Les nouvelles technologies au service des personnes âgées : un bilan mitigé
M–E. Bobillier Chaumon et R. Oprea Ciobanu de l’institut de psychologie de l’université Lyon-2 ont mené une étude sur les enjeux des nouvelles technologies de l’information et de la communication au service des personnes âgées (PA). Celle-ci se penche sur le paradoxe qui émerge de cette relation. En effet, si les NTIC contribuent à améliorer le confort et la qualité de vie des PA, elles aboutissent également à une forme d’indépendance et de stigmatisation des PA par la construction d’une nouvelle identité : « la PA assistée techniquement ».
Etat des lieux
A l’heure où la population française vieillit et que l’espérance de vie augmente, les NTIC apparaissent comme une solution innovante aux problèmes auxquels les PA sont confrontées aujourd’hui : un coût trop élevé et un déploiement insuffisant des modes d’assistances traditionnels. En effet, on assiste à un manque crucial de personnel pour l’aide à domicile ou l’aide soignante.
Les NTIC élargissent les horizons de la modernisation de la prise en charge des PA. Déjà mises en pratique dans plusieurs institutions médicales et sanitaires, comme la télémédecine et le télédiagnostic, les NTIC se propagent dorénavant dans les domiciles des PA.
Mais le caractère impersonnel et la vitesse d’évolution de ces dispositifs contrastent avec la qualité humaine exigée par l’assistance à ces personnes vulnérables.
Les personnes âgées, une population aux besoins spécifiques
Toute personne vieillit à sa manière, selon des facteurs biologiques, environnementaux, sociaux ou économiques qui lui sont propres. Certaines PA connaissent un vieillissement dit optimal, et ne connaissent pas de dégradation inexorable de ses fonctions humaines, d’autres connaissent un vieillissement dit réussi et ne vivent pas mal les changements qu’ils doivent endurer. D’autres enfin, vivent un vieillissement pathologique et sont pris par la maladie. De fait, toutes ces personnes ne font pas appel à un même besoin.
Un autre phénomène accentue la spécificité des besoins des PA, à savoir la fragmentation du lien social qui engendre un repli sur soi de la personne. Une étude menée par David et Starzee souligne que 65% des plus de 75 ans vivent totalement isolés. Cette marginalisation de la société, qu’elle soit naturelle (Cumming et Henri) ou provoquée (Rosow et « la théorie du rôle »), accentue la vulnérabilité des PA.
Les NTIC au service des PA : quelles solutions pour quelles compensations ?
Il existe plusieurs technologies d’assistance au service des PA :
- Les technologies de compensation ou de substitution, qui compensent ou pallient les déficits des personnes âgées.
- Les technologies de renforcement, qui stimulent ou accentuent les capacités et ressources des individus.
Ces dernières s’inscrivent soit dans le groupe des technologies tangibles/palpables (leur présence est visible) ou dans les technologies enfouies/intangibles (elles sont invisibles à l’utilisateur).
Les technologies visibles comme la domotique, l’assistance à domicile (téléassistance, télésurveillance, télémédecine, télé vigilance) et les services médiatisés diffusés par le WEB (télé services, E-administration) ont le défaut d’être trop visibles, et participent à la stigmatisation des PA et à leur dépendance (télésurveillance).
Pour atténuer cet effet de « marqueur de vieillesse », d’autres technologies paraissent mieux adaptées. On peut citer la nanotechnologie, la biotechnologie, l’informatique et la cognition (NBIC) qui intègrent la technologie aux fonctions humaines. Elles pallient les déficiences de l’humain, pour en faire un « homme augmenté », également appelé « l’homme symbiotique ». On peut parler par exemple des implants cérébraux qui permettent de commander des fauteuils roulants. Une autre technologie est la robotique mise au service des PA, comme les robots Asimo au Japon capables d’interagir comme une personne de compagnie.
Ces innovations se substituent ainsi aux échanges sociaux qui manquent aux PA. Elles permettent également une ouverture spatiale et avec le monde extérieur. Elles aménagent leur environnement et contribuent à leur bien-être, en maintenant la personne actrice de son propre vieillissement.
La question qui se pose alors est l’adoption des NTIC par les PA. Dans quelle mesure les personnes vieillissantes sont-elles prêtes à adopter un nouveau mode de vie tourné vers les technologies, le numérique et le digital, alors qu’ils anticipaient une assistance plus traditionnelle ? Car en somme, bien que les nouvelles technologies se présentent comme une solution à certains problèmes, leur adoption demeure sujet à un choix personnel.