expérience-employé post-entreprise – en d’autres termes : l’avenir du collaborateur après son vécu au sein de votre entreprise. Il s’agit également de conserver un certain contact avec le talent, même si ce dernier n’est pas retenu pour un poste, même si la réduction des effectifs ne l’épargne pas. Pourquoi ? Tout simplement car nous sommes en pleine guerre des talents et qu’il vous faut un maximum d’alliés et une image de marque employeur sans failles.
Les limites des process de gestion des talents à l’heure actuelle :
En effet, on entend beaucoup parlé de la fameuse Guerre des Talents. Mais au final, cette problématique, bien qu’étant à la mode, n’est pas à l’ordre du jour pour la plupart des entreprises. Voici différents éléments qui pourraient vous aider à comprendre cette schizophrénie :
• Le manque de clarté de la notion de « talent » – souvent très élitiste sur le territoire français (la culture des diplômes et des sur-diplômé(e)s)
• La mise en place lourde et longe d’un processus de gestion des talents (évaluée à 5-10 ans pour Cartier)
• La difficulté d’évaluer les enquêtes auprès des talents (vision trop macro, indicateurs limités, etc.)
• L’aspect de proximité dans la compréhension des talents limité dans les grands groupes
• La volonté de l’individu-talent d’être acteur de son développement (tout en étant accompagné des RH / Managers)
• Les évolutions hâtives et attentes changeantes du marché (attention au virage digital) et des jeunes générations dont cette chère Génération Y
• Le choix difficile des acteurs externes / internes (création de nouveaux postes tels que les Talent Managers) afin d’identifier et d’accompagner les talents
Conclusion | Ainsi, la gestion des talents est au goût du jour mais demeure un élément difficile à mettre en place et à évaluer. À cela s’ajoute les problématiques d’attractivité et de fidélisation, trop souvent portées par la Marque Employeur à elle toute seule, alors qu’au final, l’élément clé dans cette histoire demeure vos collaborateurs. Mais entre nous, cette fameuse guerre des talents ne date pas d’hier. Si vous vous baladez un peu sur Google vous vous rendrez vite compte que depuis mai 1970, la notion de « War for Talent » existe. Ce n’est que 3 ans plus tard que le terme fait son apparition sur la toile digitale française dans un article intitulé : « Les quatre dimensions du profil « haut potentiel » » via une interview Mireille Fesser, DRH de LVMH à l’époque. Quand a-t-elle débuté réellement ? Quel fut l’élément déclencheur ? Au final, ne serait-ce pas tout simplement un mythe dans lequel nous avons toujours existé ? Je vous invite à mijoter !
NB : merci encore pour l’invitation Cybel I-mage ;)
Auteur : Anne Pestel
Source : American Psycho 1 & 2 & 3