Quand Kairos vient au secours de Chronos : une histoire de gestion de temps

Nous tenions à commencer cet article, en remerciant Pierre Moniz-Barreto qui a écrit un livre très inspirant “Slow Business : ralentir au travail et en finir avec le temps toxique“ et qui nous fait découvrir à travers celui-ci la force du Kairos.

La Gestion de Temps: un temps ou des temps ?

Emploi du temps et gestion de temps: tyrannie de l’esprit rationnel, tentative de dominer la semaine, journées découpées en segments de deux heures, circonscription de l’activité prenant souvent le pas sur l’activité elle-même…
Que celui qui ne s’est jamais senti oppressé par son emploi du temps jette la première pierre à cette définition.
Pourtant, on le dit et on le répète partout, on en fait des séminaires, on diffuse des conseils sur l’art de régler son réveil ou d’optimiser ses temps morts dans les transports…Rien n’y fait.
Pourquoi la gestion du temps semble-t-elle toujours si cauchemardesque ? Parce qu’il faut arrêter d’essayer de gérer son temps, mais chercher à gérer ses temps !

Deux temps grecs : Chronos et Kairos

Le temps au sens de Chronos, c’est la succession d’intervalles réguliers. Temps quantitatif, linéaire, matériel…En bref, le temps dont on parle quand on se plaint d’en manquer.

Le temps au sens de Kairos correspond plutôt à l’occasion opportune. Temps qualitatif, bon moment pour agir…En somme, l’« instant T » à saisir ; avant est trop tôt, après, trop tard.

Nos maux, à l’ère de la vitesse, semblent venir de notre tendance à s’acharner sur le premier et à négliger l’autre. L’habileté aujourd’hui consiste à bien jongler avec ces temps.

Le succès de Patagonia : Let my people go surfing

Dans un livre au titre à peine humoristique, Yvon Chouinard, fondateur de l’entreprise californienne de vêtements sportswear, explique sa vision d’un rapport intelligent au temps. La gestion de temps y est largement dépeinte.

Let my people go surfing prône la nécessité de s’adapter aux événements et d’agir selon eux plutôt que de vouloir tout planifier à l’avance et de tenter de les faire rentrer dans nos agendas. Les salariés de Patagonia gèrent ainsi leur temps de travail à leur guise, l’essentiel étant un résultat de qualité. Et la recette fonctionne si l’on constate la santé économique exceptionnelle de l’entreprise mais aussi sa « santé humaine » avec un turnover presque nul et des candidats qui se bousculent au recrutement.
Alors pourquoi ne pas écouter les paroles de vieux sage de son leader ?
« Un vrai surfeur ne décide pas d’aller surfer mardi prochain à 14 heures. Il va surfer quand les vagues, la marée et le vent sont au rendez-vous. »

Faites donc de Kairos votre allié : agissez lorsque le bon moment se présente.

Et si la simplicité de ce conseil contraste avec la complexité à organiser les mille et une activités de nos quotidiens contemporains, sachez qu’il ne s’agit que d’une apparence. L’art du Kairos se maîtrise : seul l’expert, celui qui possède les compétences clés dans son domaine, est à même de repérer ce moment opportun.

Vous l’aurez compris, nos rythmes de travail ne sont pas voués à l’alternative stérile entre rapidité excessive ou vie de bohème. Le message est tout autre : cessons de confondre efficacité et vitesse, et ralentissons pour mieux observer et saisir ces moments pleins de potentialités.

« La chose parait facile mais ne l’est pas. Les bonnes vagues arrivent par séries intermittentes et obéissent à certains cycles naturels quelque peu imprévisibles. Un surfeur ne peut pas se précipiter : il ne peut pas décider de surfer n’importe quelle vague, sinon il gâche ses opportunités, ses énergies, son temps. »