Transhumanisme et travail : danger ou opportunité ?

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Transhumanisme et travail : danger ou opportunité ?

Tantôt décrit comme un espoir pour l’humanité ou une idéologie dangereuse, le transhumanisme fait débat, tant sur le plan médical que philosophique : quelles avancées sont réellement possibles, et surtout, lesquelles sont éthiquement acceptables ?

A l’heure où la robotisation a déjà fortement touché nos emplois, le développement du transhumanisme appelle aujourd’hui à la vigilance quant à ses impacts sur le monde du travail.

François Berger, neuro-oncologue et directeur de l’unité INSERM « BrainTech lab », nous explique pourquoi il prône la méfiance face aux promesses transhumanistes.

Pour commencer, qu’est-ce que le transhumanisme ?

Au contraire de la réparation de l’homme malade, c’est l’augmentation de l’homme sain, non atteint par une pathologie, à l’aide de drogues, de technologies voire de modifications génétiques.

Le transhumanisme fait encore aujourd’hui figure de science-fiction dans les médias : en sommes-nous encore au stade de la théorie, ou le transhumanisme est-il déjà une réalité qui pourrait impacter nos vies dans un futur proche ?

L’apport des micro-nanotechnologies et des technologies de l’information comme l’intelligence artificielle permet d’envisager de disposer d’implants, par exemple rétiniens, qui sont déjà utilisés en clinique chez les patients aveugles. Les interfaces cerveau-machine sont aussi utilisées pour pallier aux déficits des patients handicapés tétraplégiques. Il faut faire attention au fait que ces technologies génèrent des fantasmes (créer des surhommes hypermnésiques et immortels par exemple).

Concrètement, comment le transhumanisme va-t-il se manifester dans le monde du travail ? Est-ce une façon de prévenir les pathologies liées au travail ?

Prévenir les pathologies au travail fait partie de la médecine et n’est pas pour moi dans le champ du transhumanisme : par exemple, prévenir les pathologies liées à l’exposition aux facteurs de risque du monde du travail fait partie intégrante de la médecine du travail moderne. C’est d’ailleurs une des premières utilisations des exosquelettes, qui permettent aux militaires et aux ouvriers de moins subir les charges lourdes génératrices de pathologies ostéo-articulaires. Il s’agit aussi d’éviter, à l’aide de bras robotisés commandés à distance, la toxicité d’environnement par exemple radioactifs. En revanche, l’utilisation d’implants connectés au cerveau du pilote de chasse pour détecter avant qu’il en ait conscience l’attaque d’un ennemi ou l’utilisation pendant la guerre du golfe de drogues pour neutraliser le sommeil sont des exemples de la frontière où des problèmes médicaux et éthiques se posent de façon évidente.

Pour les entreprises, le transhumanisme serait une opportunité de gagner en productivité ?

Encore une fois, non pas le transhumanisme, mais une utilisation éthique et médicale des technologies. La recherche biomédicale encadre fortement ce type d’interventions, or le transhumanisme vise à libéraliser ces développements en dehors de tout contrôle, en négation de possibles effets secondaires. Cette libéralisation et déréglementation doit être combattue.

Vous prônez un positionnement ferme des scientifiques contre l’idéologie transhumaniste en raison des dangers qu’elle représente : quels sont selon-vous les risques que représentent les promesses transhumanistes dans le milieu du travail ?

Un exosquelette peut générer des pathologies telles que des troubles cutanés ou blesser le travailleur suite à une perte de contrôle. S’il intègre une électronique élaborée, il peut aussi surveiller à son insu le travailleur et fournir à l’employeur des données confidentielles sur sa santé ou ses capacités. C’est donc une approche médicale qui doit être mise en place, anticipant et surveillant ces risques et protégeant la privacité du sujet. Il faut rappeler les principes éthiques de base (primum non nocerer, privacité, équité de l’accès à l’innovation technologique …) !