L’externalité positive dans le monde du travail ou Darwin adapté à l’emploi
Je l’ai entendu un paquet de fois « c’est bien sympa le portage et les missions mais c’est quand même précaire cette histoire !». Bien longtemps, je n’arrivais pas à rétorquer quoi que ce soit, tant le chemin à parcourir me semblait long. Je me disais : « c’est tout de même curieux que des consultants, correctement rémunérés et salariés, regrettent un temps ancien ou l’emploi était quasi éternel, en tout cas assuré et garanti ! ».
Et puis j’ai découvert qu’un livre avait été écrit sur ce sujet ! En janvier 2015 : « Révolutions précaires », un essai sur l’avenir de l’émancipation, par Patrick Cingolani. Selon Cingolani, le mot précaire est déjà source de complication car il exprime aussi bien :
- ceux qui subissent de plein fouet les rythmes effrénés d’une flexibilisation extrême du travail. Par exemple, un employé de faible qualification, à multi employeurs, qui doit faire face à des horaires compliqués
et
- le cadre adepte d’une approche disruptive du travail, qui va sélectionner ses employeurs et le rythme de son activité.
Cingolani évoque même le potentiel libérateur (révolutionnaire) de ces nouvelles organisations, déjà largement adoptées par les générations Y et Z.
Je suis convaincu que temps de la nostalgie n’a pas lieu d’être.
Travailler aujourd’hui n’a rien à voir avec les années 1960, période à laquelle je suis né. L’occident était ‘maître’ du monde, de la technologie, le pétrole ne coutait presque rien, l’informatique quasi inexistante et les robots, encore moins ! Les paysans étaient encore nombreux (25% de la population active contre 2,5% aujourd’hui) et le plein emploi salarié, une réalité.
Comparons ce monde des années 1960 et le nôtre si vous le voulez bien. Depuis 1960 apparaît des concurrents majeurs au niveau mondial (Chine, Japon, Inde, Brésil…) potentialisés par un essor phénoménal de l’informatique et de l’Internet, un prix du pétrole qui a explosé (même si la tendance est largement baissière depuis un an et demi). Les entreprises occidentales qui géraient la croissance post WWII doivent dorénavant la créer ! Tous les marchés sont devenus matures et sont des marchés de remplacement versus des marchés de première acquisition. A cette maturité de marché et à l’exigence de se renouveler de façon spectaculaire s’est rajouté, pour les entreprises occidentales, une crise morale. La conquête d’une croissance toujours plus importante a fait de lourds dégâts écologiques mais aussi chez les humains (maladies psychologiques en forte hausse).
En 2016, on se retrouve avec des entreprises qui ont peu de visibilité sur leur bon de commande et qui ont peur de recruter et, de l’autre, des employés qui ont peur de bouger et qui préfèrent s’accrocher à leur job (quand ils en ont un) plutôt que de bouger. Conclusion, difficile de faire de la performance quand on additionne « peur + peur »!
Le salariat traditionnel répondait à un besoin d’aliénation « je te donne mon temps de travail contre une protection », le nouveau salariat – version portage salarial -, répond à un besoin d’émancipation incluant les droit liés au salariat traditionnel, et si c’était la révolution ?
La précarité (étymologie de prière) serait d’espérer que la situation revienne comme avant : à moins que nos paysans ne reviennent et que l’on détruise internet et les réseaux, ce n’est pas prêt d’arriver.
Oui, la posture est exigeante : il faut être au top, se faire connaître, pitcher, networker pour se rendre visible. Cette exigence s’apprend, se cultive et permet de faire des bonds, même après cinquante ans… ! Les outils ‘app mobile’ arrivent en support et permettent de gérer cette nouvelle vie avec un minimum de contraintes et surtout de se lier avec d’autres, en toute bienveillance. Enfin, le mouvement est clef et se nourrit de l’énergie de tous les membres de la communauté, il permet d’innover et d’apporter la performance.