Ce que la série Suits peut nous apprendre
Suits, littéralement « costumes » mais aussi « procès » en anglais, est une série américaine à grand succès. Elle met en scène les protagonistes d’un cabinet d’avocat huppé de New York « Pearson & Hardman », parmi lesquels Harvey Specter, avocat ambitieux et égocentrique rêvant de devenir « Name partner » et Mike Ross, imposteur génial et fantasque tout juste recruté par le premier. L’action se situe généralement dans les luxueux locaux de la firme ou dans le bureau de l’un de leurs clients (entreprises ou riches particuliers). Chaque fan de droit pourra y trouver un divertissement intéressant, porté par un casting parfait et un scénario puissant, mêlant intrigues judiciaires et liens complexes (pouvoir, amitié, ego, amour) entre les acteurs, où l’on y découvre que le quotidien d’un cabinet d’avocat peut être un monde fascinant. D’un point de vue du droit, la série semble donc satisfaisante, même si un étudiant en fac ne l’utilisera pas pour réviser son droit des contrats. Car, plus qu’une approche de la théorie judiciaire, Suits offre une plongée dans le monde « corporate », au sein de ce qui pourrait être l’un des multiples cabinets (d’avocat, de conseil, d’audit voire même une banque) américain ou français. Alors, quels enseignements peut-on retirer de la série ?
Tout d’abord, la série nous offre un aperçu du poids de la hiérarchie et de méthodes de management à l’œuvre dans ces organisations. Les rôles sont strictement répartis selon des grades d’anciennetés, de l’associate au partner. Ces derniers peuvent adopter une posture de management par la domination assez violente, basée sur une considération minime du travail de leurs subalternes. On peut noter que ces pratiques relèvent presque d’une tradition dans certaines organisations, d’un rite de passage reproduit de génération en génération : c’est notamment dans les grandes banques d’affaires de la place parisienne. De plus, une séparation stricte existe entre l’avocat et le juriste : la série montre que celle-ci n’est pas basée sur les compétences ou les connaissances, mais simplement sur l’obtention du diplôme, donnant lieu à certaines scènes cocasses où les juristes semblent être plus à même de gérer un dossier mais ne peuvent s’en saisir du simple fait de leur statut.
Par ailleurs, Suits révèle quelques leçons de stratégie. L’une d’entre-elles pourrait être la propension de Harvey à « jouer l’homme » : telle une partie de poker, chaque affaire implique des humains dont il doit comprendre les forces et les faiblesses afin de pouvoir adapter au mieux sa stratégie. De même, la série soulève aussi la question de la frontière vie privée / vie professionnelle et de sa pertinence à l’appliquer à tous les métiers, tant le rythme des avocats est imprévisible et demande une présence de tous les instants.
Enfin, la série offre un bon éclairage sur le statut d’avocat en évitant le jugement bien courant et idéaliste du « bien et du mal », montrant un monde où les représentants du droit flirtent parfois avec la ligne rouge. Il faut par ailleurs rappeler qu’être avocat n’est pas nécessairement aussi incroyable que le décrit la série américaine, comme le montre cet intéressant témoignage.